SCREAM LIKE A GIRL : les musiciennes de heavy metal

Sonia Romero Ruiz

SCREAM LIKE A GIRL : les musiciennes de heavy metal

SCREAM LIKE A GIRL : les musiciennes de heavy metal

Sonia Romero Ruiz

A la lecture de ce titre, vous devez sans doute vous dire « encore une féministe acharnée qui va chercher le sexisme partout. » Oui et non. Souvent représenté par des grands vikings chevelus et poilus, un peu moins souvent par des poupées en corset, le heavy metal n’est pas épargné par le sexisme latent de la société. Quand la majorité des musiciens, organisateurs et spectateurs sont des hommes, il est difficile de se faire une place en tant que femme. Cette enquête sur la place du sexe faible dans le heavy metal montre que les filles peuvent crier aussi fort que les garçons.

Le metal, cette expression crue et sauvage de la virilité, de la force, de la violence, de la masculinité. Je ne parle pas ici du matériau métallique – bien que la métallurgie soit aussi l’apanage des hommes – mais du heavy metal. Un genre musical extrême, plus lourd qu’un semi-remorque. Un genre dont les adeptes pratiqueraient la magie noire, des rituels satanistes et des sacrifices animaliers en offrande au diable… pour Monsieur et Madame-Tout-Le-Monde. Dans la réalité, les metalleux sont souvent festifs, chaleureux, fraternels. Mais tout n’est pas rose au pays du noir-roi. Depuis ses débuts en 1970, le heavy metal souffre d’un mal tellement répandu qu’il est aujourd’hui presque reconnu par la mutuelle : le sexisme. Un mot qui résonne comme la peste noire actuellement.

 

It’s a man’s world

Ce sexisme n’est pas toujours conscient ni volontairement malveillant. Il se manifeste d’abord par la majorité physique d’hommes dans la scène metal, autant dans les groupes que dans le public, en passant par les bénévoles, les roadies et les organisateurs. « Au début en concert j’étais un peu timide, stressée à l’idée de monter sur scène, que des gens me voient et en particulier à l’idée que des mecs me voient car le public metal est quand même majoritairement masculin », confie Anouk, jeune chanteuse belge de death metal. Pour Astrid, claviériste du groupe belge Anwynn, la part de filles à leurs concerts s’élève de 30 à 40%, « ce qui est beaucoup pour un concert de metal. » Sa formation de death metal symphonique est constituée de deux femmes pour cinq hommes. Malgré la très bonne entente générale dans le groupe, la présence féminine de la chanteuse Eline la soulage : « Si elle n’était pas là, il y aurait probablement une atmosphère encore plus virile autour de moi, ce avec quoi je n’ai a priori pas de souci mais de temps en temps pouvoir dire : tu peux m’aider à fermer mon corset, oh le mec là-bas il est mignon… C’est sympa. »

 

Au-delà de cette supériorité numérique, la metal cultive aussi une imagerie violente, notamment envers les femmes. Il vous suffit de taper les noms des albums suivants dans n’importe quel moteur de recherche : Peste Negra, Muerte Negra du groupe Anal Vomit, Evil In The Night de Merciless Death ou encore le très poétique Wretched Spawn de Cannibal Corpse. Et évitez de rendre votre dîner sur votre clavier. Ces pochettes explicitement misogynes ne sont que la partie émergée de l’iceberg qui traumatise les grand-mères.

Aussi explicites que soient ces représentations de la femme, elles ne sont pourtant pas forcément volontairement sexistes. En 1970, Black Sabbath sort la chanson War Pigs – souvent perçue comme fondatrice du heavy metal – un morceau qui « regardait les choses en face de manière déterminée. » Est-ce que son chanteur Ozzy Osbourne fut foncièrement sexiste lorsqu’il déclara plus tard dans sa biographie « pas étonnant qu’il n’y ait jamais eu de gonzesses à nos concerts » ? Est-ce que certains techniciens furent volontairement sexistes lorsqu’ils expliquèrent à Nervosa, un groupe féminin de thrash metal brésilien avec plus de 150 concerts à leur actif, où se trouve le bouton pour le volume sur un amplificateur ? Est-ce qu’ils furent intentionnellement misogynes lorsqu’ils les empêchèrent à plusieurs reprises d’avoir accès à leurs coulisses, niant qu’elles soient les membres du groupe et non des « groupies ou les petites copines de » ? Pour Fernanda Lira, chanteuse et leader de Nervosa, il ne faut pas leur en vouloir personnellement. « Je ne pense pas que ces gens soient sexistes, c’est juste tellement ancré dans la société qu’ils ne s’en rendent pas compte. Pour eux c’est normal qu’il n’y ait pas beaucoup de filles dans le metal. Donc ce n’est pas normal de voir des filles jouer du metal. Donc c’est compliqué pour eux d’y croire, d’y faire face. » Logique implacable.

Els Prins et Simone van Straten, les fondatrices des Sisters of Suffocation

Où sont les femmes ?

Depuis les origines du heavy metal jusqu’à récemment, on compte néanmoins quelques exceptions qui confirment la règle masculine. En 1977 nait une des premières formations exclusivement féminines de heavy metal, Rock Goddess, ni plus ni moins. Les sœurs Jody et Julie Turner à l’origine du groupe avaient à l’époque 13 et 9 ans. Girlschool est créé l’année suivante, un groupe britannique également entièrement féminin. Véritable OVNI à cette époque. Les groupes de filles dans le metal, ça ne courait pas les rues, même en cas de pleine lune. Celles-ci courent pourtant toujours, se produisant actuellement en concert avec 40 ans d’activité au compteur. A leurs débuts, elles ont pu compter sur le soutien de Lemmy Kilmister, légende de Motörhead consacré dieu du metal pour tout disciple qui se respecte. Elles participèrent à la tournée du groupe, gagnant en visibilité et popularité. Si les compétences intrinsèques de Girlschool sont authentiques, il faut pourtant admettre une vérité gênante : le groupe fut d’une certaine façon lancé grâce au support d’un homme.

 

Girlschool, « C’mon Let’s Go », vidéo masterisée par SacrifyX, Youtube

 

Doro Pesch fait aussi figure de tâche d’huile féminine dans l’océan masculin. En 1982, cette chanteuse allemande fonde son propre groupe, Warlock, avant de continuer sous son nom seul. Surnommée la « Metal Queen », elle est un peu l’alter-ego féminin de Lemmy dans le metal. Alter-ego allemand. Et moins connu. Logique toujours ?

C’est à peu près tout ce que l’on compte de notoire jusqu’aux années 90. Mais pourquoi diable direz-vous – encore une référence au prince des ténèbres, ça ne peut pas être une coïncidence. Les metalleux ont-ils peur des femmes ? Faut-il des poils au menton pour obtenir la carte de membre du cercle heavy metal ? Leur virilité se trouverait-elle en danger par une présence féminine ? L’imaginaire représentant le metalleux comme un homme préhistorique poilu, bruyant, primitif, barbare et puant la bière davantage qu’un vieux bistrot belge a la vie dure.

 

Un catalyseur du sexisme sociétal ?

