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Le Cinéma Med, c’est un festival directement dépendant de la COCOF. Comment ça fonctionne en interne ? Est-ce qu’elle vous laisse quartier libre à condition de simplement pas former budget ou y a-t-il une supervision de leur part et des rapports à rendre ?
Alors, le festival est effectivement une initiative de la COCOF, ce qui fait que je suis employée par la COCOF. J’ai donc une chef de service, une directrice d’administration et la déléguée générale à qui je dois rendre des comptes, on va dire ça comme ça. Mais ici, on est quand même dans un esprit qui est assez simple et basé sur la confiance. Donc, c’est plus moi qui interpelle ma chef de service quand j’ai des questions ou je ne sais pas trop comment me situer par rapport à la COCOF qu’autre chose. Moi, ça fait 10 ans que je suis là, un peu plus maintenant, donc il faudrait peut-être, je ne sais pas comment ça se passait avec mes prédécesseurs à ce niveau-là, mais moi je n’ai jamais dû me plier à certaines choses et faire certaines choses parce qu’il y avait des demandes spécifiques ou particulières.
Maintenant, moi, je sais que je représente la COCOF, que le festival représente la COCOF et qu’il faut faire attention à l’image que le Cinéma Med pourrait transmettre. Au niveau du budget, le Cinéma Med, c’est une initiative de la COCOF, coorganisé avec l’ASBL Cinéma Med. Ce qui veut dire que l’ASBL Cinéma Med reçoit des subventions de la COCOF, que ce soit le service audiovisuel, la cohésion sociale, les relations internationales. Et là, on est tenu, comme tout organisateur de festival, comme tout bénéficiaire d’une subvention, de rendre des budgets prévisionnels, un bilan, rapport d’activité, ce genre de choses. Il y a une bonne gestion et une bonne utilisation du subside qui est vérifiée. Par exemple, on a une convention pluriannuelle avec le service audiovisuel. Et donc, on a des comités d’accompagnement pour juste un petit peu voir quelles sont les difficultés qu’on rencontre, ce qu’on peut améliorer, pas perdre de vue les objectifs pour lesquels on est subventionné aussi. Mais donc là, on fonctionne plus comme une ASBL indépendante qu’un festival de la COCOF. Voilà, c’est juste qu’au niveau de la COCOF, on bénéficie de certains avantages vu qu’il y a mon poste, il y a les bureaux, il y a le support informatique, on n’a pas les frais d’électricité, les charges à payer. Mais il n’y a absolument pas de… Je pense que c’est parce qu’on travaille bien aussi qu’il n’y a pas de soucis et que tout se passe en relative confiance.
Est-ce qu’elle est déjà intervenue d’une manière ou d’une autre concernant la sélection en poussant pour qu’un film soit présent dans la sélection ou, à l’inverse, pour l’en retirer ?
Moi, je n’ai vraiment jamais eu ce cas, ça ne s’est absolument jamais produit. Parce que, de toute façon, les valeurs qui sont défendues par le Cinéma Med sont en lien avec les valeurs de la COCOF. Et donc, on est déjà de base, nous, dans une réflexion constante par rapport à ce qu’on programme pour être en adéquation et être lié. Mais il n’y a jamais eu aucune pression de la COCOF. Je ne dis pas que dans les années précédentes, antérieures à moi, il n’y a jamais eu de pressions politiques, mais pas de la COCOF.
Vous pouvez les énoncer ?
Est-ce que je peux les énoncer comme ça ? Ça concerne la représentation de films de communautés présentes à Bruxelles qui sont minoritaires par rapport à certains. Comment je vais dire ça ? C’est plus quand on a des minorités qui sont plutôt réprimées par d’autres communautés présentes à Bruxelles ou certains dirigeants dans certaines communes non loin d’ici.
Est-ce que la COCOF a interdit des partenariats avec des organismes publics ou des pays ? Est-ce qu’elle met son veto sur un partenariat quelconque ?
