Sur le ring du catch belge

Ema Alvarez Rodriguez, Quentin Damman, Jeanne Gougeau, Edric Schelstraete

Sur le ring du catch belge

Sur le ring du catch belge

Ema Alvarez Rodriguez, Quentin Damman, Jeanne Gougeau, Edric Schelstraete
Photos : Quentin Damman
9 mai 2019
Le catch en Belgique est méconnu. Il faut dire que la discipline ne compte pas beaucoup d’athlètes et n’attire pas les foules. Pourtant le niveau belge est bon, et plusieurs écoles parsèment notre territoire. Deux événements ayant eu lieu début mai – la tenue d’une compétition organisée par la World Catch League belge au Palais 12 et la venue de la WWE américaine à Forest National – sont l’occasion de plonger dans ce monde fascinant. Un monde de passion et de spectacle aux prises avec un amateurisme palpable.

Shaolin Showman ou le roi du catch bruxellois

Shaolin Showman arbore sa ceinture de champion de Belgique (Crédit/Quentin Damman)

Shaolin Showman est le personnage de catch de Simba. Quand il s’exprime, on a l’impression que Simba est en fusion avec Shaolin. On ne sait plus très bien à qui on s’adresse. Dans un premier temps c’est évidemment très déstabilisant. Puis on se prend au jeu et on entre dans une logique où le vrai n’est jamais tout à fait vrai et le faux jamais tout à fait faux…

Dans un souci de pragmatisme, nous appellerons Simba par son nom de catcheur: Shaolin Showman. Les deux semblent n’être qu’une seule et même personne… Depuis 2016, Shaolin n’est ni plus ni moins que champion de Belgique. Il ne le dira pas, mais Shaolin a lui-même orchestré ce championnat. S’il a gagné, c’est qu’il l’a décidé. Le hic, c’est que ça n’enlève rien à sa gloire! On ne peut se permettre ce genre de chose que quand on a la renommée nécessaire.

Né au Congo en 1962, Shaolin Showman se dit « sportif depuis la naissance ». Enfant, il pratiquait l’acrobatie et le football. Le catch étant très répandu dans son pays natal, il a eu la chance de découvrir sa vocation dans sa jeunesse. Il s’entraînait déjà depuis plusieurs années avant de monter pour la première fois sur le ring en 1981.

On peut dire que Shaolin « règne » sur le catch dans la capitale.

Il a ouvert sa propre association près de la gare du midi en 2009: la Brussels Young Wrestling Style. Une seule autre indy (ou fédération indépendante) a ouvert ses portes dans la ville, et la concurrence est rude. La particularité chez Shaolin c’est la diversité des pratiques. On ne se limite pas au catch, on fait aussi du judo, du karaté… Ce qui donne une aura particulièrement inquiétante à ses catcheurs. Ils n’y vont pas de main morte et ne sont pas là pour jouer la comédie.

Selon une source anonyme, l’association est subsidiée parce qu’elle aide à sortir des jeunes de la rue. Le slogan du lieu : « Fight on the ring, not in the street ». Lorsqu’il a révélé cette information pour la première fois, notre source a suscité la colère d’anciens élèves et de Shaolin. En effet, ils ont désormais leur fierté et le sujet est tabou.

Pour comprendre Shaolin, lire ne suffit pas, c’est le genre de personne qui demandent à être vue: dans la vidéo ci-dessous, ou mieux encore… sur le ring!

Entre sport et spectacle : le catch joue avec les codes

James Duggan, alias

On entend souvent dire “le catch, c’est que du fake’’. Et ce n’est pas faux. Le catch n’est compétitif qu’en apparence : on détermine le vainqueur du match à l’avance et tout le spectacle est scénarisé. Dans les grosses ligues américaines, certains en font même leur profession en écrivant des scénarios pour les combats. Mais tout est fait pour que l’on croie au “vrai’’ et c’est là la subtilité du jeu. Nous avons rencontré  Stéphane Collignon, professeur d’histoire de l’art et d’analyse de cinéma d’animation et de comics à l’institut Albert Jacquard, à Namur. Il est, entre autres, passionné de catch depuis le plus jeune âge. D’abord fasciné par la prestance des personnages qu’il suivait à la télévision, il se passionne ensuite pour ce que cette pratique cache et pour son aspect hybride : “c’est un vrai sport, qui mêle performance physique impressionnante et manipulation scénarisée du public pour faire croire le faux et douter du vrai affirme-t-il avec admiration et connaissance. Christophe Lamoureux, sociologue qui s’intéresse au monde du catch, renforce cette idée de sport-spectacle qui serait joué par de “très grands sportifs et des comédiens sublimes qui pourraient se rapprocher des prestidigitateurs”. En effet, quand on veut être catcheur, il faut suivre des cours intenses d’entraînement physique, de prises précises, de chute et … de dramaturgie. Le spectacle se base donc sur un scénario, qui est l’impulse du combat et qui tient en haleine le public. Pour les grands matchs américains, “c’est parfois une histoire qui dure sur plusieurs mois et qui reprend un peu les codes des shows de soap opéra ! [forme de série télévisée populaire, NDLR].” Ironise Stéphane Collignon. Pour lui, on peut aussi y voir une sorte de comédie humaine – comme le disait Roland Barthes dans “Le monde où l’on catch(e)” – où les personnages sont de réels archétypes de l’ordre du bouffon qui se moque des caractéristiques humaines en les tournant au ridicule.