Là, vous vous dites peut-être : 1) elle ne respecte pas la règle des sous-titres en chanson, 2) elle nous balance deux mots compliqués en une seule ligne. Pour faire simple, le metal ne serait pas particulièrement misogyne, mais plutôt à l’image de la société. « Je pense que le monde de manière générale est très sexiste et le metal l’est tout autant, ni plus ni moins. Il est simplement plus à prédominance masculine donc sans doute que les stéréotypes archaïques reviennent plus souvent », déclare Astrid, du groupe Anwynn. Et avec ces archaïsmes, les comportements déplaisants, voire insultants. Amalie Bruun, chanteuse danoise et unique membre du groupe de black metal Myrkur, a reçu des menaces de mort pour le simple fait d’être une femme. La chanteuse Kayla Philips du groupe de hardcore Bleed The Pigs s’est vue traitée de folle et d’hystérique. Quant aux musiciennes des Sisters of Suffocation, formation féminine de death metal néerlandais (qui a pris un batteur masculin depuis mai 2018), on leur a reproché à plusieurs reprises de « vouloir copier les mecs. »

Pour Anouk, ex-membre du groupe belge Cryptogenic, ces attitudes sexistes sont liées à des normes de genre préhistoriques. « Quand tu es une femme tu dois être calme, douce. Donc si tu es une féministe et que tu commences à gueuler, ça ne va pas du tout. Hop, t’es pas une vraie femme du coup, forcément. » Certains utilisent également le sexe pour rabaisser leur musique : « C’est bizarre que nous, en tant que femmes qui faisons du death metal, on a parfois des remarques dans le sens où nous ne sommes qu’un gadget pour attirer l’attention, qu’on n’est pas des vraies musiciennes, qu’on le fait juste pour devenir célèbres, des choses comme ça », signale Puck Wildschut, bassiste des Sisters of Suffocation. D’autres encore affirment que ces musiciennes ne sont pas à l’origine de leurs propres productions. « Au début les gens disaient que sur notre premier CD, ce n’était pas nous qui jouions », confie Romana Kalkuhl, guitariste du all-women band Burning Witches.

 

Sisters of Suffocation, les metalleuses néerlandaises décomplexées

 

L’ouverture du metal symphonique

Qui dit sexisme ordinaire, dit aussi remarques sur le physique des femmes. Et le heavy metal n’est pas épargné. Au milieu des années 90, entre les jeans déchirés et les chemises à carreaux nait un sous-genre nommé metal symphonique. Représenté aujourd’hui par des groupes tels que Within Temptation, Nightwish, Epica, Xandria et Amberian Dawn, ce mouvement se caractérise par la présence d’une chanteuse lyrique dans un groupe de musiciens souvent masculins. Une brèche spatio-temporelle ouverte pour le sexe féminin sur la scène heavy. Ces chanteuses parfois dignes des plus grands opéras sont souvent habillées, coiffées et maquillées de la même façon : des poupées de porcelaine en corset grandeur nature. Malgré leurs capacités vocales et leur performance scénique, elles se retrouvent souvent mises en avant pour leur physique féminin avantageux.

Un exemple flagrant de cette figure féminine hyper-instrumentalisée : Exit Eden. Avec en prime un nom évocateur du péché originel – merci Ève, tentatrice d’Adam. Quatre chanteuses lyriques parées de pseudo-robes de mariée en dentelle et gesticulant mélodramatiquement comme un cliché gothique ambulant dans un château médiéval, entourées de chandeliers et d’un brouillard artificiel douteux. « Pour moi c’est complètement anti-féministe ces filles ! J’ai horreur de ça. Elles ne font que reprendre des tubes de la pop de manière tellement clichée que c’est ahurissant. Ayez une personnalité, c’est tout ce que je demande », s’énerve Astrid. Faut-il encore préciser que leurs clips – tous tournés au même endroit, avec les mêmes gestes, les mêmes plans et les mêmes vêtements – comptabilisent plusieurs millions de vues sur Youtube ? Faut-il indiquer que les musiciens sont pour ainsi dire invisibles, apparaissant tout au plus 10 secondes sur chaque vidéo ? « C’est l’anti-thèse de la musique, une catastrophe. Et ce sont ces exemples abominables qu’on va retenir, alors que la majorité des filles dans le metal n’est pas comme ça. C’est comme dans le féminisme, les gens pensent que les féminazies c’est du féminisme, alors que non. On ne retient que les extrêmes. »

Si vous ne connaissez pas le concept de « féminazie », imaginez un nazi (logique) avec des cheveux longs et une paire de seins. C’est donc une nazie, félicitations. Vous la voyez ? Imaginez-la hurler à la soumission masculine, à la domination féminine ultime, imaginez-la se secouer comme une possédée (pensez à L’Exorciste, on reste dans le thème), casser tout ce qui lui tombe sous la main et lancer des casseroles dans tous les sens. Des casseroles joliment décorées des slogans « A MORT LE PATRIARCAT. » Vous avez le concept populaire de féminazie. Une véritable légende urbaine. Une insulte balancée à toute femme un peu énervée par les inégalités pour la décrédibiliser dans la seconde.

Revenons au metal symphonique. Malgré cette instrumentalisation de leur image, ces femmes sont les véritables fers de lance de leurs groupes, l’astre autour duquel gravitent les autres musiciens. Ils n’hésitent pourtant pas à les jeter et à les remplacer plus souvent que leurs paires de chaussettes (les metalleux ne portent pas de chemise). Nightwish en est ainsi à sa 3ème chanteuse. La première vocaliste du groupe, Tarja Turunen, s’est fait virée après un concert au moyen d’une lettre. Pas un mot en face, pas un signe avant-coureur, pas une explication honnête, après 9 ans de collaboration. Le summum de la virilité ?

 