Non, parce qu’à nouveau, la façon dont nous agissons au sein de l’ASBL pour la gestion du Cinéma Med est une organisation où on réfléchit, posée, et en cohérence avec les valeurs que nous avons, que nous défendons, qui sont celles aussi en lien avec la COCOF. Je pense que clairement on n’agit pas comme du privé, ce qu’on n’est pas. Il faudrait voir à ce niveau-là aussi. Mais on n’a jamais eu de problème. On avait un partenariat l’année passée avec Disaronno, il y a plusieurs années avec Freixenet qui est du coup de l’alcool. Et c’est clair qu’on ne pourrait pas faire de la promotion de l’alcool en un sens et qu’on est un peu vigilant aussi dans les images qu’on peut proposer quand on fait le best-of ou ce genre de choses. On va mettre des images où les gens vont partager un moment convivial autour d’un verre et il y aura un drink, ce genre de choses. Maintenant, on ne va pas appuyer le propos.
L’avantage aussi qu’on a toujours au sein du festival, c’est que, par exemple, au niveau des bandes-annonces qu’on a en préprogramme avant les films, on a juste le spot du festival. Jusqu’à maintenant, on arrive à maintenir et à faire barrage aux partenaires privés qui voudraient voir leur pub à ce moment-là. Je ne suis pas sûre qu’on pourra avoir la pub, justement, d’alcool ou de produits comme ça qui ne sont pas en lien par rapport à des services de la COCOF. Ok. Et donc, privé, elle n’intervient pas en se disant tel organisme, telle marque a un partenariat avec tel pays, donc nous ne voulons pas déjà. Le Cinéma Med a très peu de partenaires privés, donc ça facilite un peu les choses et à côté de ça je pense qu’il faudrait vraiment un gros scandale et que là de toute façon nous en tant que festival on serait pas en accord par rapport à ça. Donc je pense qu’il n’y a personne au sein de la COCOF qui va passer son temps à éplucher tous les partenariats qu’on a, qui est derrière, avec quel pays est soutenu. Je pense qu’ici, le but, c’est quand même que le festival fonctionne dans une gestion correcte. Je n’aime pas cette expression « en bon père de famille », mais je n’ai toujours pas trouvé la façon de remplacer ça, de faire ça en bon parent de famille, en bon gestionnaire de famille, voilà. Mais non, il n’y a pas eu de… Ils ne sont jamais allés gratter. Voilà, je pense que… Mais oui.
Est-ce qu’il y a des collaborations avec certains pays ou organismes que vous refusez catégoriquement ?
Alors, on ne refuse pas les collaborations catégoriquement. Alors, non, c’est pas comme ça que je vais dire. C’est au sein du festival, on va toujours promouvoir et valoriser les films de tous les pays méditerranéens. Maintenant, on va toujours collaborer avec des gens qui partagent les mêmes valeurs que nous, avec des gens qui prônent les libertés individuelles, qui prônent l’acceptation de tous et toutes, et on ne va clairement pas se retrouver à aller collaborer avec l’ambassade de Syrie, où là on a des pouvoirs qui sont en train, des gouvernements qui oppriment des peuples, ça, ça ne va pas fonctionner au sein du festival. Parce que d’une part, ça ne fonctionne pas avec les valeurs du festival, à côté de ça, le festival est aussi une co-organisation avec le CBI, qui est le Centre Bruxelles d’Action Interculturelle, qui défend ses valeurs à lui aussi, qui a des comptes à rendre vis-à-vis d’un CA. On sait très bien que la question d’Israël se pose pour tout le monde actuellement. On est contre le boycott culturel parce qu’on estime aussi que souvent ce sont les réalisateurs et les réalisatrices qui sont les voix du contre-pouvoir et que pour nous c’est important à ce niveau-là. Mais on ne va pas aller donner la parole à un ambassadeur ou une ambassadrice d’Israël sur scène et de manière générale on essaye de ne pas mettre les ambassades en avant au sein du festival parce qu’on est un festival qui est engagé, mais comme on est un festival de la COCOF, on doit rester apolitique et neutre par rapport aux décisions et par rapport aux collaborations qu’on a, tout en sachant qu’on va toujours prôner la défense des libertés de tout le monde.
Les films produits par Israël reçoivent forcément une intervention étatique. Est-ce que si quelqu’un venait à vous interpeller sur le sujet en disant « Israël finance ce film, il reçoit des subsides d’État, c’est un scandale que vous le sélectionniez », comment réagiriez-vous face à ça ?
