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Terre-happy au coeur de la ville

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Terre-happy au coeur de la ville

Terre-happy au coeur de la ville

Publié le 11-05-2024 par , , et

En ville, se reconnecter à la nature via les potagers collectifs offre non seulement une solution contre l’isolement, mais également un support thérapeutique précieux.

“Le potager, c’est un moment d’échange et de partage. Et parfois, il y a des gens qui racontent leur vécu et ça leur fait du bien de raconter et de partager des moments durs. Dans la vie actuelle, on est chacun dans son petit monde. Raconter, ça permet d’évacuer et d’échanger, de se rendre compte qu’on n’est pas tout seul avec ses problèmes. On est pas tout seuls.”

Virginie, herboriste et animatrice nature pour « Le début des Haricots »

Une étude menée par l’université de Gand (UGent) en 2020 révèle un chiffre interpellant : près d’un tiers des Belges (32%) déclarent se sentir très seuls. Ce sentiment de solitude toucherait en priorité les personnes sans emploi et les malades de longue durée, mais affecte toutes les catégories socioprofessionnelles.

Face à ce constat préoccupant, l’UGent préconise dans son dossier de presse accompagnant cette enquête de mettre l’accent sur le bien-être mental. Des solutions existent déjà, comme le contact avec la nature, qui, selon une étude scientifique publiée dans la revue “Nature” en 2021, peut atténuer le sentiment de solitude, en particulier pour les citadins. 

Bruxelles est l’une des capitales les plus vertes d’Europe. Elle possède de nombreux espaces verts qui ponctuent le paysage et offrent à ses habitants une bouffée d’air frais et de nature en plein cœur de la ville. Du parc de Bruxelles au Bois de la Cambre en passant par le parc du Cinquantenaire, les havres de paix sont nombreux.

Mais au-delà de ses espaces verts emblématiques, Bruxelles abrite également un réseau florissant de potagers urbains. En 2018, on comptait près de 392 sites, individuels ou collectifs, soit plus de trois sites pour 10.000 habitants. Ce phénomène témoigne d’un engouement croissant pour le jardinage urbain, bien plus qu’une simple activité de loisir : une source de bien-être et de lien social. 

En 2018, la région bruxelloise comptait 392 sites de potager collectifs au total ©BRAT

Loin d’être une simple tendance, l’attrait pour les potagers urbains s’inscrit dans une démarche écologique et responsable. L’étude réalisée par Bruxelles Environnement, en 2011, révèle que 41% des jardiniers urbains privilégient des engrais naturels pour cultiver leurs fruits. Ils sont seulement 4% à utiliser des engrais chimiques (page 36) dans ces cultures. Selon les sondés, les potagers permettraient de partager une passion commune, d’échanger des connaissances, de créer du lien lien social et d’améliorer la santé mentale. 28% d’entre eux déclarent apprécier manger des produits sains et 18% d’entre eux trouvent que cela les détend (page 41). 

Carte des producteurs de l’agriculture urbaine en Région de Bruxelles-Capitale. ©Bruxelles Environnement

Cultiver le partage
Les potagers urbains attirent les pollinisateurs essentiels et favorisent une faune et une flore variées en milieu urbain. © Léa Marest Buisson

Dans les Marolles, au cœur de Bruxelles, un vendredi matin. Ils sont quelques courageux à avoir bravé la pluie de ce mois de mai pour participer à un atelier potager. Dans le bâtiment de l’ASBL Nativitas, Xuan et son équipe ont chaussé leurs bottes pour aller jardiner. Assistante sociale de l’ASBL et chargée des projets culturels, elle anime chaque vendredi un atelier potager avec l’aide de son ami et fidèle jardinier, Christian. Un atelier ouvert aux habitants du quartier, qui a construit au fil du temps son petit noyau d’habitués. C’est dans la joie et la bonne humeur que Caroline, Rita, Xuan et Christian se sont donné rendez-vous sur leur parcelle rue Terre-Neuve. 

