Les raisons de migrer sont multiples : politiques ou encore économiques et de plus en plus climatiques. Mais les termes pour parler de migration et des personnes qui migrent diffèrent, les éléments de langage utilisés par les politiques sont à double-sens et au(x) sen(s) cachés. Retour sur les termes majeurs de la sémantique migratoire.
Qu’est-ce qu’un migrant, une migration humaine ?
Selon les Nations Unies, une migration humaine correspond au “déplacement du lieu de vie d’individus”. C’est un “mouvement de population à des fins de résidence, d’un pays d’origine vers un pays de destination”. Cette notion se distingue de celle de circulation, qui n’implique qu’un passage ou un bref séjour de moins de 3 mois. Et elle ne prend donc pas en compte les déplacements dans le cadre de loisirs ou d’affaires. Un migrant est une personne originaire d’un Etat extérieur à celui où il se trouve et qui s’est établi à des fins durables sur le territoire d’un autre Etat. Il peut alors avoir plusieurs statuts selon les facteurs de migration : réfugié politique, demandeur d’asile, migrant économique…
Qu’est-ce qu’un migrant économique ?
Valérie Pécresse, à titre d’exemple, utilise le terme de “migrant économique” lorsqu’elle déclare que la région Île-de-France se trouve “saturée” par les migrants (lien article fact-cheking). Initialement, un migrant économique est une personne qui émigre d’une région ou d’un pays A vers une région ou un pays B dans le but de trouver du travail. Pour Gerry Simpson, chercheur senior sur les réfugiés à Human Rights Watch, “le terme de migrant économique n’est pas un terme juridique. Il est utilisé par des politiciens pour parler des migrants qui sont présents illégalement sur le territoire et aussi sans papiers. Ce terme laisse entendre que ce sont alors des migrants qui viennent seulement pour trouver du travail.” Enfin, comme le souligne Jean-Marie Fardeau : « On peut très bien quitter son pays pour des raisons socio-économiques qui, elles, dépendent de la situation politique sur laquelle le migrant n’a aucun pouvoir. » “Migrant économique” est aujourd’hui un élément de langage des hommes politiques qui souhaitent mettre en avant l’aspect illégal de la présence de migrants sans papiers sur le territoire. Ils détournent ainsi le terme “migrant économique” en synonyme de “clandestin”.
Qu’est-ce qu’un réfugié politique ou un demandeur d’asile ?
Selon la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, un réfugié est une personne “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”. Il se trouve dans un pays étranger car il ne veut pas ou ne peut pas rentrer dans son pays d’origine à cause des risques encourus. L’asile est une protection accordée par l’Etat d’accueil pour un individu étranger. Un réfugié est un individu ayant obtenu sa demande d’asile. Si la situation du pays d’origine vient à changer, alors le réfugié peut perdre son statut. En 2014, il y avait 64 310 demandeurs d’asile en France.
Quid des réfugiés climatiques ?
Encore minoritaires dans les discours politiques aujourd’hui, les réfugiés climatiques seront au nombre de 150 millions d’ici 2100 selon le Groupe d’Expert Intergouvernemental.
Infographie du pays d’origine des réfugiés climatiques. Crédits: Arte
Les politiques restrictives, le repli identitaire et les discours xénophobes peuvent peut-être ralentir le flux, mais ne règlent pas la crise. Pour Jean-Marie Fardeau, “mettre des barrières et des murs ce n’est qu’augmenter des risques physiques pour empêcher les gens de réaliser leur besoin vital. » Tout porte à croire qu’immigration et intégration seront parmi les sujets politiques majeurs des prochaines décennies et qu’une mise en place d’un système d’accueil structuré et inclusif pourrait aider à régler cette “crise migratoire”.
Pauline Poudou et Chloé Richard