Je pense que, pour les films qu’on sélectionne, le premier critère n’est clairement pas de savoir comment il a été subventionné. Maintenant, c’est quelque chose auquel on va faire attention déjà en amont avant la sélection du film. Parce qu’on sait que s’il est subventionné… Justement, là, je parlais de la Syrie l’autre jour. On avait vu un film et je me suis dit qu’il est impossible que ce film ait été produit, tourné sans les accords du gouvernement syrien. C’est pas possible. Pour nous, ça ne reflète… On est sur de la propagande. Et quand on est sur de la propagande, ça, on refuse. C’est pas ce qu’on programme au festival. Et donc, en fait, de facto, c’est des films qu’on ne va pas programmer parce que la thématique et ce qui est montré n’est pas en accord avec les valeurs du festival.
Voilà, donc de toute façon, je crois que de nous-mêmes, quand un film on le sent trop politisé et en tout cas pas en adéquation avec les valeurs qu’on a, on ne va pas aller dessus. Maintenant, si on décide de programmer un film parce qu’il défend des propos qui nous tiennent à cœur parce qu’ils vont pouvoir visibiliser des communautés qui sont opprimées ou donner la parole à certaines personnes qui ne l’ont jamais eue, on a les arguments de se dire, on l’a programmé pour telle ou telle raison et que parfois, il faut aussi pouvoir passer au-dessus d’une chose. Il y a le contenu du film et la façon dont on va pouvoir donner la parole à certaines personnes va être plus importante que de se dire, il y a peut-être un petit peu d’argent du gouvernement qui est arrivé derrière. Il y a un moment où il faut savoir aussi trouver quelle est la priorité et quel est le réel impact de la diffusion du film. On va toujours penser à la diffusion du film par rapport à ce qu’il va apporter au niveau du vivre ensemble et au niveau de la réflexion et de l’ouverture d’esprit sur le monde.
Hormis ça, tu as parlé tout à l’heure d’un problème avec une certaine commune de Bruxelles. Est-ce que tu as eu d’autres précédents d’un litige avec un organisme ? Est-ce que par hasard, il y aurait eu un jour un partenaire, une ambassade étrangère ou un organisme culturel étranger qui aurait rompu avec vous parce que vous aviez sélectionné un film de tel pays, ou inversement, un film qui refusait d’être sélectionné chez vous, parce que, entre guillemets, il y avait une relation avec un autre pays ?
Non, on n’a jamais eu ce cas de figure.
Comment fonctionnent les partenariats d’entités avec les partenaires ? Comment fonctionnent les partenariats d’entités politiques au sein du festival ? Comment est-ce que vous allez les chercher ? Qu’est-ce qu’ils vous apportent ? Est-ce que c’est que du financier ? Est-ce que c’est par exemple offrir tel local ? Des facilités pour la distribution, la sélection d’un film, la projection ? Et qu’est-ce que vous offrez en contrepartie ?
Donc au niveau public et étatique, nous, on a la ville de Bruxelles qui nous soutient, avec la région de Bruxelles-Capitale aussi, pour la promotion de Bruxelles. Et là, c’est une subvention en échange de visibilité. Voilà. C’est un soutien parce que c’est important pour la ville de Bruxelles de pouvoir avoir une diversité culturelle et pouvoir offrir des événements qualitatifs sur le territoire de la ville de Bruxelles. De temps en temps, on a l’Institut Italien des Cultures avec lequel on collabore, on a le Cervantes, on a effectivement un petit peu ça. Là, c’est souvent un échange de communication. On échange de 2-3 places pour venir au festival, ils vont parler et diffuser la programmation de nos films sur leur réseau de communication. Ça se limite à ça.
Et il n’y a que ça comme apport de leur part et en contrepartie, vous ne leur offrez pas de temps de parole ou quoi que ce soit durant le festival ?