Le potager est un lieu de rencontre enrichissant où chacun partage son expertise. © Manoé Peeters

Chapeautées par leur mentor Christian, elles suivent attentivement ses précieux conseils pour planter poireaux et tomates. Des « tips » bien précieux que le jardinier partage avec passion. Christian, jardinier professionnel, possède de nombreux trucs et astuces qu’il a accumulés grâce à son expérience. Xuan confirme : « Quelque part, Christian est un peu notre formateur, puisqu’il s’y connaît pas mal dans tout ce qui est culture. Et à chaque fois qu’on travaille avec lui, on apprend beaucoup de choses, parce qu’il a des techniques pour faire pousser les choses. Parce que nous, on est amateur », explique l’animatrice .

Caroline, quant à elle, adore participer à ces ateliers. Grande passionnée de nature, elle aime venir apprendre de nouvelles choses pour ensuite cultiver ses propres légumes chez elle. Vivant dans un appartement sans jardin, elle réussit à sa manière à jardiner chez elle : « En fait, j’achète des salades au marché, je coupe les feuilles et hop, je replante les racines. J’ai mis des salades partout dans ma maison : dans ma cuisine, dans ma chambre, dans ma salle de bain », déclare-t-elle en riant. 

Malgré un temps peu clément, c’est dans la joie et la bonne humeur que chacun met la main à la pâte. Les légumes cultivés lors de ces ateliers potagers sont ensuite directement utilisés lors des ateliers cuisine, également organisés par l’ASBL : « L’année passée on a eu beaucoup de laitues. On a fait des recettes avec celles-ci, mais ce qu’il y avait en trop on l’a redistribué aux participants », raconte Xuan.

« Le gros défi, c’est Bruxelles »

« Soleil du Nord » est un service social de proximité situé dans le parc Gaucheret au cœur du quartier Manhattan à Schaerbeek. Au sommet du bâtiment qui borde le parc, dans une ambiance paisible et envoûtée par le chant des oiseaux, des femmes du quartier viennent prendre soin de leurs plants chaque semaine. L’initiative a été rendue possible par le Plan de Prévention Urbaine qui se donne pour mission de redynamiser les quartiers populaires de Schaerbeek. Marie Patout, juriste chez « Soleil du Nord », aime revêtir ses habits de jardinage et animer des ateliers potagers qu’elle propose chaque semaine aux femmes du quartier. Virginie, herboriste et animatrice nature, chargée de mission pour l’ASBL « Le Début des Haricots », la soutient dans le partage de leur passion commune : « Mon but, c’est de connecter l’humain à la nature, même si c’est en ville à Bruxelles. Le gros défi, c’est Bruxelles », explique Virginie. 

À deux, elles apprennent à certaines femmes du quartier à cultiver en ville à travers les ateliers potagers, organisés chaque année à partir du mois d’avril.

 

Malika participe à l’atelier potager de « Soleil du Nord ». Elle est dans un premier temps entrée en contact avec Marie, car elle avait des problèmes juridiques liés à son appartement, avant de découvrir les ateliers potagers : « Une copine m’a amenée ici parce que j’avais des problèmes avec la société de construction. Marie (Patout) m’a beaucoup aidée avec la justice et la société est venue réparer l’erreur qu’ils avaient faite pendant la construction. C’est grâce aux problèmes de mon appartement, finalement, que je connais Soleil du Nord », s’amuse-t-elle.

Les ateliers potagers rassemblent chaque semaine des femmes du quartier. Munies d’arrosoirs et de pelles, elles viennent pour planter et cultiver, mais surtout pour échanger et se libérer de leurs soucis quotidiens. C’est le cas de Leila (nom d’emprunt).

Le jardin secret de Leila

À Schaerbeek, Leila « grimpe », chaque semaine, sur le toit du bâtiment du service social, place Gaucheret. Avec envie et un large sourire aux lèvres.