Le metal pour les nuls

  • Doom metal : Originaire de la moitié des années 70 en Europe et aux Etats-Unis, les premières chansons de Black Sabbath ont lancé les prémisses de ce sous-genre. Le doom metal se caractérise par un style particulièrement lent et des paroles très sombres, évoquant le désespoir, la peur et le malheur. Les guitares et les basses sont accordées plus basses. Ex : Candlemass, Pentagram, My Dying Bride.
  • Glam metal : Né à la fin des années 70 aux Etats-Unis et incorporant des éléments du hard rock et du punk rock, le glam metal est surtout connu pour le style particulier des musiciens : souvent vêtus de cuir noir, ils portaient aussi un maquillage appuyé et avaient les cheveux permanentés. Au niveau musical, il se caractérise par un chanteur souvent charismatique, un batteur très technique et des solos entrainants de guitare. Les paroles traitent notamment de l’amour, du sexe, des filles, de la drogue. Ex : Kiss, Poison, Mötley Crüe.
  • Speed metal : Sous-genre né au début des années 80 et issu de la New Wave of British heavy metal, il est souvent cité comme le sous-genre qui influença l’émergence du thrash metal et du power metal. Il se caractérise donc par sa vitesse extrême, son style abrasif et sa complexité technique. Ex : Judas Priest, Dragonforce, Anvil.
  • Death metal : Sous-genre extrême de heavy metal né au début des années 80 aux Etats-Unis. Le style est rapide, brutal, et utilise la technique du chant guttural ou du « grunt ». Les textes sont particulièrement violents et sombres, évoquant souvent la mort mais aussi certains sujets philosophiques. Les guitares sont accordées plus basses, la batterie rapide, créant une musique intense et dynamique. Ex: Death, Cannibal Corpse, Suffocation.
  • Thrash metal : Né au début des années 80 et issu de la New Wave of British heavy metal, se caractérise par une musique technique, rapide et violente, exprimant souvent des problèmes politiques et sociaux. Proche du speed metal, il est considéré comme plus agressif, moins mélodique et plus proche du punk hardcore.  Ex : Megadeth, Slayer, Anthrax.
  • Black metal : Egalement sous-genre extrême né au milieu des années 80 dans les pays d’Europe du nord, particulièrement en Norvège. La batterie est frénétique, les guitares dissonantes et le chant hurlé. La seconde vague du black metal, au début des années 90, voit apparaître des groupes se souciant peu de la qualité sonore, privilégiant plutôt la brutalité du son et l’anticonformisme. Les paroles sont très violentes, abordant des thèmes comme le satanisme, l’occulte, la mort, les troubles psychiques, etc. Ex : Mayhem, Gorgoroth, Emperor.
  • Metalcore : Né à la fin des années 80 aux Etats-Unis, mélange de heavy metal et de punk hardcore. Aujourd’hui, le metalcore désigne le versant plus mélodique du genre qui a incorporé des éléments du death metal avec celui du punk hardcore. Né entre la fin des années 90 et le début des années 2000, cette musique se caractérise par un son très lourd, des guitares inspirées du death mélodique scandinave et un chant hurlé, parfois clair. Ex : Killswitch Engage, The Devil Wears Prada, Asking Alexandria.
  • Nu metal : Genre hybride popularisé au début des années 90 aux Etats-Unis. Inspiré par de nombreux autres genres, notamment le hip-hop, la musique électronique, le grunge et le punk hardcore. Le genre se caractérise par une importance particulière du rythme, avec des riffs marqués. Il peut aussi être classé dans le metal alternatif, ces deux genres possédant des caractéristiques communes. Ex : Linkin Park, Slipknot, Korn.
  • Metal symphonique : Né à la fin des années 90 en Scandinavie et aux Pays-Bas. D’inspiration orchestrale, il utilise notamment des claviers pour reproduire ce style symphonique. Le chant est lyrique, emprunté à la musique classique. Ex : Nightwish, Within Temptation, Epica.

L’image de la femme-appât

Si le physique de ces musiciennes est mis en avant pour une question de marketing, il est également la cible des remarques les plus inventives. Leur présence dans les groupes de metal est souvent perçue comme une technique de vente, un moyen d’attirer le public… masculin. « J’ai l’impression qu’on fait vraiment de la publicité quand on nous dit ça, qu’on est un sujet commercial », lâche Anouk. « J’ai déjà du débattre sur le sujet avec quelqu’un, encore une personne qui trouvait que les femmes dans la musique, c’est juste pour se montrer et qu’on a rien à faire là. Une autre fois j’ai reçu un commentaire sur Facebook : le groupe t’as prise uniquement pour ton physique, rien de plus. Sans m’avoir déjà écoutée ni quoi que ce soit. Si tu n’aimes pas un chant plus féminin, OK ça peut se comprendre, les goûts et les couleurs… Mais ce n’est pas comme ça qu’on arrivera à une égalité si on interdit aux femmes d’avoir accès à un milieu particulier. Ces personnes-là sont toujours fixées dans leur idée, bornées. C’est ça le problème avec les gens sexistes. »

« On juge beaucoup plus les chanteuses de metal sur le physique. »

– Anouk, chanteuse de death metal

Et puis il y a une vérité qui dérange (en dehors du réchauffement climatique) : certains hommes ne viennent que pour voir les femmes de ces groupes. Ils attendant sagement la fin du concert, font un selfie parfois moins sagement avec la chanteuse, et ignorent royalement le reste du groupe. S’intéressent-ils à leur musique, à leur style ? Apprécient-ils les capacités vocales de la fille ? Est-ce que la terre est plate et Donald Trump féministe ?

Là où l’hypocrisie devient curieuse, c’est quand ces hommes utilisent le physique de ces mêmes femmes pour les décrédibiliser. « Certaines personnes disent que la seule raison pour laquelle on fait ça [du metal] c’est juste parce qu’on a des seins », soupire Simone, guitariste des Sisters of Suffocation. Être à la tête d’un groupe ne change visiblement rien. Astrid n’est pas seulement la claviériste d’Anwynn. Après le départ du fondateur, elle a repris les rênes du groupe. Elle compose, gère les autres membres, organise les répétitions et les concerts, s’occupe de leur donner une image… Tout ce que nécessite une formation pour fonctionner. Sans oublier son métier de médecin. Une fille d’un autre groupe – le sexisme touche tout le monde – lui a pourtant déjà dit d’elle qu’elle « ne sert qu’à faire joli. » Un homme s’est aussi vexé car elle a refusé de boire un verre avec lui. Il a alors déclaré qu’il n’écouterait plus son groupe, leur musique « n’étant pas ce qu’il pensait. » « Ah oui, si ma musique dépend que j’aille boire un verre avec toi ou pas, clairement ce n’est pas ma musique que tu aimes », répond Astrid. Immoralité de l’histoire pour Anouk : les femmes ne peuvent rien faire sans être jugées sur leur apparence, le milieu du metal ne fait pas exception.

« Nous ne nous sentons pas autant respectées que les hommes. Beaucoup d’entre eux nous réduisent d’abord à notre corps. »

– Romana Kalkuhl, Burning Witches

Si les remarques se suivent et se ressemblent, ces musiciennes ont appris à composer avec les « lourds » et laisser couler. Un conditionnement au sexisme ordinaire – raison pour laquelle d’ailleurs ce sexisme devient ordinaire – pourtant vital pour avancer. Même constat pour les Burning Witches. A leurs débuts, beaucoup disaient qu’elles devaient leur succès à leur physique. Aujourd’hui, 3 ans plus tard, les avis ont changé. « C’est peut-être un point bonus d’être des femmes, mais on ne doit pas entièrement notre succès à ça », explique Romana. « Les gens voient qu’on a du succès car on est des bonnes musiciennes, car on leur montre qu’on adore notre son et on les fait sentir ça. Et ceux qui disent des mauvaises choses, ça ne compte pas pour nous. On s’en fout. Ils sont juste jaloux. »

De cette exploitation de l’image des femmes dans le metal résulte pourtant aussi leur surexposition sur le devant de la scène. La femme d’abord, les hommes après, comme au naufrage du Titanic. Le sexisme envers les femmes affecte aussi leurs homologues masculins, relayés au second plan. « Il y a aussi des avantages et parfois j’ai l’impression d’être hypocrite en les niant », confie Astrid. « Car c’est quand même toi qu’on va regarder. C’est horrible mais c’est la vérité. Le milieu du metal étant principalement masculin, en termes de gens qui écoutent, masculin hétérosexuel… Le fait d’avoir une fille, visuellement, c’est attirant. Si tu faisais exactement la même musique mais avec un mec à la place d’une fille, ça attirerait moins l’attention. »

Un état de fait qui influence aussi sa manière de gérer l’image du groupe. Elle et Eline, la chanteuse, sont clairement mises en avant, plus que les hommes. Le marketing l’exige, il s’assoie sur l’égalité des sexes. Astrid fait pourtant de son mieux pour donner sa place à tout le monde, s’assure de montrer aussi le batteur, le bassiste, les musiciens masculins dans les clips. Mais les mettre en avant autant que la chanteuse, elle sait que ça ne marchera pas. Sur les photos, elle et Eline seront toujours mises en avant – avec l’autre chanteur au milieu d’elles, pour une question de symétrie. « Je ne suis pas à l’aise avec ça. Mais j’ai appris que je ne peux pas faire 100% ce que je pense théoriquement juste si je veux que le groupe avance un minimum. »

