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8 mars 2021 : « Femmes fières, vénères et révolutionnaires ! »

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8 mars 2021 : « Femmes fières, vénères et révolutionnaires ! »

8 mars 2021 : « Femmes fières, vénères et révolutionnaires ! »

Publié le 09-04-2021 par , , et

C’est quoi un.e défenseur.e de la lutte des droits de la femme au 21e siècle ? Tentative de réponse en quatre actes.

C’est sur le campus du Solbosch à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), en face du bâtiment F, que des militant.es se réunissent pour parler de leurs revendications.

Très vite, les personnes sur place sont invitées à s’exprimer si elles le souhaitent. Après quelques instants d’hésitation, une première femme s’avance. C’est une chercheuse en médecine du campus d’Erasme. Elle explique la peur des femmes de dénoncer certains abus et violences sexuelles : «Ouvrir sa gueule, ça veut dire s’exposer, attirer l’attention sur nous… Pleins de gens ont peur de parler».

S’ensuit la prise de parole de nombreuses femmes, qui à leur tour se livrent. Pendant plus de deux heures, le mégaphone passe de main en main. Les femmes revendiquent des changements comme «l’accès à des protections hygiéniques gratuites dans tout le campus». D’autres témoignent des abus, des violences et ou des viols qu’elles ont subis. Nombreuses sont celles qui dénoncent le silence de la justice face à leurs plaintes. Toutes ont le même message : «Il y en a marre.»

J’ai la haine des hommes.

Dans la foulée, une jeune femme aux cheveux courts et frisés prend la parole et raconte que depuis le 19 septembre 2020, date à laquelle elle s’est coupé les cheveux, elle ne subit plus d’interpellations dans la rue. «C’est ça la solution, couper nos cheveux ?», demande-t-elle.

Des violences rencontrées dans la rue, à l’université, mais aussi sur le lieu de travail. Une participante parle de son précédent emploi. Elle se faisait harceler par son patron. Un jour, il lui a fait une remarque sur sa tenue en lui disant: «Ça donne envie d’avoir des relations sexuelles.» Elle décide, alors, d’aller porter plainte. Un policier la reçoit et décide d’appeler son employeur afin de récupérer son témoignage. Il aurait nié les faits et décidé de la poursuivre en justice pour diffamation. Depuis ce jour, cette dernière explique être sujette à de nombreuses crises d’angoisse et peine à retravailler, de peur que cette situation se reproduise.

Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes : une origine qui fait débat

L’origine exacte de cette date est incertaine. En revanche ce qui est sûr, c’est que c’était un jour festif célébré en URSS depuis la Révolution de 1917. Une autre hypothèse historique a primé pendant un certain temps. Elle situait l’origine du 8 mars en 1857 à New York avec une manifestation de couturières. Cette thèse est réfutée par l’historienne Françoise Picq qui dénonçait ce «mythe» dans les années 70. Selon elle, cet événement n’a en fait jamais eu lieu, car aucune archive ne le mentionne. Dès lors, elle situe l’origine de cette journée en 1910, lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague. La militante féministe allemande Clara Zetkin avait alors eu l’idée d’une journée pour mobiliser les femmes pour leurs droits. Bien que la date du 8 mars n’est pas encore établie. Cette journée sera reprise et instaurée officiellement le 8 mars par les communistes russes à partir de 1917.

Le Cercle Féministe de l’ULB

Zoé, Ava, Giula, Hélène, membres du Cercle Féministe de l’ULB. © Jean Bensana

14h30. Les prises de paroles prennent fin. Sur un banc,  Zoé, Hélène et Ava discutent du déroulement de la journée. Elles sont membres actives du Cercle Féministe de l’ULB. Léa, une étudiante qui souhaite rejoindre le cercle, s’installe avec elles.

Ce cercle regroupe «35 membres mais 12 réellement actives», dit Zoé qui a rejoint le mouvement il y a deux ans. «La mobilisation a commencé à 8 heures ce matin, on organise cette semaine de lutte avec les Malfrap, un autre cercle féministe ». Le Cercle Féministe de l’ULB est ouvert à différentes opinions féministes, tout en mettant en avant la non-discrimination : pas d’homophobie, de racisme, de transphobie. Le cercle adopte une politique de non-mixité choisie : pas d’homme cisgenre.

Il faut se réapproprier le 8 mars.