Arrivée à Schaerbeek en 2000, Leila se rend depuis plusieurs années aux ateliers potagers de « Soleil du Nord ». @Manoé Peeters

Le potager fait face aux immenses immeubles du quartier Manathan, au cœur de la commune de Schaerbeek. Ce lieu à l’apparence paisible et conviviale, représente pour Leila un endroit qui rime avec évasion et ressourcement. Parée de ses gants bleus, elle y apprend à cultiver des légumes et des condiments en tout genre. Ici, tout se cultive : des haricots aux radis, de la menthe au basilic, en passant par les oignons. Si elle affectionne tant cet endroit, c’est parce qu’il lui permet également de passer un moment convivial et d’échanger avec d’autres femmes. 

 

 

Sa rencontre avec « Soleil du Nord » s’est d’abord présentée à elle alors qu’elle cherchait de l’aide concernant la gestion administrative de ses papiers : « Des fois, je n’arrive pas à gérer toute seule mes papiers. Je venais ici pour avoir un peu d’aide », déclare-t-elle.

Chaque semaine, elle retrouve désormais ses amies rencontrées lors des ateliers potagers : « Pour moi, je suis très contente qu’il y ait cet endroit», explique-t-elle. Des moments précieux qui lui permettent de faire une parenthèse dans son quotidien et de rencontrer de nouvelles personnes: « J’ai pas beaucoup de famille. Et quand je viens ici, il y a d’autres femmes, on discute. On oublie un peu les soucis. Moi j’aime bien quand je vois que ça pousse. Tout ce qu’on plante, ça fait plaisir. »

Arrivée à Bruxelles à l’âge de sept ans, elle explique avoir toujours été au contact de la nature dès son enfance : « Je voyais tout le temps mon père planter. Il faisait la menthe, le persil, les oignons. Il adorait faire ça. »

En déménageant à Schaerbeek en 2000, Leila a dû, à contrecœur, s’éloigner de ce contact qu’elle avait avec la nature. Le logement social dans lequel elle réside actuellement ne lui permet pas de cultiver et de garder ce contact avec la terre. Elle exprime sa gratitude pour ce petit coin de paradis au milieu des buildings. « Ils ont donné un bon nom au Soleil du Nord. C’est vraiment notre soleil pour le quartier. » Un endroit dans lequel elle se sent aujourd’hui apaisée et entourée. 

Ils ont donné un bon nom au Soleil du Nord. C’est vraiment notre soleil pour le quartier.

Potager contre isolement

L’ASBL Nativitas est un lieu de convivialité pour les personnes défavorisées. Cependant, elle ne vise pas à diminuer le coût des achats alimentaires de ses participants grâce à ses potagers : « Nous ne sommes pas assez professionnels pour avoir une production suffisante », explique Xuan. « Et puis l’idée, c’est de faire du travail communautaire et pas “chacun son bac. » Marie, juriste à « Soleil du Nord » à Schaerbeek, en a fait le même constat : « Certaines habitent un appartement et parviennent à faire pousser quelques plantes aromatiques et des tomates, mais je ne suis pas sûre que ça puisse réellement aider à solutionner une précarité économique. » Pour elle, cultiver dans ce genre d’atelier fait naître un sentiment de fierté : « C’est gratifiant de faire pousser quelques plantes ou des légumes, plus que le fait de devoir acheter moins de tomates cette semaine-ci », déclare-t-elle.

La dimension sociale reste fondamentale dans ce genre d’initiatives mises en place en ville. Pour Virginie, animatrice nature à « Soleil du Nord », c’est avant tout la connexion avec la nature et les gens qui prime : « Des animations et des activités comme celle-ci permettent aux gens de se rencontrer. En ville, finalement, on est chacun de son côté. On part de chez soi, on va travailler. Finalement, on a aucune interaction avec les gens du quartier.»

