Le CGRA a publié le 9 février un rapport sur les expulsions de ressortissants soudanais qui durent depuis plusieurs mois. Olivier Chastel réagit dans la foulée et appuie les méthodes de l’Etat belge en matière de politique migratoire.
La question des expulsions soudanaises déstabilise le gouvernement et inquiète l’opinion publique depuis plusieurs mois. En effet, si les expulsions ont perduré, elles n’ont pas été effectuées conformément aux lois signées par la Belgique et avec la prudence qu’elles impliquent.
« Le gouvernement a agi avec prudence et conformément aux règlements européens et internationaux », a annoncé Olivier Chastel le 9 février dans un communiqué du MR, à propos des multiples expulsions de réfugiés soudanais en Belgique.
En effet, l’article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture stipule qu’« aucun Etat n’expulsera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ». Ce texte stipule également que les autorités doivent examiner si l’on peut parler de systématisme quant à ces pratiques. Dans le cas de la Belgique, de telles précautions n’ont vraisemblablement pas été prises lors des expulsions et Théo Francken aurait même commis un acte illégal en rapatriant ces personnes dans une dictature, selon le Tribunal de Première Instance de Liège. Olivier Chastel aurait pu prendre davantage de précautions lorsqu’il a parlé de « prudence » et de « respect des règlementations européennes».
“Le CGRA est une instance indépendante dont la réputation et la qualité de son travail ne sont plus à démontrer.”
Le CGRA est un organisme public qui dépend directement du SPF Intérieur. Ce sont donc des fonctionnaires qui ont été chargés, par le gouvernement, de rédiger un rapport sur la politique migratoire…du gouvernement.
De plus, qui est chargé de nommer le Commissaire général du CGRA? Nul autre que le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration: Theo Francken.
Olivier Chastel parle de “réputation” et de “qualité” mais plusieurs organismes remettent justement en cause la qualité et la rigueur de ce rapport. La Ligue des Droits de l’Homme dénonce avant tout le délai imparti: “Un mois pour une enquête d’une telle complexité, qui implique nécessairement une rencontre avec les victimes présumées, c’est irréalistement court. De plus, il faut savoir que personne ne s’est rendu au Soudan…”
Pourquoi ce rapport?
L’affaire commence le lundi 9 octobre. Le tribunal de première instance de Liège dit qu’en organisant le rapatriement des ressortissants soudanais, le secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations, Theo Francken a commis un acte illégal. Le mercredi 20 décembre, Charles Michel suspend les expulsions vers le Soudan suite à la publications de témoignages évoquant des tortures subies par les Soudanais rapatriés. Deux jours plus tard, face à l’indignation de l’opinion publique, Jan Jambon diligente une enquête auprès du CGRA. Le rapport final est remis le 9 février.
Que trouve-t-on dans ce rapport?
Le rapport de la CGRA avait pour but de mettre la lumière sur les présumées tortures et maltraitances subies par les ressortissants soudanais et d’établir un lien entre les textes légaux et la manière dont l’Etat belge a pu agir dans le cadre de ces cas d’expulsion. Ce rapport reprend donc l’article 3 de la CEDH qui interdit la torture, et qui précise que chaque Etat se doit d’effectuer un examen approfondi des risques encourus par les potentiels expatriés.
Le problème est que ce rapport comporte certaines contradictions. Le texte affirme qu’il n’y a aucune certitude dans le fait que les événements décrits dans les témoignages recueillis se soient réellement produits, tout comme il dit ne pas pouvoir prouver que ces témoignages sont faux. C’est pour cette raison que certaines institutions comme la Ligue des Droits de l’Homme ont remis en cause la fiabilité de ce rapport.
Que risquent les Soudanais expulsés?
En janvier 2016, Amnesty International a interviewé 12 soudanais renvoyés de Jordanie. Après leur arrivée à Khartoum, ils ont été arrêtés par des agents du service de renseignement et accusés de rébellion pour avoir sali la réputation du Soudan. Ils ont déclaré avoir été battus et torturés. Selon un extrait du rapport du CGRA il est “de notoriété publique que la situation des droits de l’homme est très problématique au Soudan”. Le pays est dirigé depuis presque 30 ans par le même homme: Omar Hassan el-Bechir, mis en accusation par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis durant la guerre du Darfour.
Etienne Donnet & Clément Dechamps
Crédits photos : flickr/Mario Salerno