Le porte-parole du PTB Raoul Hedebouw était l’invité de Matin Première le 25 février. Il y a défendu les idées économiques de son parti à l’aide de chiffres pas toujours clairs, décodage.
« La part des salaires dans la richesse produite en Belgique en 4ans de gouvernement Michel a diminué de 2,06 % »
Mais c’est un peu plus compliqué que ça…
L’étude du PTB dit vrai : en effet depuis 2014, la part des salaires au sein du PIB belge a bel et bien baissé de 2,06 %. Ce chiffre est calculé à partir de la base de données fournie par la Commission Européenne chargée des affaires financières et économiques.
Cependant, la phrase en elle-même prend uniquement à charge la période au pouvoir du gouvernement Michel. Raoul Hedebouw oublie donc de préciser que cette baisse s’inscrit dans une tendance générale qui dure depuis les années 80. Selon un rapport de l’OCDE, de 1990 à 2009, la part du travail avait déjà baissé de 1,96 %, et dans le secteur des entreprises cette baisse s’élevait à 5 %.
Néanmoins, la gouvernance de Charles Michel coïncide avec une accélération de ce phénomène, comme le démontre Bruno Bonraind, chercheur du GRESEA. Sur ce graphique on voit qu’entre 1980 et aujourd’hui, la part salariale du PIB belge a baissé de 6,4%. Néanmoins, il émet des réserves quant à l’utilisation de ces chiffres faite par le PTB qui « grossirait un peu les traits ».
« Une moyenne de 882 euros pour les pensions des femmes » et « 50% des femmes ont une pension en dessous de mille euros »
FAUX
Selon les chiffres de 2018 du Service Fédéral des Pensions de Belgique, la pension moyenne des femmes qui ont eu une carrière de salarié est de 922,28 euros.
De plus, ce sont un peu moins de 40% des femmes qui touchent une pension inférieure à mille euros et non 50%.
« Je vous rappelle quand même qu’il y a eu 12 milliards de dividendes pour les entreprises cotées en bourse, l’année passée. »
VRAI
En 2017, le chiffre d’affaires total des entreprises belges cotées en bourse a augmenté de 8%, pour atteindre 66,7 milliards d’euros. Il a donc été annoncé en mars 2018 que ces entreprises seraient en mesure de distribuer 12,5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Pour rappel, les dividendes sont une partie des bénéfices d’une entreprise cotée en bourse distribués aux actionnaires. On parle habituellement de dividende par action.
1. La baisse des parts salariales, à quoi c’est dû au fait ?
La part salariale est le rapport entre les rémunérations salariales sur l’ensemble des richesses créées. De ce fait, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte pour expliquer ce phénomène. Selon Bruno Bauraind, la cause principale est la modernisation de notre économie et le coût de maintenance des infrastructures. De plus en plus de machines remplacent des travailleurs, et donc de plus en plus de capital emprunte le même chemin. On observe une tendance globale vers la baisse dans les pays industrialisés depuis les années 80.
2. Une baisse de la part des salaires dans le PIB, ça veut dire une baisse des salaires?
Non. Comme l’indique la dénomination, c’est la part des richesses attribuées aux salaires qui baisse, pas le salaire en tant que tel. On voit clairement sur ce graphique que les salaires belges ne baissent pas. Au contraitre, ils augmentent. En revanche, on remarque que cette hausse est moins prononcée sous le gouvernement Michel.
3. D’où viennent ces chiffres sur les pensions?
Selon un membre du service d’études du PTB spécialisé dans les pensions, le parti utilise les données du Service fédéral des pensions de Belgique. Les données reprises lors de l’interview de Raoul Hedebouw sont uniquement celles de femmes salariées et l’année n’a pas pu être précisée. Cependant, en vérifiant ces données à partir du rapport de 2018 du SFP, on peut remarquer que Raoul Hedebouw grossit ou réduit les chiffres en fonction de l’effet voulu. Les mêmes conclusions peuvent se faire pour les données de 2017. La pension moyenne des femmes salariées en 2018 est en réalité plus élevée de 40,28 euros que le montant annoncé par la porte-parole du PTB.
Le pourcentage de femmes obtenant une pension en dessous de mille euros est lui aussi exagéré.
Source : SFP
L’expert a toutefois tenu à nuancer les propos du porte-parole et indique qu’il faut plutôt parler d’une pension inférieure à 1200 euros pour 50% des hommes et femmes. Ce qui s’avère être juste.
Il faut également ajouter à cela que de nombreuses parties du discours de Raoul Hedebouw sur les pensions sont difficilement quantifiables et clairement subjectives.
4. Une mesure en faveur de l’égalité homme/femme ?
Dans son discours, Raoul Hedebouw dit proposer une solution en faveur de l’égalité du droit des femmes. La solution proposée consiste à diminuer de 5 ans la carrière pour obtenir une pension maximale (aujourd’hui de 45 ans). Cette mesure permettrait à un plus grand nombre de femmes de toucher la pension maximale. Néanmoins, Raoul Hedebouw précise que cette mesure concernerait les femmes mais également les hommes. Bien que positive pour les futurs pensionnés, cette mesure ne changerait en aucun cas le fait que les femmes reçoivent une pension plus faible que les hommes. Sous couvert d’un combat féministe, le PTB propose en fait une mesure sociale. Pas de changement concernant l’égalité homme/femme en vue donc.
5. La Belgique est un des pays d’Europe où les dividendes par action sont les plus élevés. Cela peut-il avoir des retombées positives sur l’économie belge ?
Tout dépend de la posture idéologique que l’on adopte. Les dividendes belges sont taxés par l’Etat à hauteur de 30% depuis 2017. Selon certains c’est trop, pour d’autres ce n’est pas suffisant. Les libéraux défendent le principe du « ruissellement ». Selon eux, les revenus des individus les plus riches seront naturellement réinjectés dans l’économie via leur consommation ou leurs investissements. Il ne faudrait donc pas trop taxer ces hauts revenus. Ronald Reagan, Margaret Thatcher et plus récemment Emmanuel Macron ont défendu cette politique économique. Selon Romain Gelin, économiste au Gresea (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative), malgré l’augmentation des profits pour les actionnaires, on assiste à une baisse importante des investissements. Un manque à gagner de plusieurs milliards qui pourraient être utilisés pour financer, notamment, la transition écologique.
6. Qui décide du montant des dividendes octroyés par une entreprise à ses actionnaires ?
Le conseil d’administration de l’entreprise. Aucune loi ne régit ce mécanisme. Il n’est donc pas obligatoire pour une entreprise de rémunérer ses actionnaires. Le montant octroyé va dépendre de la santé économique de l’entreprise. Si la société souhaite réaliser de gros investissements ou est déficitaire, il est fort probable que les dividendes seront faibles.
Source: L’Echo