Les groupes Argus, Team Moore, et Wanted Pedo déplorent unanimement le manque de sanctions à l’égard des pédocriminels une fois entre les mains de la justice. D’après eux, beaucoup sont multirécidivistes et écopent seulement de peines de prison avec sursis. Certains cas hantent toujours Lambert Argus, comme celui d’un chef d’entreprise que la police a intercepté grâce à son association. Condamné à de nombreuses peines de prison pour viols sur mineurs depuis les années 1980, il est pourtant aujourd’hui en liberté.
Autre cas, celui d’un homme âgé d’une soixantaine d’années. Il aurait été arrêté grâce au travail de l’association, mais libéré à la condition de porter un bracelet électronique. Son matériel informatique a été saisi, mais il a immédiatement racheté un ordinateur et tenté de contacter le faux-profil d’enfant de l’association.
En Flandre, une personne qui s’inquiète de ses sentiments ou comportements sexuels envers les enfants peut appeler anonymement et gratuitement un numéro d’aide. Cela devrait également être le cas en Fédération Wallonie-Bruxelles en juin 2021. Par ailleurs, les unités de psychopathie légale (UPPL) de Namur, Tournai et Liège proposent une aide spécialisée. Samuel Leistedt précise que ces centres n’acceptent cependant que des pédocriminels. Il faut donc qu’il y ait eu un passage à l’acte et une condamnation en justice. Cette approche pluridisciplinaire rassemble des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux pour mettre en place des barrières de protection contre la récidive.
“Beaucoup de pédophiles (…) belges me contactent. Certains sont addicts à la pédopornographie et ne trouvent pas d’aide pour se sevrer”, témoigne Latifa Bennari de L’Ange bleu. Les potentiels prédateurs belges peuvent contacter la police de leur propre chef, mais leurs fantasmes sexuels ne sont pas répréhensibles en tant que tels. L’autre possibilité est de faire appel à l’aide d’un psychiatre. Mais comme l’explique la sexologue clinicienne Françoise Louis-Morin, suivre un pédophile est un travail constant. “Il faut presque être disponible 24h sur 24h au cas où ils seraient tentés de déraper. On ne peut pas en suivre dix en même temps.”
Quel suivi thérapeutique pour les pédophiles ?
La castration chimique, un traitement hormonal inhibiteur de libido qui vise à anéantir les envies sexuelles, est possible. Par un mécanisme immédiatement efficace après une injection ou la prise d’un médicament, le cerveau croit à une surproduction de testostérone, ce qui neutralise les fonctions érectiles et les pulsions sexuelles. La castration n’est pas une sanction pénale mais une voie thérapeutique volontaire. Elle ne peut pas être imposée et la vérification de son exécution dépend également de la bonne volonté du concerné. Ce traitement est cependant temporaire. À son arrêt, la véritable testostérone revient et réveille le désir sexuel. Le traitement médical est donc couplé avec un travail psychologique nécessaire pour lutter efficacement contre la déviance sexuelle qu’est la pédophilie.
Latifa Bennari et Françoise Louis-Morin s’accordent sur un point : la démarche des intercepteurs de pédophiles serait contre-productive. “Il faut proposer une aide aux pédophiles, il n’y a pas que la répression qui marche !”, s’énerve la présidente de L’Ange bleu. Françoise Louis-Morin va plus loin. “On ne peut pas faire de la prévention chez des gens qui n’en veulent pas et qui sont obligés.” Pour elle, c’est auprès des enfants qu’il faut agir, dans leur éducation. “La prévention ne peut se faire qu’en apprenant aux enfants ce qui peut être dangereux.” Elle estime, par exemple, qu’un enfant de moins de quatorze ans ne devrait pas avoir accès à un ordinateur, sans contrôle parental, dans sa chambre. “Il faut que les parents sachent à quel point c’est facile de rentrer en contact avec des mineurs sur Internet.”
Pour ces mineurs, les conséquences peuvent être dramatiques. Les traumatismes infligés par une agression sexuelle subie dans l’enfance ont des répercussions sur le développement des victimes. Clara*, victime d’un viol à 9 ans, a eu beaucoup de mal à dépasser cette épreuve. “Après ce qui s’est passé, j’étais dans le déni, à tel point que j’ai fini par oublier ce qui s’était passé. C’est à la suite d’un nouveau traumatisme, qui n’était pas sexuel, que j’ai retrouvé la mémoire. Ça a été très difficile, j’étais dans ma première année d’études supérieures et j’ai dû arrêter. J’ai été suivie pendant plusieurs années par un éducateur et une psychologue. Aujourd’hui, surtout grâce à ma famille et mes amis, je vais bien mais ça restera en moi pour toujours.”
Les victimes sont régulièrement absentes du débat qui entoure la légitimité des “chasseurs” de pédophiles, souvent réduit à une opposition entre intercepteurs et autorités judiciaires. Néanmoins, elles sont les premières concernées : les agressions pédophiles subies durant l’enfance façonnent la vie sexuelle des victimes. Déjà en 1997, Françoise Louis-Morin expliquait dans Le Soir que plus de 50 % d’anciennes victimes devenaient agresseurs à leur tour.
* prénom modifié pour des raisons d’anonymat