Participer aux potagers de quartiers permet de rencontrer ses voisins et de créer du lien plus facilement. ©Manoé Peeters et Léa Marest Buisson

Pour elle, le fait d’être en contact avec la nature ré-ancre les gens et leur permet de relativiser des moments difficiles de leur vie. « Les gens qui mettent les mains dans la terre se reconnectent de là d’où ils viennent.» Virginie explique, malgré tout, que certaines plantes peuvent quand même être très rentables en appartement : « On sait rapidement avoir une bonne récolte assez régulière de haricots nains. En pleine saison, on obtient un kilo de haricots par semaine sur une toute petite surface et ça nourrit une famille de quatre. » Mais elle ajoute: « Le lien social c’est le plus important. Ce n’est pas d’avoir des légumes. »

Malika, participante de l’atelier potager, le confirme, pour elle, cultiver lui fait du bien au moral : « Pour le social, le jardinage c’est important, je n’ai jamais connu ça. C’est important de venir ici pour voir les gens du quartier, ça nous change vraiment les idées. » Virginie est de son avis : « Ça permet de rencontrer des gens qui racontent leur vécu et ça leur fait du bien de raconter et de partager des moments durs parce que j’ai l’impression que dans la vie actuelle … on est chacun dans son petit monde. En fait ça permet d’évacuer, de se rendre compte qu’on n’est pas tout seul avec ses problèmes. », conclut Virginie.

Le lien social c’est le plus important. Ce n’est pas d’avoir des légumes.

Du potager nourricier au jardin partagé
Le maraîchage en ville permet de tester de nouvelles variétés de plantes adaptées aux environnements urbains. ©Manoé Peeters

 

 

Depuis plusieurs décennies, l’engouement pour l’agriculture urbaine est en constante augmentation. Ce mode de production est dorénavant perçu comme une source davantage sur les plans environnementaux, économiques et sociaux.

Dans les pays à plus faible PIB, l’agriculture urbaine conserve malgré tout une vocation essentiellement économique et de subsistance. En effet, d’après une étude du Centre de Recherche pour le Développement International, 20% de l’agriculture mondiale est axée sur l’autoconsommation et l’économie de subsistance. Dans de nombreux pays à faible PIB, l’agriculture vivrière est utilisée car les revenus sont bas et qu’ils ne permettent pas de subvenir à ses besoins. Dans une étude, The International Information and Library Review démontre que cette agriculture atteint même les 80% dans les pays en développement.

D’après l’anthropologue de l’ULB, Véronique Joiris : « Il est intéressant de constater qu’au XXIe siècle, il y a une recrudescence des jardins partagés en ville. Le maillage des jardins potagers persiste, qu’ils soient issus de projets collectifs ou d’initiatives indépendantes. Il y a une volonté d’exploiter ces espaces ensemble. On est plus dans la phase de la fin du XIXe où les jardins potagers qui étaient présents, étaient à vocation maraîchère, et économique. » Selon un article du « The Permacutlure Research Insitute » (PRI), le jardinage favorise les liens entre les individus et les espaces de jardinage communautaires offrent une opportunité au rapprochement social.

De la théorie à la pratique

Entre auditoires et salles de cours, poussent dans le « Jardin des Semeurs », poires et rhubarbes. À l’Université libre de Bruxelles, certains étudiants et riverains ressentent également ce besoin de se tourner vers la nature. Dans ce potager collectif on apprend à suivre le rythme de la terre, des saisons et surtout à échanger dans un environnement intergénérationnel : « La terre appartient à l’ULB qui nous donne gratuitement la possibilité de travailler la terre. Il y a deux tiers d’étudiants et un tiers de riverains », explique Nicolas, trésorier du potager.

Des étudiants et riverains d’Ixelles se rendent au moins deux heures par semaine sur le campus du Solbosch pour entretenir le potager. ©Léa Marest Buisson

Chaque mercredi et dimanche après-midi, les bénévoles se rassemblent pour cultiver ensemble : « Tout est collectif. Tout, tout. Les terres, les graines, les outils. On travaille tous pour tout le monde », explique Nicole, riveraine et retraitée qui vient régulièrement au potager. Un environnement communautaire où chacun peut y apporter sa contribution : « Moi j’ai un peu mal au dos donc là j’avance. Il y a des choses que je ne peux plus faire, mais ce que je peux faire c’est transmettre et être un peu la gardienne de certaines choses, de certaines règles », ajoute-t-elle. Un lieu de liens et de partage qui se mêle à la biodiversité du jardin.

