Les jeunes et l’Eglise : « Semper Fidelis »

Etienne Bisilliat Donnet, Clément Dechamps, Inès Delpature, Caroline Poulain

Les jeunes et l’Eglise : « Semper Fidelis »

Les jeunes et l’Eglise : « Semper Fidelis »

Etienne Bisilliat Donnet, Clément Dechamps, Inès Delpature, Caroline Poulain
Photos : Etienne Bisilliat Donnet, Clément Dechamps, Inès Delpature, Caroline Poulain
4 mai 2018

« Les jeunes ne fréquentent plus beaucoup les Églises. » Voilà une pensée populaire très répandue. Pourtant, les communautés des jeunes catholiques existent toujours. Et parmi ces groupes, on retrouve des jeunes guidés par leur Foi, offrant à leurs convictions une place capitale au sein de leur existence. Au point de rythmer leurs journées.
Rencontre avec une jeunesse croyante. Et pratiquante.

La jeunesse dit amen

Abbaye du Bois de la Cambre, Bruxelles. Le soleil réchauffe la capitale de ses derniers rayons. En cette fin d’après-midi, les pelouses du parc sont couvertes de jeunes gens qui se détendent autour d’une bière ou d’une guitare. Beaucoup d’entre eux ont été éduqués dans la tradition catholique. Pourtant, ils laissent, à 100 mètres d’eux, un prêtre officier face à une Église vide.

Portrait d’une jeunesse toujours plus éloignée d’une Église à l’image poussiéreuse.

 

Une église « trop vieille. » « Trop figée. » Que les jeunes jugent inintéressante au regard de leur quotidien et des questions qui les animent. Pourtant, bien que détournés de la ferveur catholique, ces jeunes ne ferment pas la porte à une éventuelle spiritualité. « Non » à l’Église. Mais pas aux croyances.

“Un chrétien seul est un chrétien en danger”

La foi catholique ne semble plus toucher la jeunesse aujourd’hui. Pourtant, certaines associations de jeunes ou événements religieux regroupent encore des dizaines, voire des milliers de 15-35 ans. Les JMJ (les Journées mondiales de la jeunesse) organisées chaque année dans une ville différente par l’Eglise catholique enthousiasment des centaines de milliers de visiteurs. Un grand moment que nombreux décrivent comme « une reconnexion avec leur foi. » « Une période décisive » même, comme pour l’Abbé Emmanuel De Ruyver, qui ressenti l’appel de Dieu lors d’une de ces journées. Cette dimension collective, que lui a aussi offerte le scoutisme, l’a fait « grandir dans sa foi« , explique-t-il, et il n’est pas le seul. Se regrouper avec d’autres jeunes catholiques est, pour beaucoup, un réel moteur pour retrouver confiance en ses convictions religieuses. « Je me rends compte qu’au final, je ne suis pas toute seule, je ne suis pas folle ! » rigolait Blandine de l’aumônier d’Alma.

L’incompréhension et les doutes

Pour la plupart, leur religion, ils ne la vivaient, au début, qu’en suivant leurs parents à l’Église. C’est en parlant avec d’autres personnes de leur âge que ces jeunes ont pu vivre pleinement leur foi.  » Avant, ce n’était pas simple de se revendiquer catholique, on ne faisait que suivre « , explique Blandine. Ils ont souvent été confrontés à une incompréhension de la part de leurs amis, mêlée à un soupçon d’étrangeté. Se retrouver avec d’autres catholiques pratiquants leur a permis de pouvoir parler de leur religion, de répondre à leurs questions, et finalement, en rassurer plus d’un sur leurs convictions.  » Ce n’est pas facile de vivre sa foi tout seul, il nous arrive plus facilement de douter  » exprimait Raphaëlla, 22 ans, de l’aumônier de Flagey. Aziza, la sous-directrice de Pôle Jeunes, association de jeunes catholiques, explique : « Quand on est tout seul dans un groupe à essayer d’affirmer une certaine idée, c’est très difficile. On doute plus facilement de soi quand on est en minorité. » A force de se sentir jugée, la jeunesse catholique semblait préférer la discrétion. Une situation qui a peu à peu évolué grâce à certains groupes de parole. Les catholiques arrivent plus facilement à affirmer leur religion. C’est le cas du groupe fondé par Mélanie, Flavio et Joachim, du cercle des Romanes à l’ULB. Pourtant, ensembles, ils représentent un cas particulier. Ces trois étudiants ont chacun une religion différente. Mélanie se convertit au Judaïsme, Joachim est de confession protestante, et Flavio croit en la religion catholique. Ensemble, ils échangent leurs points de vue et apprennent les uns des autres, ce qui n’a absolument pas pour effet d’amoindrir leur foi, bien au contraire.

