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Le nucléaire est-il toujours d’actualité ?

Publié le 15-03-2018 par

Sortir du nucléaire coûterait trop cher ? À l’heure où la santé de la planète inquiète les écolos et laisse les scientifiques sceptiques, les gouvernements européens discutent de la question du combustible nucléaire qui génère des coûts de gestion à plusieurs zéros.

Le nucléaire est-il une énergie du passé ? C’est ce que semble affirmer les prises de positions de nombreux États membre de l’Union Européenne. Alors que la Belgique a voté la sortie du nucléaire pour 2025, l’Allemagne pour 2022, et que la Suède table sur 100% d’énergie renouvelable d’ici à 2030, la situation actuelle semble dresser un portrait tout autre : celui d’une Europe majoritairement dépendante du nucléaire et des énergies fossiles.

“Ce montant est en nette augmentation par rapport à l’estimation d’il y a cinq ans. L’Ondraf parlait à l’époque de 12,1 milliards. En quatre éditions de l’inventaire, le coût calculé par l’Ondraf n’a d’ailleurs jamais cessé de grimper…”

Un article de Xavier Counasse du Soir affirmait lundi soir que le budget estimé par l’ONDRAF pour gérer l’après nucléaire est en perpétuelle augmentation.

FACT CHECK

Une augmentation qui est tout à fait normale et logique selon Iveline Hoost de l’ONDRAF (l’organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies.)

L’ONDRAF a pour tâche d’effectuer un suivi de la production de déchets radioactifs produits par des activités nucléaires dans les centrales nucléaires, mais également dans les hôpitaux et dans le domaine de l’agriculture.

Depuis la dernière estimation des coûts en 2012, il y a une augmentation normale si l’on prend en compte le fait que le volume de déchets radioactifs s’accumule aussi. Tant que les centrales nucléaires tourneront, les estimations de budget quant à la gestion des déchets ne risquent pas d’aller en décroissant.

Nucléaire en Belgique by a.lupianez

 

Alors l’Union européenne force-t-elle cette sortie du nucléaire ? Les prérogatives annoncées sont-elles contraignantes pour les États membres ?

FAUX

L’UE ne possède actuellement pas de politique énergétique commune et aucune mesure contraignante n’a été votée. La ligne de conduite actuelle est clairement en faveur d’une sortie du nucléaire, les États membres tendent à se tourner vers des énergies renouvelables.

En 2015, avait lieu la Conférence de Paris sur le climat (COP21). Les 195 pays participants sont parvenus à un accord commun et juridiquement contraignant. L’objectif, limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici à 2100. L’un des moyens pour y parvenir, réduire l’utilisation des combustibles fossiles tels que le charbon, le gaz et le pétrole. Cependant, aucune disposition vis-à-vis du nucléaire.

 

VRAI & FAUX

L’idée est répandue que l’énergie nucléaire est la moins chère sur le marché. Un constat plutôt faux selon Thierry Bréchet, professeur d’économie de l’environnement à l’Université catholique de Louvain. Pour lui il est important de noter qu’il existe trois types de coûts différents : le coût privé, les coûts externes et le coût social.

Le coût privé est celui que l’on retrouve sur sa facture chaque mois. Dans ce cadre-là, l’énergie nucléaire est la moins onéreuse. Les centrales ont été construites il y a plusieurs dizaines d’années et l’investissement de départ a donc déjà été amorti. Si l’énergie nucléaire est bien la moins chère au niveau de son coût de fonctionnement, c’est en revanche loin d’être le cas au niveau de ses coûts externes et sociétaux.

Les coûts externes correspondent à tous les coûts qu’une activité induit au détriment d’une autre activité ou d’un autre milieu, et ce sans être compensés ou pris en charge par ceux qui les engendrent. Il s’agit entre autres de la pollution que l’énergie nucléaire produit, ainsi que le coût des accidents potentiels. Mais ce coût du risque est très compliqué à estimer du point de vue monétaire. Tous les pays, qu’ils aient ou non choisi d’utiliser l’énergie nucléaire, doivent payer un certain montant pour se préparer à un accident nucléaire grave.