Anouk, dite Anouska, chanteuse belge de death metal

Le jugement dernier masculin

Qui dit femmes mises en avant, dit aussi femmes exposées aux critiques. A croire qu’elles portent un écriteau autour du cou lors des concerts « balancez-moi vos jugements, je suis là pour ça ». C’est un phénomène social connu mais non reconnu : les femmes sont de manière générale bien plus victimes de critiques infondées que les hommes, en particulier sur leur physique. « Bien sûr que le monde metal est sexiste. Si tu vas sur scène en tant que groupe féminin et que tu ressembles à une sans-abri, tu n’as aucune chance que le public écoute ta musique », lâche Romana, des Burning Witches. Conséquence : certaines de ces musiciennes mettent la barre bien plus haut pour s’immuniser autant que possible contre les critiques. « J’avoue que dans le groupe j’avais tendance à beaucoup m’entraîner pour avoir le niveau, pour être sûre de ce que je faisais, pour avoir plus confiance en moi aussi, pour ne pas être minimisée », déclare Anouk. « J’avais un peu du mal car je me disais quelque part merde y a que des hommes, j’étais un peu en mode il faut que tu montres ce que tu sais faire, il ne faut pas que tu te laisses faire. »

Cette peur d’être jugée entraîne souvent beaucoup de stress. Certaines se retrouvent au début littéralement tétanisées sur scène. « J’avais tendance à me retenir dans certains de mes mouvements. Parfois je restais droite derrière mon micro, j’avais peur de ce qu’on pouvait penser de moi sur scène », ajoute Anouk. Là où leurs homologues masculins osent parfois plus ou semblent indifférents au regard du public, ces musiciennes se mettent une pression insoutenable pour être à la hauteur. Elles ont cette impression qu’on va les attendre au tournant, la fourche à la main. Elles se surmènent alors pour faire les choses « à fond », pour gagner le respect du public. « Au bout d’un moment, quand j’ai vu que ça commençait à aller, je me suis un peu plus lâchée. Mais toujours en faisant attention, par exemple, si j’avais un décolleté je ne devais pas trop m’abaisser ou ce genre de chose. Parfois j’aimerais me lâcher beaucoup plus, comme les hommes, mais je me dis qu’on va y aller mollo pour ne pas attiser la fureur de certains qui vont dire que ne fais que jouer sur les apparences, ou les gros beaufs qui ne seront là que pour me mater. »

Ce jugement des femmes dans le metal n’épargne pas les plus grandes. Alissa White-Gluz, chanteuse actuelle du groupe de death metal mélodique Arch Enemy, a osé dénoncer ce que tout le monde pense tout bas. Admirée pour ses capacités vocales extraordinaires, elle n’a pas peur d’être sexy sur scène et de s’affirmer. Ce qui ne l’empêche pas d’être la cible des mêmes critiques. Dans sa vidéo coup-de-gueule, elle dénonce les remarques sexistes et insultes que se prennent régulièrement les metalleuses. « A cause du seul fait que tu es une fille, les gens vont vouloir employer des termes dénigrants, ils vont te critiquer en prétendant que tu essaies d’utiliser ta sexualité. On est toutes victimes de ces mêmes choses. Peu importe que l’on soit petite, grande, peu importe que l’on porte beaucoup de vêtements ou pas du tout, qu’on ait les cheveux défaits, coiffés, longs ou courts. Ça ne change rien, on reçoit toutes les mêmes remarques. » Autant de freins pour être jugée avec la même crédibilité et le même respect que leurs collègues masculins.

Elle dénonce également la forte tendance à ramener tous les groupes contenant une fille sous l’étiquette de « female metal ». « Comment est-ce que tu peux mettre Nightwish, Arch Enemy, Lacuna Coil, Butcher Babies… tout ça dans une seule catégorie ? Nous sommes tous complètement différents. Ça ne décrit pas le genre de musique, ça décrit juste le sexe d’un des membres du groupe. »

 

Alissa White-Gluz, Arch Enemy, vidéo mise en ligne par Revolver, Youtube

 

Female Babes et fausses bonnes idées

Le female metal (vous pouvez ajouter entre ces deux mots tous les sous-genres possibles), c’est donc cette manie qu’ont les critiques et les organisateurs de labelliser les groupes de filles sous cette même étiquette. N’importe quel groupe, qu’il fasse du metal symphonique, du death metal, du thrash, même du hardcore, des sous-genres aussi antagonistes que Cendrillon et Carrie (au bal du Diable). « On fait du metal et nous sommes des filles donc si c’est féminin ET death metal, c’est okay. Mais du metal féminin non, ce n’est pas ce que nous sommes. Car c’est juste un genre [féminin] mais pas la définition d’un genre [musical] », explique Puck, des Sisters of Suffocation. « Sinon ça voudrait dire qu’on est dans le même sac que Within Temptation ou des groupes lyriques, alors que notre musique n’est définitivement pas comme ça. »

La majorité des femmes dans le metal rejettent ainsi cette étiquette. Et pourtant, les évènements créés sous ces noms pullulent actuellement. Ça sent la bonne affaire. Le Metal Female Voices Fest, le Female Metal Event, le Female Metal Dream Fest… Certains organisateurs créent même des concerts avec plusieurs variantes en fonction des jours : metal, hard rock et… female metal. « On avait demandé pour passer le jour du metal « général » car on ne se considère pas comme du female metal juste parce qu’on a deux filles dans le groupe, et l’organisateur a refusé. C’était soit faire un concert spécial female metal, soit rien », s’énerve Astrid, d’Anwynn. « Une autre fois, on nous avait proposé de faire la 1ère partie d’un énorme groupe finlandais [Battle Beast], j’ai tout de suite accepté, et puis quand j’ai vu le nom de cet horrible évènement… METAL BABES. Mais non ?! Je ne suis pas une putain de metal babe, qu’est-ce que ça veut dire ? »

Elle admet pourtant que ce serait contre-productif de refuser, vu le succès de ces festivals. Elle se force alors à y aller, pour le bien du groupe, alors qu’elle est complètement opposée à ce genre de label. « Je considère qu’à partir du moment où tu crées un évènement uniquement basé sur le fait qu’il y ait des femmes, même si c’est quelque chose de positif, même si tu les mets en avant, ça veut dire que tu définis quelque chose par la présence d’une femme. Ce qui est totalement contraire au féminisme ! » s’emporte-t-elle. « Le féminisme dit : on s’en fout que tu sois une femme ou un homme, C’EST PAREIL. Donc même une sorte de discrimination positive, c’est négatif. Ce genre de truc ne devrait pas exister. » Son groupe Anwynn est régulièrement la « cible » de ces festivals. Si au début elle se permettait d’écouter son instinct et de refuser les invitations, Astrid sait aujourd’hui qu’elle ne peut plus décliner. Ces festivals ont envahi le paysage metal et deviennent la seule option pour les groupes comportant une femme. Mis de côté de la scène générale pour la seule raison du sexe d’une personne. Y a-t-il une définition plus précise de la discrimination ?