“After-messe” au kot

Demandez à un catholique « pourquoi se réunir?« , il vous répondra : « un chrétien seul est un chrétien en danger. » Cette philosophie, on la retrouve dans les kots à projets catholiques de la Capitale belge et d’ailleurs. Ce sont des colocations dans lesquelles étudiants ou jeunes travailleurs se réunissent pour des temps de prières quotidiens, ou s’organisent afin de se rendre à la messe et à la paroisse. Plus qu’assister aux moments de cultes, ces « cokoteurs » les organisent activement. Entre chorale, psaume et « after-messe », il n’y a pas de quoi s’ennuyer. « La messe devient belle parce que tout le monde s’en occupe » s’enthousiasme Raphaëlla. Cette participation pro-active des jeunes croyants est l’une des raisons pour laquelle la messe devient alors plus attractive pour les moins de trente-cinq ans.

« Les kots à projets, » selon Martin, ancien cokoteur, « favorisent l’expérience communautaire avec d’autres jeunes sur le plan spirituel grâce au projet de porter une paroisse et une messe. » L’aspect spirituel se retrouve aussi dans la prière collective. Chez Raphaëlla, « il a été difficile d’instaurer la prière matinale pour des soucis de grasse matinée, » raconte-t-elle, « mais nous faisons la prière avant de manger. » Vivre entre jeunes catholiques, ce n’est pas seulement prier, c’est aussi se mettre chacun au service des autres, expliquait Martin. Une fois par mois, un assistant de la paroisse vient également les voir. Un moment pour la lecture des textes et pour le questionnement. Rentrer dans ces colocations demande un réel engagement. Les candidats doivent passer un entretien devant le prêtre pour montrer leur motivation. C’est en général une bonne expérience pour la plupart d’entre eux.
Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. A Louvain-la-Neuve, au kot Don Bosco, tenu par des soeurs, l’ambiance n’est pas toujours au beau fixe. Thomas, ancien résident, raconte : « certains colocataires ont été obligés de partir. Par exemple, un gars touchait le CPAS et n’a plus été capable de payer, il a dû partir. Certains pratiquent la foi mais ne sont pas ouverts à d’autres visions. Je trouve qu’aider les gens devrait être une des priorités, ça ne l’était pas. Je suis parti pour toutes ces raisons. » Finalement cette expérience n’a pas changé la Foi de Thomas, mais il ne souhaite plus autant s’investir.
Pour une majorité de ces jeunes catholiques, la colocation a été, ou est encore, une expérience positive. Des amitiés durables s’y sont créées et régulièrement, les soirées y battent leur plein.

La foi au service de la jeunesse : Portrait d'un jeune abbé

A l’heure où la jeunesse chrétienne catholique ressent le besoin de s’unir pour célébrer sa foi, certains sont là pour la rassembler. L’Abbé Jehison, jeune prêtre d’un naturel jovial, est une figure fédératrice pour un grand nombre de jeunes catholiques pratiquants bruxellois. Ayant prononcé ses voeux en 2013, il fait désormais partie du diocèse Malines-Bruxelles et de la Pastorale des Jeunes de Bruxelles. C’est à l’église Saint-Pierre-et-Guidon à Anderlecht que nous l’avons rencontré.

Devenir prêtre, un choix mal perçu aujourd’hui?

Désireux depuis l’enfance de diriger son chemin vers la foi chrétienne catholique, ce prêtre de 35 ans a passé sa jeunesse en Colombie. Il a finalement atterri en Belgique pour effectuer ses études de théologie et finalement endosser la soutane. Un départ et un choix qui furent d’abord mal vécus par sa famille et ses amis. C’est en Belgique qu’il estime s’être réellement rapproché de Dieu via des questionnements plus profonds liés à sa foi. Les homologues belges de Jehison semblent avoir vécu moins de réticences de la part de leurs proches puisqu’ils ont pu suivre un autre cursus avant de se décider d’eux mêmes à franchir le pas. En Colombie, où 80% de la population est catholique, la formation de prêtre débute directement après l’enseignement secondaire, ce qui selon Jehison ne laisse pas le temps de la réflexion.

 

Pour Jehison, les valeurs chrétiennes catholiques sont encore omniprésentes. Selon lui, cela ferait trois ans que de plus en plus de jeunes adultes viennent demander le baptême ou se préparent au mariage à l’Église. « On parle beaucoup de tous ces gens qui se font débaptiser, mais il faut tout de même garder à l’esprit que 80 personnes entre 18 et 34 ans ont demandé de se faire baptiser l’année passée à Bruxelles », nous dit l’abbé. Un retour à l’intérêt et la transmission des valeurs chrétiennes sur lesquelles l’Europe s’est construite semblerait s’opérer.