Si tout est écrit à l’avance, comment peut-il y avoir des champions ?

Le catcheur victorieux n’est pas forcément le plus talentueux, celui avec le plus de force ou le plus doué techniquement; une très grande partie du succès se joue sur la personnalité, le charisme, ce que dans le milieu on appelle le “gimmick’’ du catcheur. Bien sûr la technique et  la force contribuent à l’aura du personnage, mais celui-ci doit surtout faire réagir le public, positivement ou non. Certains ont le rôle du “méchant’’, ils sont détestés, hués par la foule, et c’est justement cela qui les rend populaires. Chaque catcheur se crée donc un personnage, avec une histoire, une tenue, un maintien, une personnalité et des prises qui lui sont propres. Plus il séduit le public, plus l’arbitre ou le scénariste qui décident de l’aboutissement du match auront tendance à les faire gagner. C’est donc à leur grandiloquence et au mérite que cela se joue. Mais parfois, c’est aussi sous forme de récompense/punition que s’effectue le choix. Les règles du jeu ne sont pas strictement établies et il arrive qu’elles soient complètement arbitraires et, parfois, reflètent des conflits en dehors du ring. Si un joueur manque de respect à l’arbitre, par exemple, celui-ci peut décider de le faire perdre aux prochains matchs et c’est alors que toute la subtilité pernicieuse de la pratique entre en jeu. Le catcheur “puni” va devoir récupérer le support du public par des jeux de manipulations sur le ring. Comme évoqué plus haut, le catch joue avec la réalité pour donner l’impression que ce sont des vrais combats où la violence est l’essence du succès. Les manoeuvres et les chutes sont donc travaillées afin de prévenir les risques de vraies blessures tandis que de fausses blessures, moins graves, sont simulées. On peut le voir dans le film ‘’The wrestler’’ de Darren Aronofsky où le personnage principal s’entaille le front avec une lame de rasoir hors de la vue du public pour rajouter du spectaculaire à la lutte.

 

“[…] les professionnels font de l’impro; on leur dit :

toi tu perds, toi tu gagnes, démerdez-vous.”

Stéphane Collignon

 

Le public a longtemps été volontairement tenu dans l’ignorance de cette mise en scène, mais l’apparition du catch à la télévision a eu un effet grossissant et a participé à dévoiler les secrets. Pour les plus old school de la pratique, en a peut-être “trop montré, ce qui a ruiné la magie du spectacle’’ comme l’explique Christophe Lamoureux dans une émission du Grand Bain sur France Inter.  Mais alors, qu’est-ce qui tient le public en haleine, si celui-ci sait que tout est écrit ? Pour Stéphane Collignon, toutes ces scénarisations, les cascades préparées, les faux coups, etc. et le fait de le savoir n’enlève rien à la performance. Pour lui :  “même si tu sais que tout est fake, qu’il y a des “tricks” : que les tables sont prévues pour casser sur commande et que le plancher est monté sur ressort, il y a réellement de la technique et c’est ça qui est intéressant. Et puis, les professionnels font de l’impro; on leur dit : toi tu perds, toi tu gagnes, démerdez-vous.” Mais tout cela est tu pendant les combats, c’est le principe de ’’kayfabe”, pour permettre de tenir le public dans cette crédulité consentie. Les catcheurs eux-mêmes nient souvent en bloc le fait que le vainqueur du match est décidé à l’avance et que la plupart des gestes sont prédéterminés. Ce “secret’’ qui doit être obligatoirement tenu par les catcheurs participe à la sublimation de la pratique et à l’attrait qu’en ont les fans, mais crée aussi des tensions au sein du milieu qui peut parfois revêtir des allures schizophréniques et quelque peu violentes envers ceux qui ne respectent pas les règles du jeu.