« Les paradigmes qui sont entraînés sont tellement forts, c’est tellement engrainé qu’ils ne se rendent pas compte que ce qui est pour eux une bonne intention part d’une idée mauvaise de base. »

– Astrid, Anwynn

Cette spécification par le sexe des musiciens prévient d’emblée le public qu’il y aura au moins une femme dans le groupe. Comme un panneau routier « attention » qui alerte d’une singularité exceptionnelle. Car dans l’histoire des genres, c’est toujours le féminin qui est marqué. Le masculin, inutile de le spécifier ; il est compris par défaut. Être une femme, c’est ça, l’originalité. « Alors forcément tu vas avoir des lourds qui vont dire « Oh c’est encore une femme » et d’autres qui vont venir au concert juste parce que c’est une femme, au lieu d’écouter vraiment la musique. En fait c’est sexiste », note Anouk, l’ex-membre du groupe belge Cryptogenic. « Ce serait un homme qui chante, la musique restera la même, il n’y aurait absolument aucune différence sauf peut-être la voix un peu plus grave. Quelque part, je comprends qu’on veuille mettre les femmes en avant et qu’on le spécifie, l’intention n’est peut-être pas mauvaise en soi, mais malheureusement ça fait plus de mal que de bien. » C’est bien connu, de bonnes intentions, l’enfer en est pavé.

Si l’opposition est majoritaire, elle n’est pourtant pas unanime. Certains groupes, comme les Burning Witches, ne se rendent pas compte de la définition sexuelle qu’entraîne cette étiquette de « female metal ». D’autres, comme Nervosa, en font une fierté. « Au final, c’est ce que nous sommes, un groupe de filles, et j’en suis vraiment très fière, donc en un sens je suis fière de ce label. Parce que nous ne sommes pas une société égale donc ça compte, on a besoin de plus de filles dans le metal », explique Fernanda Lira, chanteuse de la formation.

FEMME - Female Metal Event, un festival dopé à l’œstrogène

FEMME – Female Metal Event, un festival dopé à l’œstrogène

Jeu de mots douteux, mais qui prouve l’absurdité des expressions littéraires encensant la testostérone. Qui est, par ailleurs, une hormone également présente chez la femme. Le FEMME – Female Metal Event, comme son nom l’indique, se constitue de plusieurs évènements mettant la femme à l’honneur au sein de la scène metal. Un « club tour » de concert, des battles préliminaires en Belgique, Finlande, en Allemagne et aux Pays-Bas, affrontant de nombreux groupes disparates… tous ayant en commun d’accueillir au moins une femme, soit-elle chanteuse, guitariste, batteuse, bassiste ou joueuse de triangle, sait-on jamais. Le festival à proprement parlé a lieu du 12 au 14 octobre 2018 à Eindhoven. L’homme derrière cette organisation, c’est Ton, un Hollandais fan de metal de la première heure. Souriant, poli, aimable, calme, l’œil brillant ; l’anti-cliché du metalleux barbare.

Tout a commencé il y a 5 ans, lors de sa fête d’anniversaire de ses 60 ans. Ton y organise un concert, des amis lui disent qu’il pourrait le faire pour eux également. Il commence par mettre sur pied une petite session d’après-midi avec un groupe peu connu. Succès au rendez-vous. Avec des petits groupes, ils ont besoin d’un grand nom. Ainsi naquit FEMME, « une sorte d’apéritif pour les voix féminines dans le metal ». Les groupes féminins s’y sont intéressés, le transformant ainsi en festival de deux jours. L’année suivante, les concerts durèrent 3 jours, celle d’après, 4 jours, et cette année 2018, comme vous l’aurez logiquement deviné, un festival de… 4 jours. Ah. « Mais comme c’est la 5ème année de l’évènement, il y a aussi une fête d’anniversaire, donc c’est un festival de 5 jours », rectifie Ton. Logique, toujours.

L’idée de base derrière FEMME : donner une plateforme pour les nouveaux groupes. Avec des femmes. Aussi différents ces groupes puissent être. « Je viens du rock symphonique, c’est un type de musique plus mélodique. Quand tu vas dans la musique plus lourde [heavy], et que tu trouves les plus mélodiques là-dedans, la plupart du temps c’est avec des femmes. C’est juste très dur d’en trouver car ce n’est pas considéré aussi « cool » que le reste, le metal devrait être puissant et brutal, pas mélodique et surtout pas avec des femmes », explique Ton.

Le « metal féminin », comme il l’appelle aussi – alors qu’il est contre cette dénomination – ne serait donc qu’une « niche » pour Ton, ce qui explique le peu d’adeptes. Mais comment qualifier de niche un genre qui n’en est pas un, qui n’a comme unique point commun que de regrouper des femmes ? Est-ce un sous-genre bien précis de faire du metal en étant une femme, alors que rien ne distingue certaines de leurs homologues masculins, point de vue musical. Est-ce que le simple fait d’être plus « féminisé » suffit à rendre la musique plus soft et donc moins acceptable pour le milieu hyper-viril du metal ? Les stéréotypes ont encore une fois la vie dure.

De plus, cette « très petite niche » est pour lui la raison pour laquelle son festival de « female metal » ne trouve pas les gros sponsors nécessaires à sa prospérité. « Ça doit être plus grand pour survivre », déplore-t-il. « Ça peut se terminer. Car à la fin de la journée, ça doit atteindre un niveau où ça devient rentable. Et c’est une nécessité pour survivre. C’est pour ça qu’on a besoin du soutien des groupes pour créer une identité. » Et si Ton supporte des groupes avec des femmes, ce n’est qu’une conséquence de son amour pour le metal symphonique. « Je ne suis pas féministe », déclare-t-il. « Ce n’est pas l’idée de base de soutenir une organisation féministe, c’est juste la musique que j’aime. C’est ça la clé. Et en tant que photographe, je préfère les femmes que les hommes, donc ça aide aussi. »

Les metalleuses non-violentes ?

Quand on lui demande s’il pense que le monde du metal est sexiste, il répond que oui. Mais ajoute que la raison réside dans la douceur des femmes. « Elles ne sont pas prises au sérieux car elles ne peuvent pas être brutales, et le metal devrait être fort, dur, violent. A cause des femmes, ça devient mélodique, plus soft, donc ce n’est pas du vrai metal, entre guillemets. » Sauf que… toutes les femmes dans ce genre ne font pas du metal symphonique. Beaucoup sont des musiciennes de groupes plus hardcore, tandis que d’autres chantent avec une voix tellement gutturale qu’il est parfois difficile d’imaginer que ce ne sont pas des hommes, à la première écoute. Anouk, la chanteuse belge, et Els, des Sisters of Suffocation, sont des exemples frappants comme des uppercuts d’une certaine agressivité. Mais il faut aussi compter des formations comme Kittie, Vocífera, Flagitious Idiosyncrasy in the Dilapidation, Arch Enemy, Landmine Marathon, Otep et son nouvel hymne anti-Trump To The Gallows... Des groupes exclusivement féminins pour les trois premiers, les trois derniers s’appuyant sur une chanteuse féminine. Et que dire de Castrator, groupe de filles ouvertement féministes, qui se définissent comme du « death metal émasculant » ? Sont-elles vraiment plus soft ? Les stéréotypes ont la vie dure, clap 3.