L'horticulture: cultiver le bien-être
. ©Manoé Peeters

Loin de se limiter à une activité de maraichage ordinaire, le jardinage thérapeutique se révèle être un véritable outil au service de la santé et du bien-être.

L’hortithérapie consiste à utiliser les plantes et le végétal comme médiation thérapeutique sous la direction d’un professionnel formé à cette pratique pour atteindre des objectifs précis adaptés aux besoins du participant (American Horticultural Therapy Association – AHTA)

Selon Simiane Grégoire Valentini, agente de développement en hortithérapie au Québec, les bienfaits de cette pratique sur la santé sont nombreux et touchent plusieurs dimensions de notre vie : 

Sur le plan physique, le contact avec la nature diminuerait le stress, la fatigue mentale et accélèrerait même la guérison de certaines pathologies. 

Sur le plan psychologique, l’horticulture permettrait de cultiver le sentiment d’accomplissement, de fierté et d’estime de soi. Elle contribuerait à la stabilité émotionnelle, diminuerait les sentiments négatifs et procurerait un sentiment de tranquillité, de jouissance et d’autonomie. 

Sur le plan social, la spécialiste de l’hortithérapie explique qu’elle renforcerait les habiletés de cohésion sociale, telles que l’amitié et la communication. Elle favoriserait la coopération et diminuerait le sentiment de solitude.

Enfin, sur le plan intellectuel, l’hortithérapie stimulerait l’apprentissage de nouvelles connaissances, la capacité d’observation et de concentration. Elle encouragerait ainsi la curiosité, la créativité et l’imagination.

Patrick Fleuri, chercheur à l’université agraire de Laval, souligne que l’hortithérapie agit comme un outil de travail adapté aux besoins des individus. Il la qualifie de médecine douce et naturelle pratiquée dans un environnement dédié au bien-être des participants.

Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier.

En reprenant cette citation de William Shakespeare, Patrick Fleuri résume ce que pourrait être l’essence de l’horticulture. Il nous invite à travers cette pratique à prendre soin de notre corps et de notre esprit, tout en cultivant le précieux lien que nous avons avec la nature.

Mieux vaut verdir que souffrir

En Belgique, certains hôpitaux ont décidé d’inclure des espaces verts sur leur site hospitalier. C’est notamment le cas du centre hospitalier régional Sambre et Meuse de Namur, qui a installé un jardin thérapeutique dans son service pédiatrie.

D’après l’hôpital, cet espace vert permet aux enfants d’oublier, le temps d’une activité, leur quotidien et de découvrir de manière didactique les joies du jardin. Yves Nicolay, infirmier en chef en pédiatrie, explique que le jardin thérapeutique est un endroit de partage, où le contact social, parfois si rare pour un patient hospitalisé, devient une possibilité : « Tous les jours, les enfants descendent au potager pour entretenir les plantations, voir ce qui a poussé, ce qui peut être récolté, etc. Ils ont de réelles activités de jardinage. Cela leur permet de sortir, de prendre l’air et surtout d’apprendre des choses sur les aliments qu’ils consomment. C’est un moment qu’ils apprécient, car ça les sort de la routine journalière de leur hospitalisation. »

Sur le site Victor Horta du CHU Brugmann, là aussi un jardin thérapeutique a été installé. Les pelouses peuvent accueillir les patients et les membres du personnel. Un espace vert de plus de 10 hectares, qui est également considéré comme un lieu de travail, d’insertion et de découvertes.

Actuellement, comme le rapporte un récent rapport de l’ONU, de nombreuses études se penchent chaque année sur le rôle des espaces verts en milieu urbain, y compris dans les environnements hospitaliers. Ces études confirment leurs effets bénéfiques sur la santé physique et mentale.

