Prendre (de) son temps

Jonas Bourion

Photojournalisme

En maison de repos, le temps semble passer lentement. Certaines choses paraissent inamovibles. Pourtant, au milieu de cet environnement, des dizaines de professionnels s’activent. C’est le cas de l’équipe paramédicale du home Saint-Nicolas d’Enghien. Chaque jour, Delphine et ses collègues donnent de leur temps pour adoucir celui des résidents.

Dans sa chambre, Isidoor regarde la télévision. Le volume est très élevé, la faute à une ouïe défaillante avec l’âge. Il est assis dans son fauteuil, une tasse de café vide devant lui. À côté de cette tasse, une photo encadrée représentant une femme plutôt âgée est posée face à la télévision et dos à Isidoor. Souriante, lunettes de soleil fièrement posées sur son nez, elle se tient à côté d’un mur de roses trémières. Il s’agit de la femme d’Isidoor, décédée en décembre 2022. Depuis lors, le vieil homme l’installe systématiquement auprès de lui afin qu’ils puissent regarder la télévision ensemble.

"Ici, nous sommes chez eux. Nous ne devons pas oublier ça." Delphine est membre de l’équipe paramédicale de la maison de repos Saint-Nicolas d’Enghien depuis onze ans. Dans ce métier, elle a trouvé l’humanité qu’elle recherchait. Apprendre à connaître les résidents ainsi que leurs histoires, comme celle d’Isidoor, fait partie de son quotidien. Car son quotidien, c’est avec eux qu’elle le passe.

"Aide-moi à faire seul"

La vision de l’équipe paramédicale du home Saint-Nicolas d’Enghien s’inscrit dans la méthode Montessori. "Aide-moi à faire seul", souffle Delphine. L’objectif est de refuser toute infantilisation en encourageant les résidents à conserver un maximum d’autonomie. "Tout ce qui nous rend vivants, c’est ce qu’on sait faire, ce qu’on a envie de faire ou ce qu’on fait seul… et l’âge fait qu’on peut perdre peu à peu ces capacités. Nous, on veut absolument leur laisser le choix, même si ça nous prend du temps. On ne veut pas qu’ils aient l’impression que tout s’arrête parce qu’ils arrivent en maison de repos."

Organiser des parties de jeux de société, une promenade, une séance de gymnastique douce… sont autant d’activités organisées par l’équipe paramédicale. Tour à tour, ses membres deviennent professeurs de yoga, randonneurs ou animateurs. Mais au-delà de ça, il y a les activités que l’on ne voit pas. "Parfois, il faut juste s’asseoir et prendre le temps de discuter", raconte Delphine. "On voit alors dans leurs yeux qu’ils se sentent reconnus en tant que personnes et que ce lien social est crucial."

Pendant deux semaines, j’ai pu suivre le quotidien de l’équipe paramédicale du home Saint-Nicolas d’Enghien. J’y ai rencontré des professionnels profondément humains, convaincus qu’un sourire ou une longue discussion peuvent changer beaucoup de choses. Chaque jour, Delphine et ses collègues prennent (de) leur temps pour adoucir celui des résidents. Ma façon de les remercier est de vous proposer de prendre un peu du vôtre pour découvrir leur travail.