Sources :

La grande parade du catch par Christophe Lamoureux (Presses universitaires du Mirail-Toulouse, 1993)

Émission le Grand Bain sur France Inter. Catch : l’histoire d’un sport spectacle marié avec la télé (9 mars 2013)

Le monde où l’on catch(e), extrait des mythologies de Roland Barthes ( éditions du SEUIL, 1957)

Les dessous du catch belge (source anonyme) : un rude combat entre amateurisme et passion

NDLR : si la source veut conserver son anonymat, c’est parce que le monde du catch belge est petit et que les catcheurs ne révèlent pas les coulisses du métier.

 

Des rings dressés par les catcheurs dans de vieux gymnases, quelques écoles professionnelles, des ceintures de champion théâtralement remportées, et une maigre poignée de fans inconditionnels. Voilà en gros le décor dans lequel évolue le catch belge. Il faut dire qu’il ne faut pas remonter très loin pour trouver les premiers signes d’un semblant de professionnalisation de la discipline en Belgique. C’est en 2003, dans le nord du pays, avec la fondation de l’école de catch FWF (pour Flemish Wrestling Force), que les premiers combats officiels voient le jour. C’est l’école qui organise ses propres compétitions, opposant les élèves qu’elle forme en son sein. Si d’autres institutions ont depuis fleuri dans le paysage belge – citons la BYWS (Brussels Youth Wrestling Style) ou la WAC (Wrestling Alliance Company) en Wallonie – le principe reste le même. Chaque école forme ses apprentis et organise ses rencontres exclusives. C’est ce qu’on appelle des ligues « indy », à savoir des petits circuits indépendants. Et le monde du catch en Belgique se constelle entre ces différentes petites ligues aux maigres revenus financiers. Car l’argent manque. Si la discipline passionne ses pratiquants et une grosse cinquantaine de fans durs qui participent à toutes les rencontres, elle peine en effet à attirer les foules. Ce qui entraîne de facto un manque d’intérêt économique de la part des potentiels sponsors ou des organes publics. Les têtes d’affiche des événements les plus importants n’empochent qu’une centaine d’euros. On ne vit certainement pas du catch en Belgique.  Et c’est sans parler de la main-d’œuvre nécessaire au bon déroulement des matchs qui est bien souvent bénévole. Dès lors, le catch belge est encore fortement englué dans un certain amateurisme. Une situation qui se traduit par des symptômes néfastes au catch belge. Mauvaise organisation des rencontres, retards dans les programmations, mauvaise communication et publicité, travail important imposé aux bénévoles, sont tant d’aléas qui empêchent une avancée vers une professionnalisation de la discipline.

 

La guerre des clans

Pourtant le niveau des catcheurs n’a pas à pâlir par rapport à la scène internationale. Bien sûr les effets spéciaux des rencontres sont moins exubérants qu’aux États-Unis, mais en termes de niveau et de performance, les athlètes belges sont bons. Au grand plaisir des fans, qui peuvent assister à des rencontres de haut niveau. La formation reçue dans les écoles est professionnelle et efficace. Pour preuve, certains catcheurs belges s’exportent à l’étranger. S’ils n’atteignent pas l’inaccessible ligue américaine, ces athlètes participent tout de même en tant que têtes d’affiche à des compétitions en Hollande, France, Angleterre ou encore en Roumanie. Tant de pays qui portent le catch à un niveau professionnel plus élevé que le nôtre. Mais si les écoles belges sont compétitives, elles souffrent de problèmes d’égo. Chacune veille sur ses poulains. Sur son territoire. Et puisque le monde du catch repose sur la scénarisation – et l’image ! – aucun n’a envie de perdre la face. Un changement d’école est dès lors inenvisageable. De même que l’organisation de compétitions interligues. On ne voudrait pas avoir à se montrer vulnérable face aux adversaires d’une autre école. Chaque ligue s’enferme dès lors dans sa propre scénarisation (voir chapitre 1), où bien souvent le maître de l’école a tout à dire. Et l’inexistence de matchs entre ligues rivales représente un vrai manque à gagner pour l’intérêt du public. Ce qu’il faudrait, c’est une ligue nationale et indépendante qui organise la compétition de l’extérieur.

 

Carte des différents clubs de catch de Belgique :

 

WCL, ou l’espoir d’une professionnalisation ?