Ces jeunes militantes dénoncent l’aspect commercial qu’a pris, selon elles, cette date historique pour les droits des femmes. «Le 8 mars est important, mais il faut que tout le reste de l’année soit également un “8 mars”.» Le cercle profite de cette date pour marquer le coup. Depuis le début de la pandémie, les actions ont nettement diminué. Ce rassemblement d’un jour leur permet de revendiquer des mesures contre les discriminations quotidiennes à l’ULB, des conditions d’apprentissage égalitaires, la fin de la précarité étudiante et des mesures contre le renforcement des inégalités dues au Covid.

Cette grève du 8 mars est organisée en soutien des travailleuses qui sont forcées d’être sur le campus en pleine pandémie : «C’est notamment pour les femmes de ménage qui sont obligées d’être là.»

«À vous écouter parler, ça donne encore plus envie de vous rejoindre», sourit Léa qui se tient debout à côté du groupe. Ça fait du bien de voir qu’il se passe des choses à l’université.»

 

Anne Morelli s’est battue pour les femmes dans l’histoire. © Jean Bensana

Anne Morelli, historienne à l’ULB

Anne Morelli est historienne et professeure à l’ULB. Féministe assumée, elle s’est battue durant sa carrière pour mettre plus en avant les femmes qui ont fait l’Histoire. L’historienne voit des similitudes entre le militantisme féministe actuel et l’idéologie féministe des années 1970-1980, avec un point d’honneur mis sur l’intersectionnalité.

Cependant, des différences existent entre les deux époques. Le militantisme aurait profondément changé, «pas forcément en bien», commente Anne Morelli. Tout d’abord, certaines associations radicales mettent en avant une suprématie féminine, ce qui entacherait la cause. Une prise de position qui lui a valu des critiques, notamment lors de la signature d’une tribune contre le mouvement «MeToo».

Une vision différente du féminisme

La vision des jeunes féministes interrogées lors du 8 mars 2021 serait bien différente de la sienne. Une question de génération et de culture, dépendant des lieux et des époques, selon Anne Morelli. L’historienne met en exergue la complexité pour un homme d’être féministe : «Être un homme féministe, c’est militer contre ses propres privilèges. C’était plus confortable pour les hommes de vivre dans les années 1950, ils n’avaient besoin de rien faire à la maison par exemple.»

En ce qui concerne l’avenir du mouvement, la professeure craint un retour en arrière comme c’est le cas en Pologne avec l’interdiction de l’IVG. 

 

 

 

14 h, Maison de Quartier d'Anneessens : briser la solitude
Résultat d'un atelier consacré aux droits des femmes au sein de la Maison de Quartier d'Anneessens. © Lucas Piron

La lutte pour les droits des femmes ne se joue pas seulement dans la rue. En plein cœur de Bruxelles, derrière une porte cachée par des travaux, elles sont quatre à travailler quotidiennement à l’intégration des Bruxelloises d’origine étrangère. Au bout d’un petit escalier en béton, les visiteuses découvrent une grande salle vitrée où le personnel de la Maison de Quartier (MDQ) d’Anneessens organise ses ateliers.

En partenariat avec les MDQ du Midi et de Soignies, l’équipe d’Annessens a mis en place un programme d’activités durant cette semaine consacrée aux droits des femmes. Les employées ont animé des ateliers de pâtisserie, de couture, de création de bijoux et de pin’s. Une manière de mettre à l’honneur le savoir-faire des participantes. Les réalisations ont été offertes au home Victor du Pré qui accueille des femmes battues.

Mais plus que simplement occuper les habituées, les animatrices des MDQ essaient de les inspirer. Plusieurs débats et témoignages sur le thème des inégalités rencontrées par les femmes dans le milieu professionnel étaient organisés. Un seul mot d’ordre : «Si vous avez une idée, lancez-vous !» Et l’équipe de la MDQ est là pour les aider dans leurs démarches. Tout est mis en place pour émanciper celles qui poussent la porte du lieu : rendez-vous avec une assistante sociale ou une juriste, cours de français et coaching sur la confiance en soi.

Une question de confiance

Marie travaille depuis un an et demi à la Maison de Quartier d’Anneessens. Elle a toujours eu la volonté d’intégrer une structure qui aide les femmes. Avant d’être embauchée, elle a réalisé un stage à la MDQ. Une expérience qui l’a confortée dans son choix.

Dans sa fonction, Marie apprécie particulièrement de pouvoir changer de casque et le contact social.

C’est comme une famille. On a tous confiance et on grandit ensemble.

