
Avec son bonnet en laine rouge qui laisse apparaître quelques mèches désinvoltes et des taches de peinture plein les vêtements, Alexandre de Henau, alias Diko, donne le ton. Cet artiste-peintre est l’une des facettes de la DAK. Au sein de ce véritable melting-pot artistique, les « villageois » abordent l’art de bien des manières. Alex participe au projet depuis ses débuts, en août 2016, et pour lui il est hors de question de revenir en arrière. « Ce mode de vie en communauté nous pousse à prendre conscience d’un tas de choses. C’est une évolution inévitable. On ne peut pas vivre indéfiniment comme on le fait aujourd’hui».
En vivant au sein de la DAK, il dit avoir ouvert les yeux sur le monde qui l’entoure et ses habitudes. L’artiste déplore le gâchis alimentaire, la surconsommation, le manque d’ouverture aux autres propres à notre monde. « Je n’étais pas écolo lorsque j’étais plus jeune, mais mon point de vue a changé avec la vie en communauté. Je vois à quel point c’est facile de vivre avec pas grand-chose. Personne n’est riche ici mais on a tout ce qu’il nous faut. C’est la cohésion au sein du village qui nous permet de vivre ainsi. Il faut écouter, faire des compromis et communiquer. Surtout, ne pas hésiter à parler lorsque c’est nécessaire. On doit montrer qu’on existe ».
Des choix et de la chance
L’artiste de 24 ans ne s’imaginait pas vivre ce quotidien, mais aujourd’hui il ne reviendrait pas en arrière. Son identité d’artiste, il l’a façonnée à partir de rencontres de jeunesse. « Je suis entré dans le milieu du graffiti un peu par hasard. Un jour, je me suis trouvé au bon endroit au bon moment, ou peut-être au mauvais endroit au mauvais moment. Qui sait ? » Il se consacre aux graffitis depuis près de huit ans. Son expérience d’artiste lui a permis de préciser son coup de pinceau et de créer sa « cellule », sa signature. Il est désormais loin de l’époque des œuvres illégales dessinées sur les voies ferrées qui lui procuraient un « bon stress ». Alex préfère prendre son temps et se sent davantage artiste que graffeur. Il est sensible au jeu des couleurs et des compositions. Il ne se limite pas à un seul support, surtout pas au format rectangle. Il aime investir des objets du quotidien. Par exemple, il a déjà peint un ordinateur, des planches de skateboard, des vélos et dernièrement un frigo.
Sa copine, Alix, qui vit aussi à la DAK, ne manque pas de souligner une de ses œuvres les plus remarquables. « Il a peint entièrement une voiture d’une amie. Dans la rue, les gens l’arrêtent pour lui demander qui a réalisé l’oeuvre». Pour accéder à cette reconnaissance, Alex perçoit l’art d’abord comme une passion. « Je ne me mets pas la pression, je peins lorsque j’en ai envie. Des fois, il se passe des semaines sans que je touche une toile ». Mais il essaie tout de même de garder une certaine rigueur. Il s’astreint à au moins cinq minutes de dessin chaque soir dans son atelier.
« Je suis un passe-partout »
Alex ne cache pas son mode de vie atypique à son entourage, mais il garde une part de discrétion. « Mes amis connaissent mon mode de vie mais je n’en parle que si on me le demande. Je suis épanoui comme ça et mon entourage le remarque ». Sa famille le soutient tout autant. Il parle avec plaisir de sa soeur et de son frère qu’il dit toujours là pour lui, de son père qui le soutient « à 200 % » et de sa mère qui reste en accord avec ses projets. Mais avec son emploi du temps chargé, il a du mal à leur consacrer beaucoup de son temps. Cet emploi du temps chargé, il le doit tout d’abord à sa passion pour l’art. Car même s’il ne peint pas directement pour la DAK, c’est elle qui lui en offre l’opportunité : la Maison des arts lui met à disposition son propre atelier. À côté de la peinture et du dessin, sa place au sein de la DAK occupe aussi une grande partie de son temps. Du statut de « villageois », il est passé à celui de « gestionnaire », ce qui lui permet d’assister à certaines réunions. Il coopère avec d’autres collectifs artistiques et de graffitis issus de Bruxelles, tels que Chalkcustomboard ou Propaganza. Cette collaboration lui permet de partir en voyage avec certains membres, de participer à des expositions et même de se faire fournir du matériel.
Malgré cette empreinte artistique, Alex refuse de porter une étiquette. « Je ne veux pas être catalogué. Je n’appartiens pas à un type de personne. Je suis un artiste mais je ne suis pas qu’un artiste alternatif. Je pense que je suis un passe-partout ». Le jeune ajoute, un peu utopiste, qu’il aime le monde et les gens qui le composent. Sa philosophie, on la retrouve dans ces œuvres. Il dessine tout d’abord pour le plaisir, sans forcément soutenir de cause particulière. Ce qu’il faut retenir d’Alex, c’est finalement cette polyvalence, ce mot qu’il déteste tant mais qu’il adore employer. « C’est la synergie entre les capacités de différentes personnes qui importe. Tout est une histoire de rencontres et de comment on utilise ces rencontres ». Mais pour l’artiste, le principal c’est aussi de « bien rigoler »…