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Entre stratégie politique et environnement, Alain Destexhe trace les lignes de son nouveau parti

Publié le 07-03-2019 par Elise Legrand & Edric Schelstraete

Alain Destexhe (ex-MR) était l’invité de L’interview sur BX1 jeudi 28 février. L’occasion de présenter les priorités de sa nouvelle liste. « Osons la vérité », c’est son slogan. Vérifions s’il l’applique dans ses affirmations.

L’Interview : Alain Destexhe

« Ce qui m’intéresse, c’est les dix points de notre programme qui nous distinguent du MR et de tous les autres partis, d’ailleurs » !

Faux.

Si l’on compare les programmes des différents partis francophones avec les priorités des listes Destexhe, on observe un nombre important de similitudes. Les dix priorités sont développées en un total de 28 points. Plus de la moitié de ces points se retrouvent dans le programme du Parti Populaire. Les deux formations politiques semblent s’entendre à bien des égards, notamment en matière d’immigration, de gestion publique et d’enseignement. Alain Destexhe s’inspire également de la ligne de conduite du MR. Les idées de Destexhe ne sont donc pas si originales que ce qu’il voudrait nous faire croire…

 Nombre de similitudes entre les 28 points de Destexhe et les programmes des partis francophones

Comparaison Destexhe et partis francophones
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Pour l’analyse complète: Analyse des programmes politiques par rapport aux 10 priorités de Destexhe

« Si on se passe rapidement du nucléaire, on court à une double catastrophe ! Un : on n’arrivera pas à tenir les objectifs de diminution du Co2, et deux : la facture d’électricité va exploser ».

C’est vrai.

Les termes employés par Alain Destexhe sont expressément forts et alarmants pour marquer les esprits. Mais lorsqu’il affirme qu’une transition énergétique respectant les quotas d’émissions de CO2 fixés pour 2030 et épargnant la facture d’électricité est incompatible avec une sortie du nucléaire, il a raison. Tel que le marché de l’énergie existe aujourd’hui, cette possibilité est en effet inconcevable. Damien Ernst, spécialiste en énergie et électricité à l’université de Liège épingle plusieurs raisons à ce constat : « Tout axer sur le renouvelable est impossible puisque nous rencontrons encore des gros problèmes de stockage de l’électricité. Et la solution actuelle des usines à gaz naturelles implique forcément une hausse de la facture d’électricité. Il faut construire les infrastructures, acheter le gaz mais aussi payer la taxe CO2 puisque ces usines rejettent du dioxyde de carbone ».

Décodage

  • Alain Destexhe se revendique plus à droite que le MR. Mais existe-t-il une réelle place à combler à droite de l’échiquier politique belge francophone ?

La perte annoncée de l’électorat du MR dans les sondages (Grand Baromètre Ipsos, février 2019) laisserait présager l’existence d’un certain public à séduire. De plus, selon Robin Lebrun, doctorant en sciences-politiques à l’ULB, « il n’existe pas de parti d’extrême-droite important en Belgique francophone. Des petites listes d’extrême-droite apparaissent et disparaissent, mais elles ne parviennent jamais à s’inscrire durablement et à réaliser de gros scores, à part peut-être le Parti Populaire, mais toujours à petite échelle. » Alors oui, une place semble vacante. Encore faut-il que les listes Destexhe incarnent les attentes politiques de ce public.

Evolution des intentions de vote à Bruxelles depuis 2014
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  • Une alliance avec le Parti Populaire est-elle possible ?

Non. Alain Destexhe l’a lui-même annoncé d’entrée de jeu : « Tout alliance avec le Parti Populaire de Modrikamen est exclue. Les Listes Destexhe visent un public de centre droit et de droite ». Une décision qui semble logique puisque se faire ficher sous l’appellation d’extrême-droite revient à tomber sous le joug du cordon sanitaire médiatique. Ce qui entraînerait, comme l’indique Robin Lebrun, « une perte importante de visibilité médiatique, car les partis d’extrême-droite n’ont pas le droit de passer dans les médias francophones ». Sans visibilité, il semble donc difficile pour un néo-parti d’émerger sur la scène politique.

  • Pourquoi l’énergie nucléaire est-elle si vitale pour l’électricité en Belgique ?

La raison est simple : les sept réacteurs nucléaires que comptent notre pays produisent à eux seuls la moitié de la production d’électricité nette en Belgique ! (Statbel, 2016) Cette simple donnée rend l’énergie nucléaire indispensable pour le moment, puisqu’en proportion, un ménage sur deux s’éclaire donc grâce à l’atome. Si l’on ajoute que l’énergie nucléaire a une faible émission en CO2, il devient logique que plusieurs politiciens « éco-réalistes » sont favorables à une prolongation des réacteurs au-delà de 2025 (NVA, Listes Destexhe). Malgré les problèmes liés à la gestion des déchets nucléaires et les risques radioactifs qu’elles représentent…

Production électricité
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  • Les usines nucléaires n’émettent-elles vraiment pas de CO?

Il est établi que la phase de production de l’énergie nucléaire n’émet que très peu de CO2 (11 grammes de CO2/kWh) (Source : Forum Nucléaire, se basant sur le rapport du GIEC). Mais pour dresser un bilan honnête de l’émission de CO2 du nucléaire, il faut pourtant tenir compte du cycle de vie complet d’une centrale nucléaire : extraction de l’uranium, traitement des déchets, etc. Selon le média indépendant bastamag, cette émission parallèle du nucléaire verrait l’émission de CO2 multipliée par 6 !

Crédits photo : Crédits: jjjdeboer/Flickr 

 

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