Pour attirer plus de jeunes, la "galaxie d'extrême-doite" adapte son contenu en ligne

Par Pol Lecointe

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de journalisme collaboratif piloté par le DESS en journalisme de l'Université de Montréal et le master en journalisme de l'Université Libre de Bruxelles.


Sur les réseaux sociaux, l’extrême droite se mobilise pour attirer les jeunes. Pour les toucher, elle adopte les codes des plateformes : influenceurs d’extrême droite, communautés en ligne, usage des "memes", … Exploration de la "galaxie d'extrême-doite".

53% des Belges entre 18 et 24 ans utilisent les réseaux sociaux comme source principale d’information, selon le Reuters Digital News Report 2023. Facebook (34%), Instagram (40%) et TikTok (25%) arrivent en tête des plateformes les plus plébiscitées. Ces plateformes incarnent l’espace public principal de cette génération, avec les codes et les usages qui lui sont propres.

Pour toucher cette jeunesse, l’extrême droite n’hésite pas à s’approprier ses codes. En Flandre, le mouvement de jeunesse Schield & Vrienden s’est d’abord fait connaître sur Facebook, où il partageait des vidéos et des memes humoristiques qui vantaient les idéaux de l’extrême droite. Il est présidé depuis sa fondation en 2017 par Dries Van Langenhove, condamné en mars 2024 à un an de prison ferme pour violation de la loi sur le racisme. "Il y a une sorte de travail sur l’humour, la transgression, l’usage des memes, qui sort vraiment de la communication politique", analyse Nicolas Baygert, docteur en information et communication à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, chargé de cours à l’IHECS et maître de conférence à l’Université Libre de Bruxelles. En Wallonie aussi, l’extrême droite refait surface sur des réseaux comme TikTok, où elle adapte son discours pour coller au jargon des plus jeunes.

Si le discours mobilisé par l’extrême droite sur les réseaux sociaux traduit une envie de toucher la jeunesse, son succès ne s’explique pas uniquement par la forme qu’elle adopte. Benjamin Biard, chercheur au CRISP sur les questions de démocratie et partis politiques pointe le caractère populiste de la communication de l’extrême droite : "Ces discours peuvent être perméables auprès d’un électorat plus jeune, moins informés des particularités du système politique". Qu’il soit lié à la forme ou au contenu, le succès de l’extrême droite belge en ligne est observable. Sur Facebook, elle est en tête des pages politiques les plus suivies.


Méthode :

Les données proviennent des pages officiels des partis concernés. Elles comprennent les pages générales des partis ainsi que les pages personnelles des représentants principaux. Les chiffres annoncés représentent l’état des pages en décembre 2023.

 

"Galaxie d’extrême droite"

En plus de la forme du discours qui s’adapte aux usages des jeunes sur les réseaux, l’extrême droite se crée une communauté d’acteurs sur le net issus de domaines différents : humour, politique, divertissement, etc. Ces acteurs interagissent les uns avec les autres pour créer du contenu. Benjamin Biard parle ainsi d’une "galaxie d’extrême droite". Elle englobe non seulement les partis, mais aussi les mouvements politiques à l’instar de Schield & Vrienden et certains "influenceurs" d’extrême droite comme Dries Van Langenhove. En 2023, Benjamin Biard a publié une recherche sur un parti d’extrême droite qui tente de s’installer en Wallonie. "On remarque que beaucoup de jeunes qui se sont investis dans le parti en ont d’abord entendu parler sur les réseaux sociaux, par des influenceurs de cette ‘galaxie’, comme Thaïs d’Escuffon [une militante politique française qui soutient Eric Zemmour, nldr]." Ce même parti a été parrainé par le Vlaams Belang et le Rassemblement National en France, montrant une volonté de créer un réseau qui dépasse les frontières.

"Il y a une nébuleuse d’acteurs, influenceurs, intellectuels, humoristes, Youtubers, coachs de vie, etc. qui sont dans une logique de cooptation et de lien. Tous ces gens s’invitent les uns les autres et constituent une sorte de communauté de pensée qui dépasse largement les frontières", confirme Nicolas Baygert. Les partis se rapprochent ensuite de ces acteurs pour récupérer leur communauté. Avant son procès, Dries Van Langenhove était député à la Chambre des représentants au sein du groupe du Vlaams Belang. "On fonctionne par intermédiaire", conclut le docteur en information et communication.

Comment limiter le poids de ces communautés ? Quelques initiatives existent. En Wallonie, l’InforJeunes développe des contenus sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les jeunes à la politique. Le contenu est adapté à leurs usages et adopte les codes et références qu’ils utilisent. A l’échelle européenne, certaines personnalités comme Kaja Kallas, Première ministre estonienne, sensibilisent les personnalités politiques de l’Union Européenne à adopter le jargon des jeunes générations pour qu’ils se sentent intégrés dans les décisions politiques.



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