Le soir, la solidarité continue à la Porte d’Ulysse, l’établissement d’accueil nocturne et d’aide aux réfugiés. Entre vingt heures et midi, les bénévoles accueillent jusqu’à 200 réfugiés. Pour que ce centre continue à aider les réfugiés, l’organisation des bénévoles est primordiale.
Près d’une heure de trajet en transports en commun, et au 1426 de la Chaussée de Haecht, derrière la Croix Rouge, une zone mal éclairée. Difficile de repérer la porte d’entrée, dans la pénombre. Nous entrons dans le bâtiment. La lumière est vive à l’intérieur, l’accueil est chaleureux.
Karim est le bénévole en charge de l’équipe ce soir-là, le « référent ». Il nous accueille avec le sourire, comme si tout le monde était le bienvenu. Des poignées de main, un premier contact s’établit. Des réfugiés entrent derrière nous, le même accueil leur est réservé. Ici, tout le monde se tutoie, tout le monde s’appelle « mon ami », tout le monde est traité de la même manière. Nous rencontrons un jeune réfugié dont l’histoire nous touche particulièrement. Il a 15 ans, et pourtant son regard est puissant, rempli d’expressions témoignant de la dureté de son parcours.
Fionna, bénévole et étudiante, confie que les histoires des réfugiés, leurs parcours, la motivent à aider plusieurs soirs par semaine. Dans la salle d’accueil, la jeune femme reçoit les nouveaux bénévoles et les réfugiés de passage. Sur un tableau blanc, elle comptabilise les entrées. 200 hommes en tout peuvent être logés, parfois plus en cas d’urgence. Il est difficile de refuser des personnes, surtout en période de froid. Les lits sont répartis en 4 étages, chaque étage accueille 50 réfugiés. C’est eux qui choisissent leur étage. Fionna nous explique que certains étages sont plus calmes que d’autres.
« Le troisième étage, c’est l’étage des jeunes. En général, il y a du bruit, de la musique, une bonne ambiance »
Passion : bénévolat
« Je baigne dans le bénévolat depuis toute petite, mes parents travaillaient dans l’humanitaire »
Pour Fionna, le bénévolat est une passion qu’elle essaie de nous transmettre le temps d’une soirée.
Ce soir, les réfugiés se suivent, le tableau blanc se remplit. Aux étages, dans les dortoirs, l’ambiance rappelle presque celle d’une colonie de vacances. Les bénévoles écoutent, sont attentifs aux besoins de chacun. Les personnalités se dévoilent, et les plus timides finissent par se mêler aux autres. Dans le contexte dépersonnalisant des migrations, c’est important pour les bénévoles de faire primer l’humanité. En face d’eux, ce ne sont pas « juste des migrants », mais des personnes, avec leurs histoires et leurs besoins.
Au troisième étage, un jeune homme nous tend une guitare. « Tenez, prenez ma guitare. Je pars en Angleterre et je ne peux pas la prendre avec moi. Pendant le voyage personne ne joue de la musique ». Il nous propose même d’échanger nos adresses mail pour récupérer sa guitare plus tard. Le dialogue est facile, les sourires sont spontanés. La voilà, la motivation d’aider. Tout simplement.
Organisation 100% citoyenne
La Plateforme Citoyenne, c’est un groupe d’environ 10 000 bénévoles actifs sur les réseaux sociaux. Chaque soir, des équipes de bénévoles se répartissent entre le Parc Maximilien et le centre d’hébergement de Haren. Le but est de trouver un logement aux 350 réfugiés du parc, pour qu’ils ne passent pas la nuit dehors. 150 réfugiés, en priorité les femmes et les enfants, logent chez des particuliers, des « hébergeurs de migrants ». Les 200 autres réfugiés, des hommes, sont conduits à Haren pour la nuit.
Les bénévoles se coordonnent pour amener les réfugiés en voiture du parc jusqu’au centre. Chaque réfugié reçoit un ticket d’accès au centre d’accueil. Ici, ils ont droit à un lit, un repas, une douche et de la chaleur. Sur place, tous les soirs, un à quatre bénévoles s’occupent de l’accueil et l’écoute des réfugiés. Toute cette mobilisation est exclusivement citoyenne et indépendante, et les bénévoles en sont fiers.
Bénévoles d’un soir
Il devient alors impossible de ne pas participer au travail des bénévoles. Dans la cuisine, nous rencontrons Hannane. La cuisine, c’est son territoire !
« C’est moi qui dois vous donner l’autorisation d’être ici ! »
Elle s’adresse à nous d’emblée sur le ton de l’humour. Très vite, nous participons à la vaisselle et au nettoyage. Toutes les vivres stockées ici proviennent de dons. Ce soir, c’est salade mixte en entrée et gratin de légumes en plat. Cachés dans la réserve, quelques gâteaux attendent d’être mangés.
Nous retrouvons dans la cuisine le jeune réfugié de 15 ans que nous avions rencontré plus tôt. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Hannane l’a pris sous son aile. L’ambiance est musicale. Ca danse, ça rit, ça parle fort. L’idée est d’oublier, le temps d’un repas, la morosité et la dureté de la situation des personnes dans le besoin