Les tabous qui entourent les menstruations ne datent pas d’hier. L’idée selon laquelle le sang menstruel est sale, honteux et menaçant était déjà présente durant l’Antiquité. Aujourd’hui, évidemment, certaines choses ont évolué : des publicités pour serviettes hygiéniques montrent du sang rouge à la place du traditionnel liquide bleu, des clips vidéo abordent le sujet des menstruations de façon décomplexée… Pourtant, au quotidien, les menstruations restent parfois un sujet difficile à aborder, notamment parmi les jeunes filles. Les clichés et représentations négatives sur les règles sont effectivement tenaces… même en Occident. En 2018, par exemple, le Conseil audiovisuel français avait refusé de diffuser à la télévision la publicité de la marque Nana exposant du sang rouge sur une serviette hygiénique.
« Quelle que soit la société qu’on observe, les menstrues posent problème. Parce qu’elles évoquent les sécrétions du corps. Et ces sécrétions, dans la plupart des cas – sauf la semence masculine – c’est vu comme quelque chose de polluant, de sale. Historiquement, les menstruations ont toujours été un argument majeur pour justifier les discriminations envers les femmes », explique Cécile Vanderpelen.
L’historienne ajoute : « Pendant des siècles, on ne touchait pas une femme menstruée. Il faut dire que dans la plupart des cas, le sang n’évoque rien de positif. Mais par contre, il existe une certaine fascination à l’égard du corps des femmes qui change. C’est ce qu’on observe dans les écrits historiques parce que, dans la plupart des cas, les auteurs sont des hommes, et des hommes hétérosexuels. Donc on se focalise sur le corps des femmes, alors qu’il y a tout autant de changements et de différences concernant le corps des hommes ».
Ces changements que connaissent les filles et les garçons à la puberté, l’infirmière Candice Vasteels les explique aux élèves de sixième primaire de plusieurs écoles bruxelloises. Le Service de Promotion de la Santé à l’École (SPSE) organise des animations, durant lesquelles différents thèmes sont abordés pour évoquer les transformations du corps, et notamment les menstruations. « On explique d’abord aux filles comment elles sont faites, on explique qu’elles ont un utérus et des ovaires, et donc ce qui se passe à la puberté. On utilise toujours les vrais mots anatomiques, mais on essaie de rendre les choses simples à comprendre. Et à partir du moment où on leur explique, les menstruations leur apparaissent rarement comme quelque chose de sale », indique Candice Vasteels. Lorsqu’elle aborde le sujet des règles avec les garçons, l’infirmière insiste beaucoup sur la notion de respect : « On leur dit que s’ils voient une fille qui a une tache sur son pantalon, il faut être respectueux ».
Candice Vasteels estime qu’il est important de commencer à parler de ces thématiques dès la sixième primaire, voire même avant. « C’est vraiment à 11 ans, au démarrage de tous ces changements, que les enfants ont besoin de savoir ce qui va se passer au niveau de leur corps et pourquoi. C’est important aussi qu’il n’y ait plus des filles qui soient réglées alors qu’elles ne savent même pas ce que c’est », explique-t-elle. L’infirmière informe donc les filles sur la réalité des règles (douleurs, irrégularité, etc.), mais toujours en dédramatisant la situation et en déconstruisant les idées reçues.
Plus tard, en deuxième secondaire, les élèves étudient également la thématique des menstruations en cours de biologie. Lorraine Dekeyzer, professeure de sciences dans une école secondaire bruxelloise, explique qu’elle aborde cette matière avec une approche très scientifique, mais toujours avec « un vocabulaire adapté » : « J’explique aux élèves que ça fait partie de la nature et que ça n’a rien de sale. Pour moi, la clé, c’est de toujours revenir au scientifique et de dédramatiser la chose, pas d’en rire, mais de ne pas être trop sérieux non plus. J’estime que c’est un sujet qu’ils doivent entendre ».

Contrairement à d’autres professeurs, Lorraine Dekeyzer aborde la thématique des menstruations sans gêne et de façon détendue.
En ce qui concerne la réaction des élèves, Lorraine Dekeyzer explique : « Quand il y a des garçons, c’est vrai que ça peut être plus compliqué d’expliquer les cycles menstruels, les filles peuvent être gênées… Mais je n’ai jamais eu le cas d’un garçon qui dit que les règles sont dégoûtantes. Je pense qu’ils comprennent le côté scientifique de la chose et donc ça aide à normaliser ».
Briser le silence, informer sur la normalité des menstruations permet donc – bien souvent – d’éviter moqueries, préjugés et craintes concernant les premières règles.
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