Marie, assistante sociale dans la MDQ d’Anneessens. © Lucas Piron

 

Chaque jour, Marie s’efforce de construire une relation de confiance avec les femmes qui fréquentent la MDQ. La possibilité de les voir évoluer est ce qui la motive le plus. «Au début, certaines femmes sont timides et restent en retrait, explique la Bruxelloise. Elles viennent, mais forment de petits groupes en fonction de leur langue maternelle. Cependant, au fur et à mesure des semaines, les groupes se mélangent. Elles partagent, alors, beaucoup de choses autour de tables de conversation : expériences, recettes ou de simples anecdotes.»

Avec le reste de l’équipe, elle parvient aussi à faire évoluer les mentalités. Parfois, certains hommes refusent, dans un premier temps, que leur femme participe à des activités, comme les excursions. Mais la situation change souvent. «Elles savent qu’elles sont bien encadrées ici. Encore une fois, c’est une question de confiance.»

 

Le 8 mars 2021 dans les médias

15 h 45, Gare Centrale et Mont des Arts : Emy passe à l'action
Des militantes se battent pour leurs droits devant la Gare Centrale. © Jean Bensana

Le rassemblement sur le parvis de la Gare Centrale débute un peu avant 16 heures. Des membres d’un syndicat entament des chants militants. Parmi les brouhahas et l’agitation, des rumeurs se répandent «Ça va bientôt être le moment du haka !». Effectivement, des femmes débutent un «haka féministe». Reprenant le célèbre rythme et en remplaçant les paroles par des revendications : «Respect», «Les travailleuses sont mal payées». Une manière originale et percutante de se faire entendre.

Des stands se mettent, également, en place : syndicats, partis politiques, associations militantes… Ici, le mot d’ordre est clair : l’intersectionnalité. Terme qui signifie l’unification des différentes causes sociales sous une même lutte. Les organisations présentes souhaitent unir deux combats : le féminisme et l’anticapitalisme.

Haka féministe à la Gare Centrale. © Jean Bensana

Parmi ces diverses organisations, en pleine effervescence, il y a the Rosa campaign. Rosa pour Resistance against oppression sexism and austerity, ou résistance contre l’oppression le sexisme et l’austérité. Cette organisation irlandaise s’est fait connaitre par sa grande contribution dans la campagne qui a entraîné la légalisation de l’avortement en Irlande.

Anja Deschoemacker, porte-parole de Rosa Campaign. © Jean Bensana

Dans l’agitation générale, une personne se distingue dans le stand de Rosa. Elle se nomme Anja Deschoemacker et c’est elle qui mène la barre. Une féministe flamande d’une quarantaine d’années, militante de longue date. Son engagement a, d’abord, été politique, ancré à gauche, contre le capitalisme. Il s’est alors très rapidement prolongé au féminisme pendant les années 90. Son idée étant que le féminisme est incompatible avec le capitalisme, et ne pourra jamais se développer en son sein. Un principe essentiel qu’Anja a retrouvé dans l’association Rosa, dont elle a co-fondé l’antenne belge en 2017, avec l’envie de démarrer une «campagne d’action». Lassée des longs débats, elle insiste aussi sur le besoin de «montrer les choses», via des actions concrètes.

Pour ce qui est du 8 mars, Anja se remémore, avec nostalgie, l’année passée : «Nous avions fait une manifestation de 10.000 personnes !». Un événement d’une telle ampleur étant impossible cette année, les différentes organisations militantes se sont concertées pour se disperser dans différents lieux de la capitale. Dans l’impossibilité d’une manifestation itinérante, des discours et des performances ont été prévus. Mais Anja prédit au moins le double de participants pour la prochaine édition post-Covid.

Le 8 mars est le rendez-vous immanquable pour Anja, celui dans lequel elle s’implique le plus chaque année. L’aspect «antisystème» de cet événement est le plus important à ses yeux. C’est pourquoi elle se révolte face aux récupérations «des libéraux et des gouvernants» de cette journée symbolique. Elle fustige notamment les discours du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) ou de la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen, dont elle dénonce l’hypocrisie.

L’édition de cette année est primordiale, après cette année marquée par une épidémie difficile pour de nombreuses femmes, faisant parfois même reculer leurs droits. Il était donc extrêmement important pour les femmes, de montrer leur présence dans la rue, malgré les restrictions.

Enfin, elle se dit absolument confiante dans la nouvelle génération militante: «Les jeunes vont changer les choses.» Elle considère même que cette génération est la plus radicale depuis celle des années 60, «Une très bonne chose !» Elle a constaté une présence massive des femmes dans divers soulèvements à travers le monde. Des soulèvements dont elle ne doute pas de la reprise, une fois la pandémie passée.