Un jardin pour apaiser les maux

Anne-Françoise Pirson, hortithérapeute, est convaincue du pouvoir réparateur de la nature. Au travers de l’hortithérapie, elle offre à ses patients un havre de paix où cultiver sérénité et bien-être.

« Je suis à la base psychologue clinicienne de formation. Je me suis beaucoup ressourcée, détendue dans la nature. Et puis, à un moment, j’ai eu envie de creuser un peu plus ce lien avec la nature. J’ai moi-même été en arrêt de travail, malade, un moment. Et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai connu ce que les Américains appellent le ‘ha-ha moment’. Le truc à un moment donné dans la vie qui dit : ‘Ah, ça y est, j’ai trouvé ce que je vais faire de la suite de ma vie’. »

Guidée par une intuition profonde, elle se forme à l’hortithéparie pendant la période du Covid via des cours en ligne dispensés depuis le Canada. Elle découvre alors un métier qui allie sa passion pour la nature et son désir d’aider les autres.

Dans les jardins suspendus de Mons, Anne-Françoise Pirson cultive des liens précieux avec ses patients. Ses ateliers, loin d’être de simples corvées de jardinage, sont des espaces de découvertes sensorielles, d’ouverture et de renouveau. 

« Souvent, les gens connaissent plus la zoothérapie. Donc, la thérapie avec un animal. Ici, c’est un peu le même principe, mais c’est le jardin, la nature et les activités qu’on peut y faire. » 

Anne-Françoise fixe des objectifs avec ses patients et évalue avec eux l’avancée par rapport à la réalisation de ces objectifs. Parfois, les besoins thérapeutiques sont moins clairs. L’hortithérapeute fixe des objectifs de soins, et certains ne sont pas verbalisés, c’est aussi là que le jardin aide.

« L’évaluation, elle est aussi prononcée par la personne qui vient de passer 2 heures au jardin et qui trouve qu’elle a pu déstresser par exemple ou se vider la tête ou se détendre. S’ils le disent, c’est peut-être parce qu’ils le vivent. (…) Ils viennent pour des raisons chaque fois très personnelles, en fait. Chaque personne vient chercher des choses différentes. » 

Le jardin comme métaphore de la vie

Dans le terreau fertile de l’hortithérapie, les patients se connectent à eux-mêmes et au monde qui les entoure. La plante sujette aux changements devient un miroir de leurs propres fragilités, et sa croissance inéluctable, une métaphore de leur propre résilience. 

« On est confrontés à l’échec parce que les plantes sont parfois malades, on a des ravageurs, on a des maladies, on a tout ça, ou alors on n’a pas bien fait avec l’arrosage, etc. Mais, en gros, la nature, souvent, elle est compréhensive. Elle travaille… Elle ne nous en veut pas, quoi, de nos conneries, de nos erreurs. Elle s’en remet. » 

Observer la beauté d’une fleur, sentir la fraîcheur de la terre, s’émerveiller devant la naissance d’un nouveau plan. ©Manoé Peeters

L’hortithérapie se révèle peu à peu à nous. Thérapie holistique qui nourrit le corps et l’esprit, elle nous transforme en jardinier attentif. Elle cultive le bien-être, la connexion à la nature et l’épanouissement personnel.

« Dans le jardin, il n’y a pas une manière de faire. C’est vraiment un endroit de non-jugement. On fait ensemble la même activité, mais chacun a un peu sa façon de faire. »

Par-delà les aspects thérapeutiques, l’hortithérapie offre à quiconque un espace d’émerveillement et de découverte. Observer la beauté d’une fleur, sentir la fraîcheur de la terre, s’émerveiller devant la naissance d’un nouveau plant.

« Et puis, il y a l’émerveillement, parce que ça, c’est une autre porte d’entrée, mais c’est vrai que partager toutes des petites choses qu’on apprend au fur et à mesure. Moi, je n’ai pas étudié la botanique, mais j’ai appris au fur et à mesure des petites choses. Je me suis moi-même émerveillée. »

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