Loin de se limiter à une activité de maraichage ordinaire, le jardinage thérapeutique se révèle être un véritable outil au service de la santé et du bien-être.
L’hortithérapie consiste à utiliser les plantes et le végétal comme médiation thérapeutique sous la direction d’un professionnel formé à cette pratique pour atteindre des objectifs précis adaptés aux besoins du participant (
American Horticultural Therapy Association – AHTA)
Selon Simiane Grégoire Valentini, agente de développement en hortithérapie au Québec, les bienfaits de cette pratique sur la santé sont nombreux et touchent plusieurs dimensions de notre vie :
Sur le plan physique, le contact avec la nature diminuerait le stress, la fatigue mentale et accélèrerait même la guérison de certaines pathologies.
Sur le plan psychologique, l’horticulture permettrait de cultiver le sentiment d’accomplissement, de fierté et d’estime de soi. Elle contribuerait à la stabilité émotionnelle, diminuerait les sentiments négatifs et procurerait un sentiment de tranquillité, de jouissance et d’autonomie.
Sur le plan social, la spécialiste de l’hortithérapie explique qu’elle renforcerait les habiletés de cohésion sociale, telles que l’amitié et la communication. Elle favoriserait la coopération et diminuerait le sentiment de solitude.
Enfin, sur le plan intellectuel, l’hortithérapie stimulerait l’apprentissage de nouvelles connaissances, la capacité d’observation et de concentration. Elle encouragerait ainsi la curiosité, la créativité et l’imagination.
Patrick Fleuri, chercheur à l’université agraire de Laval, souligne que l’hortithérapie agit comme un outil de travail adapté aux besoins des individus. Il la qualifie de médecine douce et naturelle pratiquée dans un environnement dédié au bien-être des participants.
Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier.
En reprenant cette citation de William Shakespeare, Patrick Fleuri résume ce que pourrait être l’essence de l’horticulture. Il nous invite à travers cette pratique à prendre soin de notre corps et de notre esprit, tout en cultivant le précieux lien que nous avons avec la nature.
Mieux vaut verdir que souffrir
En Belgique, certains hôpitaux ont décidé d’inclure des espaces verts sur leur site hospitalier. C’est notamment le cas du centre hospitalier régional Sambre et Meuse de Namur, qui a installé un jardin thérapeutique dans son service pédiatrie.
D’après l’hôpital, cet espace vert permet aux enfants d’oublier, le temps d’une activité, leur quotidien et de découvrir de manière didactique les joies du jardin. Yves Nicolay, infirmier en chef en pédiatrie, explique que le jardin thérapeutique est un endroit de partage, où le contact social, parfois si rare pour un patient hospitalisé, devient une possibilité : « Tous les jours, les enfants descendent au potager pour entretenir les plantations, voir ce qui a poussé, ce qui peut être récolté, etc. Ils ont de réelles activités de jardinage. Cela leur permet de sortir, de prendre l’air et surtout d’apprendre des choses sur les aliments qu’ils consomment. C’est un moment qu’ils apprécient, car ça les sort de la routine journalière de leur hospitalisation. »
Sur le site Victor Horta du CHU Brugmann, là aussi un jardin thérapeutique a été installé. Les pelouses peuvent accueillir les patients et les membres du personnel. Un espace vert de plus de 10 hectares, qui est également considéré comme un lieu de travail, d’insertion et de découvertes.
Actuellement, comme le rapporte un récent rapport de l’ONU, de nombreuses études se penchent chaque année sur le rôle des espaces verts en milieu urbain, y compris dans les environnements hospitaliers. Ces études confirment leurs effets bénéfiques sur la santé physique et mentale.
Un jardin pour apaiser les maux
Anne-Françoise Pirson, hortithérapeute, est convaincue du pouvoir réparateur de la nature. Au travers de l’hortithérapie, elle offre à ses patients un havre de paix où cultiver sérénité et bien-être.
« Je suis à la base psychologue clinicienne de formation. Je me suis beaucoup ressourcée, détendue dans la nature. Et puis, à un moment, j’ai eu envie de creuser un peu plus ce lien avec la nature. J’ai moi-même été en arrêt de travail, malade, un moment. Et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai connu ce que les Américains appellent le ‘ha-ha moment’. Le truc à un moment donné dans la vie qui dit : ‘Ah, ça y est, j’ai trouvé ce que je vais faire de la suite de ma vie’. »
Guidée par une intuition profonde, elle se forme à l’hortithéparie pendant la période du Covid via des cours en ligne dispensés depuis le Canada. Elle découvre alors un métier qui allie sa passion pour la nature et son désir d’aider les autres.
Dans les jardins suspendus de Mons, Anne-Françoise Pirson cultive des liens précieux avec ses patients. Ses ateliers, loin d’être de simples corvées de jardinage, sont des espaces de découvertes sensorielles, d’ouverture et de renouveau.
« Souvent, les gens connaissent plus la zoothérapie. Donc, la thérapie avec un animal. Ici, c’est un peu le même principe, mais c’est le jardin, la nature et les activités qu’on peut y faire. »
Anne-Françoise fixe des objectifs avec ses patients et évalue avec eux l’avancée par rapport à la réalisation de ces objectifs. Parfois, les besoins thérapeutiques sont moins clairs. L’hortithérapeute fixe des objectifs de soins, et certains ne sont pas verbalisés, c’est aussi là que le jardin aide.
« L’évaluation, elle est aussi prononcée par la personne qui vient de passer 2 heures au jardin et qui trouve qu’elle a pu déstresser par exemple ou se vider la tête ou se détendre. S’ils le disent, c’est peut-être parce qu’ils le vivent. (…) Ils viennent pour des raisons chaque fois très personnelles, en fait. Chaque personne vient chercher des choses différentes. »
Le jardin comme métaphore de la vie
Dans le terreau fertile de l’hortithérapie, les patients se connectent à eux-mêmes et au monde qui les entoure. La plante sujette aux changements devient un miroir de leurs propres fragilités, et sa croissance inéluctable, une métaphore de leur propre résilience.
« On est confrontés à l’échec parce que les plantes sont parfois malades, on a des ravageurs, on a des maladies, on a tout ça, ou alors on n’a pas bien fait avec l’arrosage, etc. Mais, en gros, la nature, souvent, elle est compréhensive. Elle travaille… Elle ne nous en veut pas, quoi, de nos conneries, de nos erreurs. Elle s’en remet. »
Observer la beauté d’une fleur, sentir la fraîcheur de la terre, s’émerveiller devant la naissance d’un nouveau plan. ©Manoé Peeters
L’hortithérapie se révèle peu à peu à nous. Thérapie holistique qui nourrit le corps et l’esprit, elle nous transforme en jardinier attentif. Elle cultive le bien-être, la connexion à la nature et l’épanouissement personnel.
« Dans le jardin, il n’y a pas une manière de faire. C’est vraiment un endroit de non-jugement. On fait ensemble la même activité, mais chacun a un peu sa façon de faire. »
Par-delà les aspects thérapeutiques, l’hortithérapie offre à quiconque un espace d’émerveillement et de découverte. Observer la beauté d’une fleur, sentir la fraîcheur de la terre, s’émerveiller devant la naissance d’un nouveau plant.
« Et puis, il y a l’émerveillement, parce que ça, c’est une autre porte d’entrée, mais c’est vrai que partager toutes des petites choses qu’on apprend au fur et à mesure. Moi, je n’ai pas étudié la botanique, mais j’ai appris au fur et à mesure des petites choses. Je me suis moi-même émerveillée. »