 

Emy passe à l’action au Mont des Arts

Emy, manifestante du mont des arts

Emy dévoile son visage maquillé. © Jean Bensana

Il est 16 heures à Bruxelles. Au Mont des Arts, sous la statue d’Albert 1er, Emy et ses amies, toutes vêtues de noir, chantent à tue-tête face aux caméras le slogan : «Femmes fières, vénères et révolutionnaires !» Que la foule reprend en chœur.

Partager ses expériences sans tabou…

«C’est notre journée», déclare fièrement Emy, jeune femme trans d’une vingtaine d’années. Quand elle se présente, elle met les points sur les i : «Moi c’est Emy, pronom : elle.» Trans, travailleuses du sexes, ex-cisgenres…, équipées de pancartes, d’uniformes noirs, maquillés sur le front de symboles transgenres et androgynes, l’équipe de militantes s’agite contre le patriarcat. Un système qu’elles jugent rabaissant pour les femmes et trop présent dans notre société.

Toutes ont partagé en masse sur les réseaux sociaux l’heure et le lieu du rassemblement. Le choix du Mont des Arts n’est pas anodin. Avec le passage, leur objectif est de rameuter du monde, de se faire entendre, faire réfléchir la foule pour avoir un réel impact. Elles dénoncent les nouvelles problématiques féminines apparues depuis un an et le début de la crise sanitaire. Les jeunes femmes se disent porte-paroles de celles qui subissent le harcèlement de rue et ont peur de rentrer chez elles. Le phénomène aurait pris de l’ampleur, déclare Emy : «Avec le Covid, le soir, c’est encore pire. On est toutes seules. Il n’y a plus de magasins pour se réfugier en cas de problèmes. Tout est fermé, il n’y a plus personne dehors.» En période de pandémie, les urgences médicales ou obstétricales seraient aussi problématiques, elle dénonce : «Les femmes sont moins prises au sérieux dans les hôpitaux à cause des débordements qu’ont engendré le Covid-19.»

…et faire avancer la lutte

Depuis qu’elle a arrêté ses études l’an dernier à cause des cours en distanciel, Emy s’implique à temps plein dans le militantisme féministe : «Il n’y a pas que le 8 mars qu’on vient réclamer nos droits.» Toute l’année, elle participe à des discussions organisées par des étudiantes qui subissent le simple fait d’être une femme.

En 2020, à cause des restrictions sanitaires, elle a surtout assisté à des discussions féministes sur les réseaux sociaux avec des gens de son âge, ou elle partageait des débats qui n’allaient pas plus loin que son cercle d’amis. Raison de plus pour «taper fort» quand il est possible de se rassembler. Le 13 février, à Saint-Gilles, elle faisait partie de la vingtaine de personnes arrêtées par les forces de l’ordre lors de la manifestation Reclaim The Night organisée par le réseau Feminists Fight Back. Les manifestants dénonçaient l’augmentation des violences conjugales et intrafamiliales des filles et des jeunes LGBTQI+ en période de confinement/couvre-feu. Quand Emy se remémore la dernière grande marche de lutte en faveur des droits des femmes de l’an passé, elle est un peu déçue de ne pouvoir qu’animer une performance statique aujourd’hui.

Malgré les mesures sanitaires, la jeune femme se réjouit que de nombreux rassemblements aient lieu à Bruxelles ce 8 mars pour défendre les droits des femmes. Elle apprécie, surtout, la jeunesse des militantes. Pour se rendre au rassemblement, son groupe a pris le bus et a fait la rencontre d’une mère et de son petit garçon, qui était déjà sensibilisé à la symbolique de la journée du 8 mars. Emy se confie :

C’est bien que l’on soit politisé de plus en plus jeune.Tout le monde a sa place dans la lutte, sinon ça n’a pas de sens.

18 h, place du Luxembourg : Merce appelle aux grèves reproductives
Violeur impuni, justice coupable : manifestation place du Luxembourg. © Jean Bensana

Sur la place du Luxembourg, dans le quartier européen de Bruxelles, les bus 95 et 38 se frayent tant bien que mal un passage entre les manifestants et ceux qui s’occupent des règles de sécurité des piétons, reconnaissables à leurs mégaphones : «Ne restez pas sur la route, la police n’attend que ça pour stopper le mouvement !»

Objectif : se faire entendre

L’enthousiasme général prédomine sur l’ensemble de la place. Certains chantent, d’autres crient, tous transpirent la joie. Une euphorie collective qui s’empare de tous. Les manifestant.es se l’expliquent par le manque de contact social après un an de restrictions sanitaires. Pour ces personnes, le 8 mars est avant tout un jour de lutte mais aussi une célébration.