Le coût social est la somme du coût de fonctionnement et des coûts externes. Il revient à l’ensemble des coûts supportés par les agents, qu’ils utilisent ou non le produit. Si l’évaluation de ce coût social reste très controversée et change selon les perspectives, pour Thierry Bréchet il est certain que l’énergie nucléaire est loin d’être la moins coûteuse lorsque l’on procède à la balance des avantages et des inconvénients qu’elle apporte.

  • La place du nucléaire en Europe, quelle dépendance ?

En 1957, aux prémices de l’Union européenne, la Communauté européenne pour l’énergie atomique (Euratom) voyait le jour. Entré en vigueur l’année suivante, l’Euratom, a pour objectif de favoriser la coopération entre les six états fondateurs en matière de nucléaire civil. En 2016, près de soixante ans plus tard, le nucléaire représente une part non négligeable de la production énergétique européenne globale avec 27,8%.

Cette même année, se sont 796 000 gigawattheures d’énergie nucléaire qui ont été produits. A noter que ce chiffre est en baisse depuis six ans et se trouve être le plus bas depuis 1995.

Alors comment expliquer cette baisse de production ? Une prise de conscience semble s’être emparée des États membres suite à l’incident de Fukushima en 2011.

En outre le nucléaire, le reste de la production énergétique est principalement basée sur les énergies fossiles, à savoir le gaz naturel et le pétrole. Des ressources peu présentent sur le sol européen et qui doivent par conséquent être importés, de Russie et du Moyen-Orient notamment. Résultat, en plus d’être fortement liés au nucléaire, les pays membres se trouvent être tributaires de ses fournisseurs.

L’absence de politique commune en matière d’énergie semble rendre la volonté d’indépendance énergétique illusoire, tout du moins pour le moment.

Nucléaire en Europe by a.lupianez

  • Quels sont les dangers du nucléaire ?

Si le nucléaire permet une autonomie des pays en matière de provision d’énergie, il est loin d’être sans inconvénients, et surtout sans danger. En cas d’accident nucléaire, les sols sont pollués pour des milliers d’années, et la zone autour de la centrale devient inhabitable sur plusieurs kilomètres pour l’Homme. Cela peut provoquer des cancers et autres maladies, ainsi que faire peser un risque sur les générations futures.

Au-delà du risque d’accident, le nucléaire est également très polluant car il génère des déchets qui restent radioactifs pendant des millénaires. De plus, les réacteurs demandent une très grande consommation en eau car ils ont besoin d’être refroidis en permanence.


  • Quelles sont les alternatives à la production nucléaire d’énergie ?

Les énergies renouvelables ou propres font déjà partie du paysage énergétique européen. Produites par des ressources naturelles, elles ont l’avantage d’engendrer très peu ou pas du tout de pollution. De plus, ce sont des énergies inépuisables. Concrètement, il y a déjà plusieurs systèmes exploités, comme par exemple:

  • les éoliennes qui produisent de l’électricité grâce au vent
  • l’énergie solaire pour produire de l’électricité ou de la chaleur
  • la biomasse, et plus précisément le biogaz qui est produit à partir des déchets organiques de l’industrie alimentaire, de l’agriculture et du bétail
  • les énergies hydrauliques fournies par le mouvement de l’eau
  • la géothermie, énergie de la Terre changée en chaleur

Le 23 octobre 2014, les 28 pays de l’Union européenne ont conclu un accord sur le “Paquet Énergie-Climat 2030”. Celui-ci propose d’arriver à produire 27% de la consommation finale d’énergie européenne grâce aux énergies renouvelables.

Pour aller plus loin

Laetizia Barreto, Caroline Jeannenot, Andréa Lupianez

Crédit photo : Flickr/Roger Gerbig

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