Alda Gréoli s’est exprimée sur le plateau de RTL-TVI par rapport au problème de la pénurie de médecins généralistes. D’après la ministre wallonne, la solution ne se trouve pas dans la limitation des numéros INAMI pour les futurs médecins, mais bien dans la gestion concrète sur le terrain. Elle invite d’ailleurs, la responsable, Maggie de Block, à l’y rejoindre.
- « 144 communes sur 262 en Wallonie sont en pénurie de médecins généralistes. »
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- « Il est indispensable que Madame de Block s’attaque au vrai problème : une pénurie de médecins sur le territoire, et en particulier le territoire francophone. Donc tant qu’on restera avec des chiffres théoriques, tant que Madame de Block parlera de répartition de 60 % pour les sortants néerlandophones et 40% pour les sortants francophones, alors que le véritable besoin montre que la pyramide des âges n’est pas la même. Il y a donc plus de médecins qui sortent que de médecins qui rentrent. »
- “Un incitant financier entre 25.000 et 40.000 euros pour les médecins généralistes en fonction de la pénurie de la zone”
Pour y voir plus clair :
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Qu’est-ce que le numéro INAMI ?
Le numéro INAMI est au coeur de la passe d’armes entre la Ministre de la Santé Maggie de Block, et les autorités francophones. Concrètement, ce numéro est délivré individuellement à chaque médecin par l’Institut national de l’Assurance Maladie (INAMI).
Il intervient dans un contexte où “la formation spécialisée de 3 à 6 ans nécessite une sélection par les facultés de médecine conduisant à l’octroi d’un numéro INAMI spécifique à chaque formation spécialisée” précise Elie Cogan, membre de la Commission de planification de l’offre médicale et ancien doyen de la faculté de médecine de l’ULB.
Pour les patients, ce numéro leur permet de se faire rembourser par la sécurité sociale leurs consultations et prescriptions de médicaments. Si un médecin n’obtient pas le précieux sésame, cela ne l’empêche pas pour autant d’exercer, mais le risque est plus grand pour lui de n’avoir aucun patient.
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Pourquoi De Block veut-elle restreindre les numéros Inami en Wallonie ?
Maggie de Block s’est exprimée sur Matin Première en expliquant que selon elle, trop de médecins francophones sont formés. Elle souhaiterait donc restreindre d’autant plus la sélection avec la mise en place d’un second système en plus du concours déjà obtenu.
Il faut juste tenir votre parole et ne pas prendre les etudiants en otage @SanteBelgique https://t.co/yElI87SCnu
— Maggie De Block (@Maggie_DeBlock) 30 janvier 2019
Un des problèmes résiderait également dans le choix de spécialisation des étudiants francophones : “En Flandre, 40% des médecins ont été formés chaque année en généraliste, alors il y en a presque assez. Mais en Wallonie, par contre, on est à 23-27%. Ce n’est pas suffisant. »
Ces allégations de Maggie De Block sont réfutées par Jean-Claude Marcourt qui rétorque que “les derniers chiffres obtenus auprès des doyens de médecine confirment en effet que cette année, 46 % des médecins qui entamaient leur spécialisation se sont orientés vers la médecine générale.”
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Quel est le problème avec le filtre d’entrée des études de médecine en Wallonie ?
La ministre de la santé fustige le filtre d’entrée dans la partie francophone l’accusant de ne pas être assez efficace, et qu’il y ait bien plus de médecins formés côté wallon depuis vingt ans.
Ce verrou à la sortie est une aberration belge !
Entre 2014 et 2020, on estime à peu près 7000 le nombre de diplômés belges des facultés de médecine pour seulement 2830 numéros INAMI, ce qui pose un réel problème pour Elie Cogan : “n’importe quel filtre à l’entrée ne permet donc pas d’arriver exactement au nombre d’attestations disponibles. Ce verrou à la sortie est une aberration belge !”
Certains comme le journaliste Nicolas de Pape, du Journal du médecin sont contre un deuxième filtre à l’entrée mais privilégient “un filtre vraiment efficace au début, parce que vous imaginez : ils commencent leurs études et on leur dit non. Je crois qu’il faut avoir un filtre plus en raccord avec les quotas, les numéros distribués à la fin.”
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Quelles différences entre la Flandre et la Wallonie ?
Selon le journaliste Nicolas de Pape, il y a deux différences majeures : « Disons que tout d’abord la Flandre a mis en place un examen d’entrée depuis très longtemps, il y a presque 20 ans. Ils ont donc toujours été plus au moins raccords avec les quotas mis en place. »
A cela, s’ajoute, d’après lui, la formation des médecins généralistes qui sont formés en plus grand nombre en Flandre.
Malgré ces deux spécificités, la Flandre subit également la pénurie de médecin, seulement à l’inverse de la Wallonie : 150% des médecins Flamands sont remplacés contre 30% des médecins Wallons.
La situation wallonne s’aggrave également par l’arrivée des médecins étrangers. En effet, en 2015, 40% des numéros INAMI ont été distribués à des médecins diplômés de l’étranger. En 2016, il s’agissait de 36% alors qu’en Flandre cela culmine à 10%.
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Pénurie ou mauvaise répartition géographique ?
C’est un fait, les médecins généralistes ont déserté les zones rurales pour s’installer dans les villes. La Région Wallonie-Bruxelles avait tenté de prendre le taureau par les cornes en 2014, en proposant une prime financière pour les généralistes s’installant dans des zones de pénurie.
Une mesure qui demeure insuffisante selon Elie Cogan : “les incitants ne suffisent pas. Sans une loi d’installation contraignant les médecins à s’installer dans des zones bien déterminées on n’arrivera pas à répondre à la demande des zones désertées.” Le vrai problème pour le docteur Taes, médecin généraliste du service médicale de l’ULB, est que « les patients dans les zones rurales ne font pas confiance aux nouveaux arrivants. Ils restent attachés à leur généraliste habituel et, il reste de bénéficier de leur confiance.«
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La pénurie de généralistes risquent-elles d’augmenter à l’avenir ?
La Flandre ne veut pas payer pour la Wallonie.
La plupart des spécialistes demeurent pessimistes quant au futur des patients belges. Nicolas de Pape, rédacteur en chef du Journal du Médecin, pense que la solution au problème de répartition des généralistes dépend de la Flandre. « Les quotas peuvent changer chaque année, ils peuvent être ajustés, explique Nicolas de Pape, mais le problème est très politique. La Flandre ne veut pas payer pour la Wallonie. Les Wallons sont considérés comme des surconsommateurs. »
Selon une étude réalisée par l’Observatoire de la santé et du social, on a même calculé que d’ici dix ans, rien qu’à Bruxelles on aura besoin de 486 généralistes supplémentaires. Et en 2037, les besoins sont estimés à 835.
Pour en savoir plus :
- L’explication complète sur les numéros INAMI
- La problématique bruxelloise de la pénurie des médecins
- Sur la problématique des quotas francophones
Crédit photo : MARCO VERCH