La Belgique est 3ème exportateur de sapins en Europe. Près de 80% de ces connifères proviennent de la province du Luxembourg. Une monoculture lucrative qui ne fait pas que des heureux.
Quand arrive la période de Noël, chacun se rend acheter un fier sapin pour décorer chaleureusement son salon. Dans les Ardennes, le tableau est tout autre : des sapins à perte de vue, aspergés de pesticides, sur des sols appauvris.
Après la Seconde Guere Mondiale, le sapin devient le symbole de Noël et le marché du conifère se développe. Les Ardennes, avec leur sol humide, représentent un terrain idéal pour sa culture. Aujourd’hui, 60% de la surface de la province du Luxembourg y est dédiée.
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source: rapport de 2018 de Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège)
Pourtant, la féérie de Noël ne fait pas de cadeaux à tous les Ardennais. Des villages se plaignent de l’appauvrissement et de la pollution des sols. En cause, une monuculture intensive et destructrice. L’absence de feuillu empêche la formation de humus, indispensable pour le renouvellement de la terre. Anne Weisebs, biologiste et membre de l’asbl environnementale Natagora, ajoute : « C’est clairement un danger pour la biodiversité locale. Ces plantations de sapins accentuent l’acidification des sols, les rendant de plus en plus stériles. Le rythme effréné de la culture du sapin de Noël ne permet pas à la terre de se régénerer. »
L’Union Ardennaise des pépiniéristes se défend de toute accusation : « Les monocultures ne sont pas particulièrement nocives pour la terre, le sol ardennais a toujours été pauvre. D’ailleurs, les sapins ont tout à fait leur place dans le paysage ardennais, ils ont même été intégrés au fichier écologique d’essence de la région. » Selon eux, cette région n’est pas exploitable autrement. Or, entre le sapin danois Nordmann et le sapin Fraser d’Amérique, la flore est assez limitée. Fernand, berger à Acremont (Province du Luxembourg), propose une alternative : « Mes terres servent d’espace de pâturage pour des vaches, des moutons ou encore pour faire pousser de l’épeautre ou du trèfle pour nourir mes bêtes ». Les agriculteurs et éleveurs, comme Fernand, se font de plus en plus rares dans la région. Le défi de la cohabitation avec les pépiniéristes se situe aussi bien au niveau économique qu’écologique.
La flambée des prix des terrains
Entre 1995 et 2018, le prix des terres agricoles au Luxembourg est passé de 5 219€ à 27 223€, soit une augmentation de près de 20% en 23 ans. La coopérative Terre-en-vue s’efforce de rendre accessible des terres belges aux agriculteurs. Pour Perrine Ghilain, membre de la coopérative, « le problème est la spéculation sur les prix des terres qui rend les terrains inaccessibles aux agriculteurs. Les pépiniéristes sont les seuls à pouvoir acquérir ces terrains dont le prix a quintuplé en 20 ans. »
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Source : agriculture.wallonie.be
baromètre des notires – notaire.be
La coopérative a notamment soutenu Fernand. « Les pépiniéristes ont le monopole sur les terres agricoles, explique l’éleveur. Il n’y a qu’eux qui peuvent se permettre d’acheter des terres aussi chères. »
Source d’émerveillement pour certains, le sapin de Noël reste un sujet épineux pour la région des Ardennes.
Les différentes espèces de sapin dans les ardennes. © Howard J. / Flickr