Le premier avril 2018 émerge cependant une lueur d’espoir dans le monde du catch belge : la World Catch League. Cette fédération a été fondée en collaboration avec d’anciens élèves de la BYWS qui ont connu une carrière à l’étranger. De retour en Belgique, ils ont voulu s’extraire de ce carcan amateur du catch belge. Importer la professionnalisation des pays étrangers au plat pays pour ne plus devoir forcément aller à l’étranger pour vivre du catch. Et si la World Catch League n’en est qu’à son troisième événement, le dernier en date au Palais 12 du Heysel a déjà rassemblé 3 000 personnes. Si ce succès se confirme, la WCL pourrait devenir un véritable tremplin pour le catch belge. Et se rapprocher d’une sorte de fédération nationale qui permettrait d’attirer davantage de public, de concentrer les meilleurs catcheurs belges, et de représenter un réel objectif enthousiasmant pour les catcheurs en herbe. Bref, de sortir de la situation actuelle en Belgique aux prises avec un amateurisme encore trop ancré.

 

L’amateurisme, ça a du bon !
Le côté amateur du catch belge peut être critiqué, mais c’est aussi ce qui fait son charme. Éviter les strass et paillettes, se retrouver avec un public peu nombreux, mais constitué de connaisseurs, c’est vivre le catch autrement. C’est vivre un catch plus vrai, où l’on sent la sueur du ring, et où l’on peut boire un verre avec les athlètes après la rencontre. Un catch où on a l’impression d’exister en tant qu’individu supporter, comme au sein d’une petite famille. Bref, une potentielle professionnalisation du milieu ne sera pas perçue aussi bien par tout le monde.

Avec les catcheurs de demain : entraînement à la Brussels Young Wrestling Style

Les élèves de la BYWS s'entraînent à chuter (Crédit/Quentin Damman)

La Brussels Young Wrestling Style est la seule école de catch à Bruxelles. À deux pas de la gare du midi, leurs meilleurs combattants montent sur les tatamis chaque mercredi. Ici la discipline est de fer et le respect est maître mot au temple. Différents profils s’y croisent mais tous ont en commun l’amour du spectacle.

 

Sous l’oeil avisé de Sheik Kamel, le champion du club, et de Jaguar, catcheur professionnel, les jeunes perfectionnent leurs mouvements, répétant les mêmes prises, les mêmes chutes encore et encore avec l’espoir d’un jour monter sur le ring.

 

À la BYWS on ne prend que les meilleurs. Le club est connu pour former d’excellents catcheurs. C’est notamment dû à l’assemblage des techniques. Ju-Jitsu, Karaté, Lutte, différents savoir-faires se mélangent pour former un style unique, propre au club.

De la fête foraine à la télévision

baraque de lutte foraine de la famille Méjean 1910-1920 (Crédit/ Marvis)

Quand on pense au catch, on pense à ces grosses brutes bodybuildées un peu ridicules qui font semblant de se battre dans une ambiance pleine de testostérone. On pense aux shows télévisés de la WWE (World Wrestling Association), la principale ligue de catch américain, diffusés sur petit écran. On pense peut-être aux grandes stars comme Hulk Hogan, John Cena ou encore Batistà, en slip moulant sur l’affiche de notre enfance, au fond gris métallisé d’où sortent des flammes de l’enfer. Mais le catch a une histoire. Il existait bien avant de devenir un produit de l’industrie télévisuelle. La discipline puise son origine et ses mouvements dans la lutte, l’un des sports les plus anciens au monde. Ce sport antique prend de l’ampleur en Europe au XIXe siècle, lorsque la pratique est inscrite aux Jeux olympiques en 1896. Mais une forme de lutte plus populaire commence à voir le jour, au même moment, dans les baraques et les foires. D’ailleurs, le monde du catch fonctionne encore aujourd’hui un peu comme un cirque; des tournées de 300 shows par an pour les grandes stars du milieu, arrivant au match en caravane, dans cet esprit et cette logistique propres au cirque traditionnel.  C’est au sein de ce monde du spectacle, du faux et de la glorification de la force que naît cette fameuse lutte professionnelle ou professional wrestling en anglais, qui s’est popularisé en français sous le terme de catch, pour l’anglicisme « catch as catch can » (attrape comme tu peux).  C’est avec l’avènement de la télévision et la diffusion des shows sur les chaînes de l’ORTF (l’Office de radiodiffusion-télévision française) en France et la WWE  (World Wrestling Association) aux États Unis dans les années 1950-1960 que la discipline devient ce grand show haut en couleur et en excès que l’on connaît aujourd’hui.