Sophie, manifeste place du Luxembourg. © Jean Bensana

En se promenant parmi les nombreux manifestants, on peut croiser toutes sortes de pancartes. L’une interpelle particulièrement «Que tremblent le patriarcat, l’Etat, les rues ! Les sorcières sont revenues !». C’est celui de Sophie, qui a repris le fameux symbole féministe de la sorcière. «Le 8 mars c’est un gros rendez-vous, tu sais qu’il va y avoir du monde», explique cette jeune restauratrice, qui se considère féministe mais n’a pas toujours le temps de militer.

Sur la place se croisent des femmes et des hommes, des jeunes et des moins jeunes, aux profils différents, mais tous réunis par une cause commune. Certaines manifestantes militent à plein temps, c’est le cas de Marylène, rédactrice Web pour l’association Vie féminine, «Un mouvement d’éducation permanente féministe.» Cette militante féminisme de toujours a décidé de s’impliquer encore plus, il y a deux ans, suite à une lecture marquante.

 

Merce, engagée depuis 2019

Le centre de la place est rempli de monde. Les statues sont décorées de rubans violets, couleur symbolique de l’égalité hommes/femmes, et des pancartes aux messages féministes y sont accrochées. Rapidement, la foule se scinde : côté gare, un groupe est rassemblé autour d’une tente et applaudit les chants et danses des Sororidad Sin Fronteras, artistes militants pour l’égalité des droits. De l’autre côté, les manifestants révoltés chantent en chœur :

 Nous sommes femmes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère ! 

Merce, diminutif de Mercedes, a rejoint le «collecti.e.f du 8 maars» dès sa première action en 2019. L’ensemble organise le mouvement de grève féministe en Belgique, à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Entourée de ses collègues, sous la bâche de plastique, elles forment une véritable petite armée de blouses violettes. Toutes avancent au micro que la journée du 8 mars doit inciter à dépasser cette forme de combat qui n’a lieu qu’un jour par an. Mercedes annonce : «C’est un appel aux grèves reproductibles : on peut les travailler à la maison, à l’aide de la musique… Les manifestants peuvent être visibles autrement qu’en protestant dans la rue.»

En cette année particulière, Mercedes s’est beaucoup exprimée en ligne, ce qui était un peu contraignant pour elle. Ses différentes rencontres avec des travailleuses du sexe, des membres du personnel de santé ou encore des femmes en difficulté de logement lui ont ouvert les yeux sur les différentes violences faites aux une femme. Aujourd’hui, comme chaque année, depuis le premier appel à la grève en 2017, lancé par Ni Una Menos en Argentine, Merce et ses consœurs profitent du rassemblement pour faire reconnaître leurs droits et sensibiliser ceux qui « passant en coup de vent », ou écoutent leurs discours.

Collecti.e.f du 8 maars

Merce (à gauche) et d’autres membres du collecti.e.f du 8 maars. © Jean Bensana

La lutte dans l’intimité du quotidien

La trentenaire a lutté toute l’année contre l’isolement des femmes. Elle peut en témoigner : lutter, en 2021, c’est réinventer son militantisme. Malgré le rassemblement auquel elle a participé fin novembre contre la journée internationale des violences faites aux femmes, les actions du collecti.e.f sont passées de la rue à la conférence par webcam. Pour favoriser le dialogue et le sentiment d’appartenance, Mercedes et ses collègues ont fait appel à de nombreux profils différents. «Il faut élargir les problématiques sociales pour mobiliser un maximum d’individus.» Le véritable défi de cette crise, pour Merce, reste de fournir une aide aux femmes isolées. Alors, en ce 8 mars, même si les marches ne sont pas autorisées, elle profite du rassemblement pour sensibiliser de nouvelles personnes, établir des relations entre  collègues et celles qui manquent d’aide en période de Covid. «Les femmes ont besoin d’aide. Dans le monde du travail, en matière de sexualité… Certaines de mes connaissances du planning familial continuaient d’aider les femmes malgré les restrictions sanitaires en collant des petites affiches dans la rue pour répondre à certains services», raconte Merce.

Jusqu’à 19 heures et quart, Mercedes s’est agitée autour du rond-point : discussions entre collègues, mises au point avec ceux qui gèrent la sécurité des piétons, sourires et témoignages entre manifestants… Elle n’est pas restée plus de deux minutes en place. Trois blouses violettes la tirent par le bras et la pressent : « On doit y aller, là… »

Retour en images sur les manifestations du 8 mars 2021 à Bruxelles. © Jean Bensana et Lucas Piron

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