En parlant de cliché, Ton affirme que celui de la chanteuse de metal lyrique habillée, coiffée et maquillée comme une poupée est bien réel. Il pense qu’elles confirment les stéréotypes présents, une raison supplémentaire pour laquelle elles ne sont pas prises au sérieux. « Parfois ça va bien avec le genre de musique mais elles doivent être conscientes qu’elles se conforment aux stéréotypes la plupart du temps en faisant ça. Elles sont une image, au lieu d’être elles-mêmes. »

Pourtant, Ton est opposé à ces clichés. Le metal, son premier amour depuis ses 15 ans et sa seconde femme aujourd’hui, c’est pour lui une façon de vivre, une manière de travailler sans cliché. « Peut-être que c’est un autre cliché de dire ça, mais pas un cliché général. Le metal, ce n’est pas : en fait, je veux être différent des autres. Mais plutôt : en fait, je ne veux pas être le même que les autres. » Ton se bat pour perpétuer cette différence, au sein de son large festival de female metal. Pavé de bonnes intentions.

Bousculer les stéréotypes ordinaires

Bousculer les stéréotypes ordinaires

Mais pourquoi ces clichés reviennent-ils si souvent ? Car ils sont si profondément ancré dans notre société, dans notre culture occidentale, que c’est un véritable challenge de les déloger. Le rose et la dînette pour les filles, le bleu et les voitures pour les garçons ; les filles sont douces, gentilles, bavardes et superficielles ; les garçons sont bruyants, bagarreurs, sales et accros à la bière : ce sont les exemples les plus gros, et pourtant reproduits encore aujourd’hui, même inconsciemment par les personnes se prétendant modernes et ouvertes. Les clichés, ce sont les conséquences des normes de genre fondées par la culture patriarcale (traduction : dominée et façonnée par les hommes – ne vous ruez pas sur la croix rouge en haut à droite de l’écran), depuis des centaines d’années pour assujettir la femme, le sexe faible. Un autre cliché. Pour faire simple, ces stéréotypes sont aussi basés sur des rapports d’opposition plus puissants que le bronzage artificiel de Donald Trump. Ces rapports d’opposition qui se retrouvent aussi au sein de la scène metal. Allez tenter d’expliquer ça à un metalleux imbibé d’alcool qui vient d’insulter la chanteuse au micro. Cliché.

Ces normes de genre, certaines chanteuses/musiciennes de metal les transgressent par leur attitude, parfois fièrement, parfois malgré elles. Astrid, médecin le jour et claviériste d’Anwynn la nuit (c’est théoriquement faux mais ça ferait un bon titre de biographie si l’idée lui venait), vit mal cette position borderline. « J’ai très fort l’impression de bousculer ces normes mais ça me bouscule aussi. J’ai beaucoup de mal avec ça, l’idée de la femme qui doit forcément rester au foyer. J’essaye très souvent de bousculer les normes sociales, parfois ça marche c’est très bien, mais parfois tu te prends dans la gueule que la réalité n’est pas comme ça, il y a plein de barrières pratiques qui te freinent. Donc c’est très frustrant, oui. Mais bon, parfois ça marche donc je suis super contente » sourit-elle. « Donc je continue quand même. C’est moi, de toute façon, je ne le fais pas par théorie ou envie, c’est juste moi. »

Bousculer ces normes devient alors pour certaines une véritable raison de jouer du metal, amazones modernes pour l’égalité. L’égalité, et non la supériorité féminine, comme le confondent certains. L’évolution des droits des femmes, même au sein du metal, ne fera pas reculer les droits des hommes à boire de la bière et à se taper le torse en hurlant. Cliché. Lutter pour plus d’égalité, et plus de parité aussi, c’est le but des Sisters of Suffocation, en quête de nouvelles sœurs du metal. « On veut prouver au monde que les filles peuvent aussi faire du death metal. Ce n’est pas un truc de mec. Les gens pensent que seuls les hommes peuvent faire du death metal. On veut que ce soit clair que les filles peuvent le faire aussi. On est tous les mêmes vous savez. Les hommes ou les filles, ça ne compte pas. Je veux que ce soit clair, ça ne fait pas de différence. »

 

Astrid, claviériste du groupe belge Anwynn

Féminisme heavy metal

Abolir les différences entre hommes et femmes, c’est la définition la plus pure du féminisme. Mais tout le monde ne la comprend pas, aussi simple soit-elle. « Je suis féministe, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, non je ne bouffe pas des hommes, je ne les torture pas ni ne les séquestre quelque part », sourit Anouk. Elle prend toujours en compte les avis des autres, même opposés, à moins qu’on ne la traite de féminazie. Son but : faire comprendre aux autres l’importance d’avoir une égalité à tous les niveaux, l’importance de pouvoir permettre aux filles d’accéder à des postes plus masculins… mais également aux garçons d’accéder à des activités jugées féminines. C’est ça aussi, le féminisme, « ça va dans les deux sens. »

Bien qu’elle privilégie le dialogue et la compréhension, Anouk n’est pas faite de sucre et ne croit pas au monde des bisounours. « Parfois je pense que oui, il faut gueuler. Quand tu remarques dans l’histoire, quand on veut acquérir des droits ou quoi que ce soit, c’est rarement de la manière calme et douce qu’on y arrive [sauf si on s’appelle Gandhi]. Même à l’heure actuelle dans nos civilisations dites occidentales, civilisées, en 2018, ce n’est pas normal, on n’a pas encore tous les droits qu’on veut, on n’est pas encore l’égal de l’homme, donc oui c’est important de se faire entendre. Et ce n’est pas en parlant tout bas, tout calme qu’on va se faire entendre, malheureusement. » Une manière de s’exprimer qui attise parfois la haine enfouie de certains. Comme les insultes lancées à tout va lorsqu’une femme hausse un peu le ton pour l’égalité des sexes, les metalleuses aussi sont critiquées de ne pas servir leur cause, de se crédibiliser, de ne pas être calme, comme toute bonne femme qui se respecte. « Mais ce ne sont que des excuses pour ne pas se remettre en question ni assumer sa propre responsabilité dans certaines choses », déclare Anouk. « C’est bêtement ça : une manière de ne pas se poser les bonnes questions, de ne pas régler le problème. »

Des réactions violentes primitives, qui remontent à une misogynie tellement ancrée qu’elle n’est parfois pas consciente. Des réactions contre-productives, car l’égalité profite à tout le monde, comme le souligne Astrid. « A l’époque où j’aimais bien les polémiques sur Facebook, j’avais posté une image d’un cimetière de soldats qui effectivement n’étaient que des hommes et qui disait : voici le féminisme. Oui, le féminisme c’est aussi le fait que ce sont les hommes qui meurent à la guerre, pas nous. » Sans oublier tout ce qu’on rabâche aux garçons : ne pleure pas, fais pas ta chochotte, le rose c’est pour les filles… Sois viril.