Non, ça, les temps de parole durant le festival, sûrement pas. Ça, c’est toujours… Parce que ça nous permet aussi d’avoir une position claire par rapport à tout le monde. Parce que si tu donnes la parole à l’un ou à l’une, après comment tu fais pour la refuser à quelqu’un que tu ne veux pas voir prendre la parole au festival parce que pas en adéquation avec les valeurs que tu défends ? En fait, c’est que tu donnes la parole à personne et puis c’est comme ça. Donc, des échanges de visibilité et donc de les contacter en disant, est-ce que vous pouvez faire la promotion de notre événement ? Forcément sans jamais aucune obligation. Ça, je ne vois pas où est le… Ça se passe assez facilement, assez simplement. Maintenant, il n’y a jamais personne qui est venu nous demander de prendre la parole en tout cas au niveau des pays méditerranéens avec lesquels on collabore. Maintenant, c’est sûr que quand on est sur les politiques belges et bruxellois, il y a en cérémonie d’ouverture, en cérémonie de clôture, des petits temps de prise de parole. Mais là, parce qu’il y a des subventions derrière, ce n’est pas juste de la communication. Ce qui ne veut pas dire que si l’Italie venait nous donner de l’argent, on donnerait la parole aux Italiens non plus. Enfin, je ne sais pas comment… C’est juste que comme on est un festival de cinéma bruxellois subventionné par la Belgique, la Fédération Wallonie-Bruxelles, par la ville de Bruxelles et tout ça, c’est un peu logique aussi de pouvoir donner une parole, mais qui est toujours une parole courte, brève. Et je pense que les politiciens et politiciennes savent très bien que quand ils sont là, quand ils sont élus, ils ne sont pas là pour faire leur promotion personnelle non plus, mais pour mettre en avant les activités promues et le travail qu’ils font au sein des cabinets dans lesquels ils sont aussi quoi.
Est-ce qu’il y a des pays des organismes qui viennent vraiment vous chercher, qui cherchent à avoir un partenariat avec vous ? Qui disent, voilà, on aimerait bien collaborer avec vous, présenter des films, que vous les sélectionniez. Ou est-ce que c’est vous qui allez vraiment les prospecter et chercher ?
Pour aller prospecter et pour aller chercher les films, c’est nous qui y allons. Maintenant, ça fait… En fait, ça ne vient jamais des pays en soi. C’est toujours nous avec des vendeurs internationaux, parce que l’industrie du cinéma, c’est quand même aussi une industrie avec énormément des agents de vente. Et donc là, on va chercher nous-mêmes, on prospecte de cette manière-là. Les pays qui viennent chez nous, c’est parfois à travers les centres du cinéma, mais en fait, ça fait des collaborations qu’on a depuis longtemps en disant, ben voilà, nous, par exemple, quand on va à Cannes, un truc qu’on fait aussi, c’est qu’on fait le tour des pavillons internationaux pour aller chercher la documentation sur les films produits ou en cours de production dans ces pays. Et là, nous, en fait, on fait notre petit marché là-dedans, mais on va voir les films qui sont qualitatifs. C’est toujours le premier critère. De toute façon pour sélectionner un film, c’est qualitatif et thématiquement intéressant, et il n’y a jamais personne qui a fait… Enfin, je ne sais pas si ta question était là, mais il n’y a jamais personne qui est venue avec une pression quelconque de vouloir pousser absolument les films et de sentir qu’il fallait que les films soient proposés chez nous. Ça, c’est jamais arrivé, non.
Concernant les pays représentés, on voit une surreprésentation de certains pays, et ça se voit même dans la sélection des jurys, au détriment d’autres, si je puis dire. On dit que l’objectif d’un festival est très souvent énoncé comme étant un lieu de mise en avant des œuvres cinématographiques de films provenant de tout horizon et de tout pays. Comment justifiez-vous cette polarisation de la sélection ? Par exemple, Malte en 10 ans n’a présenté qu’un seul film, Chypre en a présenté 6 et la France s’est impliquée dans 186 productions, ce qui représente 39% de l’ensemble des films sur 10 ans, et 86 films en tant que premier pays de production, donc 18% de la sélection totale.
Alors déjà, Malte et Chypre sont des petits pays qui ne produisent pas beaucoup de films. Le truc, c’est qu’on ne veut pas ne pas programmer ces films, c’est qu’il y en a très peu qualitatifs qui arrivent jusqu’à nous, enfin même pas qui arrivent jusqu’à nous, c’est que quand on va regarder la production des films maltais, ils vont en faire 5 sur l’année, que la France va en faire 300 sur l’année. Donc, en fait, il y a un ratio aussi à prendre à ce niveau-là, c’est la force de production de ces pays. C’est clair que le Monténégro, là, on a reçu un film cette année, ça faisait hyper longtemps qu’on n’en avait pas eu. C’est comme ça.
Maintenant, ce qui se passe aussi, c’est qu’il y a de plus en plus de coproductions. Avant, un film était produit majoritairement par un pays. Maintenant, c’est vraiment énormément de coproductions. Je pense que la France a de l’argent aussi à investir dans les productions des films et que c’est aussi un pays qui se porte au niveau investissement culturel, qui comprend aussi les intérêts culturels.