 

Sources :

La grande parade du catch écrit par Christophe Lamoureux (Presses universitaires du Mirail-Toulouse, 1993)

Histoire du catch
Infogram

Le catch : une pratique inclusive

Combat de catch féminin organisé par le théâtre de la Monnaie en juin 2018 (Crédit/Marijs Boulogne)

Marijs Boulogne est férue de catch. Sa voix un peu rauque et posée dégage une certaine sagesse. Le mot qui revient quand elle parle de sa passion: la tolérance.

« En tant que catcheur, tu as droit à énormément d’attention. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les femmes, sans que ce soit lié à des histoires de sexe ou d’érotisme. » Marijs Boulogne n’a pas trouvé la même largeur d’esprit dans son milieu professionnel, celui du théâtre. Quand elle se blesse sur le ring, elle reçoit des dizaines de longs mails de personnes qui s’inquiètent pour elle. Alors qu’elle a plutôt l’impression que des dizaines de personnes seraient prêtes à tout pour prendre sa place sur la scène théâtrale belge. Il y a quelque chose de familier, d’affectueux dans le monde du catch, ce qu’elle apprécie.

« C’est un art indépendant de tout le reste. » Marijs en parle comme d’un mode de vie, elle utilise même les mots « secte » et « mafia ». Ce qui compte, c’est le respect des règles. Par exemple, impossible de porter un costume des mêmes couleurs que votre adversaire s’il a plus d’années d’expérience du ring. Le choix des couleurs lui revient. Par contre, tous ceux qui respectent ces béabas sont les bienvenus. Selon elle, un grand nombre de personnes handicapées feraient aussi partie de la famille du catch. Marijs explique que ce sport est aussi inclusif par le fait qu’il s’agit d’une interaction entre différents types de corps. Grâce à cela, le monde du catch saurait qu’il a besoin de la différence. Un grand costaud qui se bat avec un poids léger et/ou des matchs intergenres (comme au théâtre de la Monnaie l’année passée), c’est ce qui plaît aux amateurs de catch.

Marijs se souvient de la première fois qu’elle vu un match féminin. C’était à l’Arena Mexico : la plus grande salle de catch au Mexique. Ce jour-là, les yeux de la jeune femme se sont ouverts. Elle était là en tant que photographe. Seulement au catch, pas besoin d’être photographe professionnel. Ce qu’il faut, c’est être capable d’improviser et de jouer le jeu. Or Marijs sortait de l’école de théâtre. Par exemple, quand le photographe se fait bousculer, il doit surjouer le coup. Les trois premières semaines, Marijs devait rester à 10m des joueurs. Petit à petit, elle a pu s’approcher du ring et du centre de l’attention. C’est le coup de cœur, la jeune femme veut aller plus loin. De retour en Belgique, elle monte pour la première fois sur le ring en 2010. Après quoi ça a été le parcours du combattant. Il a fallu assumer et convaincre ses proches, son A.S.B.L. de théâtre… Personne ne voulait en entendre parler: c’était trop étrange, subversif. Aujourd’hui, c’est une partie importante de sa vie : « Maintenant ils viennent me voir et ça fait 9 ans que je réalise ce rêve! »

Depuis presque deux ans, Marijs s’entraîne à Charleroi dans le club mixte « Lady Man Catch ». « Chaque homme qui entre dans la salle pendant les heures où les femmes s’entraînent doit adopter l’énergie féminine et un langage de femmes ». Tout est alors consacré aux femmes. Les hommes peuvent entrer et regarder ce qu’il se passe, mais ils se mettent « au service des femmes ». « La force masculine est là pour nous motiver, nous encourager ». Pour Marijs, c’est très important d’être en accord avec elle-même lors des prises. Il faut que ça ait l’air dangereux, mais elle refuse que ça le soit vraiment. Selon elle, les hommes ont quelque chose de plus destructeur, là où les femmes sont généralement plus rationnelles. Elles veulent être en forme pour les vrais matchs et ne veulent pas se mettre en danger lors des entraînements. Par exemple, bien que Marijs soit invitée à jouer au Japon, elle n’ira pas. Parce que là-bas, les catcheurs se jettent par dessus le ring, ce qui peut être dangereux pour les spectateurs et pour les protagonistes eux-mêmes.

Ce que la catcheuse regrette, c’est l’inintérêt de la presse pour le catch féminin. Marijs invite pourtant les médias chaque fois qu’elle organise des matchs. « Alors qu’on fait des sold out, qu’on a fait plein plein de choses avec les jeunes à Bruxelles. » À travers cette pratique, ce que le grand public doit encore découvrir, c’est la culture de la force au féminin.

 

Laisser un commentaire