 

Riot girl 2.0

Son féminisme, Astrid se sert aussi du metal pour l’affirmer. « Mener un groupe d’hommes en tant que femme c’est déjà une manière de l’exprimer. Ce n’était pas du tout l’intention de base mais maintenant ça fait partie des choses dont je parle quand on me demande pourquoi je suis féministe. C’est une manière de dire : une femme sait gérer 5 hommes. Et une femme. », sourit-elle. Si elle espère que son féminisme ne se répercute pas dans sa manière de gérer le groupe, elle n’hésite pas à remettre en place les autres membres lorsqu’ils émettent des réflexions insultantes. « Quand un des autres musiciens me disait par exemple : oui cette fille c’est qu’une pute parce qu’elle a fait ça. Je lui répondais : en quoi est-ce que ça fait d’elle une pute ? A quoi il rétorquait que oui c’est vrai, c’était juste une façon de parler. Ben t’arrêtes de parler comme ça. »

Si cette position ouvertement féministe dans le heavy metal se veut plutôt récente, elle fait écho aux aînées punk du mouvement Riot Grrrl. Ce courant voit le jour au début des années 90, aux Etats-Unis, sous l’impulsion du groupe féminin de punk rock Bikini Kill. Elles génèrent un véritable élan féministe sur la scène underground de la fin du millénaire, militant pour une « Revolution girl style now ! ». La chanteuse Kathleen Hanna, engagée également contre les abus sexuels, n’hésite pas à exhiber sa poitrine, « salope » et « viol » inscrits sur son ventre. Si leur cri de protestation a fini par s’essouffler, elles permirent une prise de conscience et une réflexion sur l’image de la femme dans l’industrie musicale. Elles enclenchèrent un déclic, le début d’une révolution insoupçonnée qui survit sans doute aujourd’hui chez les metalleuses. La culture punk Do-It-Yourself des riot grrrl a également inspiré leurs héritières : les musiciennes du monde metal se créent aujourd’hui leur propre scène, leurs propres opportunités en produisant souvent elles-mêmes leurs chansons, et en les diffusant via le potentiel d’internet : Youtube, Spotify, Soundcloud et cie. Maîtresses de leur musique, maîtresses de leur image, non soumises aux diktats masculins. Exploitant et incarnant la vraie subversion au cœur de la culture metal.

 

Vidéo provenant du documentaire « The Punk Singer » de Sini Anderson, mise en ligne par darthlady, Youtube

 

Un jour l’égalité viendra, un jour on s’estimera…

Si Blanche-Neige avait vécu au 21ème siècle et pris conscience que les sept nains l’idolâtraient pour son physique, c’est sans doute ce qu’elle chanterait. Si l’égalité des sexes reste encore un conte de fées, elle rattrape lentement mais certainement la réalité. Le metal devient un milieu où les femmes s’investissent de plus en plus, à tous les niveaux. Une réelle avancée lorsque l’on bondit 10 ans en arrière, encore plus dans les années 80. Ce sont des chanteuses comme Angela Gossow d’Arch Enemy, prédécessrice d’Alissa, qui ont ouvert à la voie et les mentalités, la légitimité d’un chant guttural pour les femmes aussi. « Suite à ça il y a eu d’autres chanteuses qui se sont dit merde, il y en a une qui a réussi, pourquoi pas nous ? Moi aussi j’étais comme ça, si elles y arrivent, pourquoi pas moi ? », confie Anouk. Même des anciens groupes comme les Runaways ont eu leur influence, poussant Els des Sisters of Suffocation à créer sa propre bande de filles.

S’il y a toujours eu plus de filles aux concerts de metal symphonique, elles osent maintenant aussi se montrer aux spectacles de musique plus hardcore. « J’ai vu Machine Head 5 ou 6 fois, à plusieurs années d’intervalle et j’ai remarqué qu’il y a vraiment de plus en plus de filles. Et ce n’est pas un metal ‘gentil’, ce n’est pas le plus violent non plus mais oui, ça fait plaisir de voir que je ne suis plus la seule avec un vagin », sourit Astrid. Comment expliquer cette évolution récente ? « Ça voudrait dire que le metal de manière général devient de plus en plus accessible mais je ne pense pas, non. Le monde de manière générale devient de moins en moins misogyne, on est loin d’être au bout mais il y a clairement du travail et ça progresse, ça se reflète dans le metal. On en parle, et du coup les femmes se sentent plus acceptées, elles ont le droit d’écouter de la musique plus violente et elles osent », explique la claviériste d’Anwynn.

« On représente aussi le pouvoir des femmes, le girl power. »

– Romana Kalkuhl, Burning Witches

 

Certaines personnes prétendent que cette ouverture n’est qu’un effet de mode, une tendance désormais en désuétude car trop de femmes si s’ont engouffrées. La femme traitée comme un objet, un vêtement, une mode qui va passer. « Encore une fois on ne nous considère pas de manière humaine, pas comme des personnes », proteste Astrid. « Je dis qu’il faut arrêter de regarder le sexe d’une personne et plutôt écouter ce qu’elle fait. Car à force de tergiverser là-dessus, on n’écoute plus la musique. »

Si l’évolution des droits des femmes seront toujours sujets à débat, les metalleuses brandissent fièrement le poing. « Je pense que c’est très ‘empowering’ de voir enfin des femmes faire du death metal. Elles sentent qu’elles peuvent le faire aussi, donc c’est vraiment cool. On voit plus de filles aux concerts, et pas juste les petites copines qui vont suivre leurs copains, mais des femmes qui aiment ça, qui adorent ça dans leur cœur », se réjouit Puck, batteuse des Sisters of Suffocation. Le « empowerment », c’est ce terme relativement récent dans notre vocabulaire, intraduisible mais proche de l’émancipation. C’est l’octroi de plus de pouvoir à un groupe social donné. Même quand ce groupe inclut plus de la moitié de la population mondiale. L’empowerment, c’est à échelle réduite ce que sont en train de réaliser ces nombreuses actrices de la scène metal. « On voit beaucoup de filles à nos concerts. Elles viennent nous voir après le spectacle et nous disent qu’elles sont fières de nous car on présente aussi le pouvoir des femmes, le girl power. Elles nous soutiennent parce qu’elles pensent que les femmes aussi peuvent faire du metal », raconte Romana des Burning Witches.

Une invitation franche pour les femmes à s’investir dans la musique qu’elles aiment sans complexe, à persévérer dans l’avancée, millimètre par millimètre. Les processus de changements majeurs sont très lents car ils demandent une remise en question d’idées enracinées dans la société. Ouvrir les mentalités, ça prend du temps, des années, des décennies. Ça demande de l’énergie, de la sueur, du courage, de l’acharnement même. « Quand tu vois qu’il y a des pays où les femmes ne peuvent toujours pas voter, tu vois que ça va prendre un moment. Mais les choses vont mieux maintenant », admet Fernanda, chanteuse de Nervosa. « Quand on joue en Europe, on voit beaucoup plus de filles à nos concerts qu’à notre première tournée. Et en Amérique latine, à presque chaque concert que nous jouons il y a au moins un autre groupe de filles. On y arrive. » Plus de filles, et pas uniquement dans les groupes. Le public se féminise, les photographes aussi, les organisateurs et promoteurs se conjuguent désormais aussi au féminin. Devenir membre de cette scène dans tous les rôles possibles. « Notre roadie au Brésil est une femme, et notre management il y a quelques années l’était aussi. C’est un processus très, très, lent. Mais je peux sentir la différence. On y arrive. » Peut-être qu’un jour, faire quelque chose « comme une fille » ne sera plus une insulte mais un signe de courage. Peut-être qu’un jour, « scream comme une fille » sera un slogan pour le pouvoir des metalleuses. Il faut parfois y croire aussi fort que Blanche Neige en l’absurdité de son Prince Charmant.