“La religion catholique a beaucoup à apporter aux questionnements de la jeunesse”

L’abbé Jehison est à la tête de différents mouvements de jeunes chrétiens catholiques. On compte parmi eux le Pôle Jeunes, communauté active basée à Flagey qui organise régulièrement des groupes de prières, ou encore la Night Fever, grande veillée organisée chaque mois pour les jeunes. A la suite de ces célébrations, les jeunes sont appelés à partager ensemble d’autres activités comme des concerts, des soirées dansantes ou autres activités inhérentes à des jeunes de cet âge. « Je suis persuadé que la religion catholique a beaucoup à apporter aux questionnements de la jeunesse ici à Bruxelles« , confie-t-il. Outre la supervision de ces célébrations, Jehison est également responsables de nombreux kots de confession catholique qui fleurissent ça et là à Bruxelles, et ailleurs en Belgique.

Certains jeunes semblent au contraire ne pas assumer leur démarche de pratique de leur foi en allant à l’église, par peur de jugement de leur entourage, ou même de la part du prêtre lors de ses sermons. Pour Jehison, le discours de l’Église doit prétendre à être libérateur, et non moralisateur. Le but poursuivi est d’accompagner le jeune afin de l’écouter et l’aider dans ses questionnements. Sur des questions pour lesquelles on sait l’Église catholique réfractaire, la position de l’abbé semble plus nuancée. Si le mariage pour tous ou même l’avortement semblent être des sujets houleux, l’abbé ne paraît pas en lutte avec ces causes inhérentes à notre époque. « Par rapport à ces sujets-là, il faut éviter le généralisme (SIC) », confie-t-il, l’air brusquement sérieux.

“Il faut accompagner une personne dans le besoin, quels que soient ses choix de vie ou sa sexualité”

L’Église catholique poursuit une ligne directrice fondée sur des valeurs, mais l’Abbé Jehison est catégorique : « il faut accompagner une personne dans le besoin, quels que soient ses choix de vie ou sa sexualité. » Pour lui, l’Église chrétienne catholique en Belgique est en train de se re-dynamiser et de se remettre grandement en question. Un nouvel attrait et un élan de modernité seraient à l’oeuvre et proviendraient, entre autres, de la figure du Pape François, qui a ouvert l’horizon de l’Église vers de nouvelles perspectives de modernité.

Cet abbé parle clairement d’un retour à la religion chrétienne catholique. Ce retour vient à la suite d’une période où la foi chez les jeunes se serait amenuisée. Ces dernières années, l’assemblée au sein de l’église de Jehison a évolué de 250 à 350 personnes. Ce nombre serait à l’heure actuelle bien plus intergénérationnel et diversifié qu’auparavant. « Avant, on trouvait une majorité de personnes âgées, et désormais on y trouve les grands-parents, les parents et leurs enfants. »

“Je pense que la Belgique a beaucoup d’avenir vis-à-vis de la foi catholique”

Jehison est dans tous les cas très optimiste sur le futur. Pour lui, la fin de la religion catholique n’est pas prête d’arriver en Belgique. « Beaucoup d’églises ferment pour cause de manque de fréquentations mais beaucoup d’autres se remplissent encore davantage ailleurs, sauf que l’on en parle moins« , nous fait-il remarquer. « De par notre accompagnement aux jeunes en demande, une foi en eux peut grandir. Si on arrive à cela, je pense que la Belgique a encore beaucoup d’avenir vis-à-vis de la foi catholique. »

Jeunes catholiques : forces vives d’une Église réincarnée

Au sein d’une jeunesse en perte de repères, certains se rassemblent dans la Foi catholique. Ces jeunes adultes, fervents croyants, refusent toutefois de s’inscrire dans une pratique désuète de leur conviction chrétienne.
Rencontre avec cette jeunesse convaincue et énergique à l’église Sainte-Croix de Flagey, où l’office est organisé pour eux, et rythmé par eux.

 

Riches des partages échangés durant la messe, tous quittent une bâtisse encore emplie des chants d’une communauté soudée. Le pas franc et le sourire au visage, chaque jeune ayant assisté à la messe de Flagey rentre chez lui. Plus fort. Plus grand. Tourné vers autrui avec de l’amour à offrir.
Souvent discrète, la jeunesse catholique n’en reste pas moins très active. Ces rencontres permettent d’illuminer des jeunes adeptes des visites hebdomadaire au sein de la maison de Dieu. Loin de cette image d’une bigoterie obsolète et révolue, la jeunesse croit, prie, et va de l’avant.