Elles sont près d’une soixantaine à jouer sur une moitié de terrain. Mardi après-midi, ce ne sont pas moins de cinq équipes de filles qui s’entraînent en même temps. Des entraînements un peu difficiles à gérer donc, mais qui témoignent bien du succès des RWDM Girls.
Une ambiance bon “enfant”

Fondé en 2013 sous le nom de FC Molenbeek Girls, ce club molenbeekois a rapidement gagné en popularité auprès de la gente féminine. Si bien qu’en 2016, il s’est fondu avec le Racing White Daring de Molenbeek et a pris le nom de RWDM Girls. Pourtant, les filles continuent à jouer de leur côté au stade du Sippelberg. Et toutes les joueuses s’accordent à le dire : il y a une bonne ambiance dans ce club exclusivement féminin. Quand une joueuse arrive, dans son maillot rouge et noir, elle salue coéquipières et entraîneurs d’un check silencieux, presque solennel. Mais à peine le pied posé sur le terrain ensoleillé, les filles se mettent à discuter en échangeant des passes, tous âges et équipes confondus. « Ici, tout le monde se connaît, explique Rania, 12 ans, qui joue à la fois avec les moins de 13 ans et les moins de 16. Plutôt extravertie, la jeune fille se montre très fière de ses coéquipières. Sans hésitation, elle va de groupe en groupe pour exhiber les meilleurs talents de son club : « Elle, c’est Allison, notre Thibaut Courtois à nous ! » dit-elle en pointant du doigt une petite blonde qui porte des lunettes à monture épaisse. D’apparence plus timide, la gardienne est audacieuse quand elle doit protéger ses cages. Ses entraîneurs la considèrent comme une bonne joueuse, bien qu’elle n’ait commencé le foot que depuis un an : « Quand j’ai commencé, je ne voulais pas spécialement devenir gardienne. Mais comme mon père a été gardien, il m’a entraîné à ce poste-là. Mon frère aussi est gardien, il joue au club des garçons, à côté ». Comme Allison, beaucoup de filles ont appris à jouer avec leur famille : des grands frères, des grandes sœurs ou des parents footballeurs. « Moi c’est toute ma famille qui joue, même ma mère ! » s’exclame Rania.

D’autre part, Saïda, la mère de Lina, une joueuse de 10 ans, explique qu’elle joue aussi au football avec sa fille : «Ça m’a étonné qu’elle veuille faire du foot car c’est une fille et c’est un sport plus masculin que féminin. Je lui avais promis de l’inscrire au sport de son choix si elle réussissait son année et elle a réussi. Avant, elle a fait deux ans de boxe, donc elle aime les sports masculins, je lui ai autorisé à faire de la boxe pour qu’elle puisse se défendre», poursuit-elle.
Détendues mais redoutables

Rania reprend sa revue des meilleures « Molenbeek Girls » : elle pointe du doigt une jeune fille habillée en bleu qui donne des directives aux petites qui l’entourent. « C’est elle qui a gagné 21 à 0 à son dernier match avec l’équipe des dames. » Il s’agit d’Imane El Rhifani, défenseuse centrale de l’équipe A. La Molenbeekoise de 16 ans est récemment devenue entraîneuse des moins de 13 ans mais c’est ce qu’elle voulait être depuis bien longtemps. Elle rêve d’être un jour coach professionnelle mais elle accorde de l’importance à ses études aussi. « Je suis en sciences-langues, c’est difficile de combiner l’école et le sport » affirme la jeune fille. « Mes parents étaient choqués car j’ai commencé le foot en 2010 quand le football féminin n’était pas encore connu », ajoute-t-elle. Ses élèves l’encerclent pour ne pas rater ses commandes. « Les filles sont, de manière générale, bien disciplinées mais le seul défaut par rapport aux garçons est le fait qu’elles parlent trop, ce sont des filles quoi », déplore l’entraîneuse.

Mais bientôt les coups de sifflet retentissent, et les entraîneurs reprennent la main. Nacer Abdellah, qui entraîne l’autre équipe des moins de 13 ans, a bien du mal à leur faire endosser leurs chasubles mais se veut philosophe : « Ici, je les laisse se marrer mais il y a un côté disciplinaire. Elles sont dans un âge de transition, les garçons, on peut leur ajouter du travail de force mais les filles, on ne peut pas. Elles sont là pour s’amuser, pour du fun ». Une détente bien méritée au vu des résultats du club. Car il n’y a pas que les dames qui enchaînent les bons scores, les autres groupes d’âge sont aussi à l’honneur : l’année passée, les moins de 16 ans ont remporté la Coupe du Brabant, tandis que cette année, les moins de 13 ans visent la Coupe de Belgique. De quoi donner confiance aux filles, même si les entraîneurs regrettent un manque de « challenge » : « Les équipes contre lesquelles on joue ne nous posent pas de problèmes», constate Nacer. «Cette année, on n’a pas beaucoup joué : il y a eu pas mal de forfaits. »
Il y a de l’avenir
Après deux années passées au club, Nacer n’a pas de mal à reconnaître les footballeuses les plus prometteuses, et évoque notamment Dounia, la première des Molenbeek Girls : « C’est une fille exceptionnelle, même moi qui a été footballeur professionnel, j’ai des difficultés pour lui enlever le ballon.» A 12 ans seulement, Dounia est déjà réputée pour être une redoutable attaquante chez les moins de 16 ans. Elle a commencé le football à l’âge de six ans, à une époque où le RWDM Girls n’existait pas encore. Elle a dû jouer alors avec les garçons de Jeunesse Molenbeek, où son père était entraîneur. Elle tape alors dans l’œil de Ramzi Bouhlel, et lui inspirera l’idée d’un club 100% féminin. Aujourd’hui directeur technique et responsable jeunesse du club renommé RWDM, monsieur Bouhlel se montre très fier de cette féminisation du football dont il a été le précurseur à Molenbeek : « Quand on a commencé, il n’y avait que Anderlecht et le Fémina de Woluwé. En trois ans, il y a eu 50 nouvelles équipes féminines à Bruxelles, au Brabant wallon et au Brabant flamand, dont plus ou moins 40 équipes de moins de 9, 11 et 13 ans », précise monsieur Bouhlel. Pour l’instant le club compte 150 filles en son sein. Si cette progression dans les inscriptions continue, le cap des 200 filles sera dépassé en début de saison prochaine, toujours selon les dires de monsieur Bouhlel.
Bruxelles et ses 19 communes compte plusieurs équipes de football qui ont une section dames (en noir), pendant que d’autres équipes sont exclusivement féminines (en jaune).
Crédits photo: @Adehertogh