Élections européennes : entre immobilisme politique et protection des électeurs

Le Parlement européen s’est exprimé : les listes transnationales aux élections européennes, c’est NON ! Choix pour le citoyen ou calcul politique ? Analyse des propos de deux eurodéputés.

Lors de son discours à la Sorbonne en septembre 2017, Emmanuel Macron s’était adressé à l’assemblée de parlementaires rassemblée devant lui : La solution au Brexit sera « […] une liste transnationale où l’on vote pour les mêmes parlementaires européens, partout en Europe! Chiche! » Six mois plus tard, le Parlement européen refuse l’idée. L’argument principal : cette complication n’aurait qu’éloigné les citoyens des instances européennes.

Pour / contre listes transn
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1.Franck PROUST, eurodéputé français et président du Parti Populaire Européen (PPE), s’estime ravi que la proposition des listes transnationales ait été balayée par le Parlement : « elles […] auraient été un gadget […] injuste et inapplicable. »

  • Injuste ?

On ignore comment les listes transnationales auraient été composées. Les critères d’adhésion n’ont pas été dévoilés. L’entourage de M.Proust insiste : « Comment savoir qui mettre en premier sur la liste ? Un Allemand? Un Français ? Un Hongrois ? Sous quelle(s) justification(s)? Les différences sont inévitables! » Une inconnue soulevée aussi par Hélène Decottigny, présidente de l’association Eyes on Europe « Comment un Roumain pourrait-il prendre des décisions concernant le territoire français alors qu’il ne partage pas le même terreau politique ou économique ? Et réciproquement? »

Une absence de représentation rimerait effectivement avec absence de considération des spécificités du pays concerné. Et donc, avec injustice.

  • Inapplicable ?

C’est inapplicable les prochaines échéances européennes en 2019. Les systèmes d’accès au vote sont trop différents en Europe pour les harmoniser aussi rapidement (systèmes majoritaires/proportionnels, âge de vote oscillant de 18 ans à 21 ans, etc). Il faut « réviser l’acte européen« , comme le souligne un.e proche de M.Proust. En clair, uniformiser les conditions d’accès au droit de vote au sein de l’Europe.

Mais le consensus n’est pas hors de portée sur le long terme.

2.Guy VERHOFSTADT, l’élu belge qui chapeaute l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, laisse transparaître son agacement. Lors de son intervention au Parlement, il qualifiait les listes nationales « de nécessaires en tant que processus démocratique. »

Actuellement, le Parlement européen fonctionne sur base du Spitzenkandidät (le chef de file). Chaque parti choisi son « super candidat », et le champion dont l’organisation politique aura récolté le plus de suffrages sera placé à la tête de l’exécutif. Mais la désignation de ce « super champion » se fait en interne.

La création de listes transnationales permettra aux citoyens de décider de l’identité du Spitzenkandidät, et donc du président de l’exécutif, suite à un vote en deux temps (national et transnational). Toutefois, ce double choix risque de minimiser l’engagement des électeurs lors d’élections européennes au taux de participation en chute constante. Et d’altérer le processus démocratique suite à une participation dérisoire.

Décodage

Les listes transnationales étaient-elles un « tremplin » pour les partis extrémistes ?

Non. Comme l’explique Mme.Decottigny, « le terreau électoral des partis extrémistes ne change pas », même si on leur offre une occasion de présentation électorale supplémentaire. Par contre « la complexification des élections européennes risque d’éloigner le citoyen, et de susciter un sentiment d’europhobie. » En effet, plus l’électeur se sentira loin de ses élus européens et aux décisions prises par ceux-ci, moins il adhérera au projet européen dans son ensemble.

Existe-t-il une autre alternative paneuropéenne aux listes transnationales ?

Oui, une division en région au sein du territoire européen. « Ce fonctionnement est déjà d’application en Europe pour l’écologie », selon Mme.Decottigny. Elle émet aussi une idée : la création de partis communs à l’ensemble du territoire européens, mais présentant des élus locaux, propres à chaque pays.

Que deviendront les sièges des eurodéputés anglais à la suite du Brexit ?

Les sièges libérés seront répartis équitablement entre les pays, sur base du poids démographique de ces derniers, pour conserver une équité entre les « grands » et les « petits » états. Le nombre total de sièges disponibles passera de 705 à 751, et aucun pays ne pourra être pénalisé en se voyant retirer un siège par rapport au nombre dont il dispose actuellement.

Combien d’eurodéputés composeront la prochaine législature ?

NOMBRE DES REPRESENTANTS au PARLEMENT EUROPEEN
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DELPATURE Inès et MEGNA Elisa
Crédit photo : Flickr/MPD01605