Fernanda Lira, chanteuse de Nervosa lors de leur concert au Petit Bain, Paris

Nervosa, la fureur à la brésilienne

Nervosa, ça sonne comme un ouragan. Une tempête tropicale menée par trois Brésiliennes insatiables. Fernanda Lira au chant et à la basse, Prika Amaral à la guitare, Luana Dametto à la batterie. Elles transmettent leur thrash metal puissant et nerveux depuis 2010, contaminant le monde entier. Sur scène, elles sont passionnées, incontrôlables, presque possédées. Fernanda s’agite dans tous les sens, jouant avec le public, sortant sa langue comme un serpent, avec un regard de fauve. Les yeux marqués par deux épais traits d’eyeliner, la bouche écarlate. En backstage, elle a le visage nu de fard, les cheveux relevés et le sourire facile. Ne vous fiez pas aux apparences, elle sait ce qu’elle veut.

A commencer par l’égalité. Son féminisme, elle l’assume jusqu’au bout de ses ongles vernis de noir. « Je suis définitivement féministe. Je pense qu’on devrait tous l’être, militer pour l’égalité économique et sociale des sexes », martèle-t-elle. « Si tu penses que personne n’est au-dessus de personne, que personne n’est meilleur que personne, tu es féministe. Tu te bats pour qu’on soit égaux. » Si tout pouvait toujours être aussi simple.

Pas d’hésitation non plus : pour elle, le metal est sexiste. Comme toute autre scène musicale, comme la société en général. Mais tout le monde ne l’est pas, et ça évolue encore. « Quand nous avons commencé le groupe, c’était vraiment très, très dur. On entendait tout le temps des choses de toutes sortes, comme par exemple : vous ne pouvez faire des concerts que parce que vous couchez avec l’organisateur. On entendait et on lisait ce genre de choses sur internet tout le temps. Tout le temps », insiste-t-elle. « On s’en fichait toujours, mais avec le temps on a gagné le respect. On s’est battues pour ça. Je ne dis pas qu’on n’a plus ce genre de remarques, mais on a gagné le respect pour nous et aussi pour les autres femmes dans le metal. » Si elles ne se sentent pas aussi respectées que les hommes, elles affirment que l’évolution est palpable et toujours en chemin. « Pour 100 personnes qui aiment le groupe, il y en a une qui ne l’aimera pas. Mais on a dû se battre. »

« On a toutes les mêmes veines metal ici en-dessous, comme n’importe quel autre garçon. »

Cette volonté de faire évoluer les choses est au cœur de la musique de Nervosa. Si les brésiliennes jouent d’abord parce qu’elles aiment le metal, elles veulent aussi prouver aux gens qu’ils ont tort. « Ce n’est pas parce que tu es une fille que tu ne peux pas jouer, et ce n’est pas parce que tu es une fille qui joue que tu essayes de te montrer, de te donner en spectacle. C’est faux, on veut changer ça. Tu sais, on a toutes les mêmes veines metal, le même sang metal qui coule ici, comme n’importe quel autre garçon », déclare-t-elle en montrant son avant-bras.

Au cours de leur carrière, elles ont pourtant dû essuyer des remarques particulièrement sexistes. Même après 8 ans d’activité, certains techniciens pensaient leur apprendre la vie en leur expliquant où se trouvait le bouton du volume sur un amplificateur. « J’ai fait 150 concerts, je sais comment ça fonctionne, mais merci quand même », rit-elle. Lors de photographies avec des fans, certains se permettent aussi de les embrasser sur la joue pendant la prise de vue, sans leur demander leur avis. Fernanda garde pourtant toujours son calme. Contrairement à son attitude sur scène, elle préfère la manière douce. Expliquer clairement aux garçons ce qu’il ne faut pas faire, c’est sa devise. « Je ne veux pas être là à crier : ah il faut tous les combattre ! Car quand tu le fais à la dure, ça ne fonctionne pas. Je dis à la place ‘tu parles et tu penses de la mauvaise façon, mec, attention. Les hommes dans le metal, on leur demande quand on veut les embrasser sur la joue. Pourquoi tu fais ça ?’ Et ensuite ils comprennent, donc voilà, c’est ma façon de faire. »

Nervosa, « Into Moshpit », Napalm Records, Youtube

Le heavy metal pour sensibiliser aux problèmes de société

Des attitudes sexistes parfois plus présentes dans certains pays. Selon Fernanda, l’Amérique latine est particulièrement touchée. Lors des séances photos, les garçons essaient plus souvent de leur toucher le corps, les seins. « Ça arrive partout, mais plus souvent en Amérique latine. Peut-être parce que nous sommes plus passionnés, moi y compris, donc parfois nous franchissons la limite. Et puis c’est profondément établi dans notre société. Tu imagines qu’au Brésil, il y a des endroits où les femmes sont au pouvoir, mais d’autres où elles ne peuvent pas travailler, car leurs maris leur interdisent ? » C’est peut-être à ses origines que Fernanda tient son ardeur féministe. Son but n’est pourtant pas de « combattre les hommes », mais de valoriser les femmes. Donner plus de pouvoir aux metalleuses, les galvaniser et les inspirer, c’est ça, son arme de lutte contre le sexisme.

Si Fernanda définit son groupe comme son outil de combat, elle ne fait pas de ses paroles un hymne au féminisme. « Trois filles qui font du thrash metal dans un milieu dominé par les hommes, c’est déjà un message suffisant. Notre combat est plus dans notre attitude et notre existence en soi que dans nos paroles. » Leurs chansons, qu’elles considèrent protestataires, sont tournées vers d’autres problèmes de société, inspirées notamment par la situation brésilienne : le système éducatif, la corruption surtout. « Avec nos paroles, nous voulons éveiller les gens à toutes les autres mauvaises choses dans le monde. Nous essayons d’ouvrir le débat. »

Malgré leur ferveur, il y a encore certaines choses contre lesquelles elles peuvent difficilement lutter. Comme l’exploitation commerciale de l’image des femmes dans le metal. « Ça arrive parce c’est enraciné dans notre société. On est parfois présentées dans des articles du genre ‘le top 100 des nanas les plus sexys dans le metal’. Ça arrive, mais moins souvent qu’avant. » Elle insiste sur un point crucial : sur chaque photo qu’elles font, les filles devraient être libres de porter ce qu’elles veulent, et pas obligatoirement ces vêtements toujours hyper-féminins. Mais si tu veux t’habiller comme ça, c’est ton droit le plus total. « Il ne faut juste pas nous forcer à ‘explorer notre côté sensuel’, ça je déteste. Nous avons le droit d’être séduisantes, SI nous le voulons. »

« Faites ce que vous avez envie de faire, peu importe ce que les autres en disent. »

Militante pour l’égalité des sexes, Fernanda lutte aussi pour la parité sexuelle sur la scène metal. Encourager les filles à suivre leurs rêves et à s’engager quoi qu’on en dise. « Dites juste merde aux autres et faites tout ce que vous voulez, que ce soit dans le metal ou non. Vous ne dépendez de l’approbation de personne. Vous devez être fortes, bien sûr, car on vit toujours dans une société sexiste, vous devez vous accrocher à vos convictions, et ne pas écouter ce qu’on vous dit. Si on s’était inquiétées de ce que les gens disaient au début, on n’en serait jamais là. Ils ont essayé de nous décourager, mais on s’en est toujours moquées. Car si tu tentes de faire des mauvaises choses, ils parleront, si tu tentes de faire des bonnes choses, ils parleront, donc fais-le simplement, peu importe ce qu’ils disent. » Le message est simple, clair, fort. Un jour peut-être, lorsque le Brésil ne sera plus corrompu, Nervosa en fera son manifeste politique. Elles se lanceront à la quête de la présidence, la langue sortie, un doigt d’honneur en guise de bannière. Un jour peut-être.