Comprendre le dossier du nucléaire belge en 6 questions

Les centrales nucléaires belges provoquent des remouds dans l’actualité. Mais il n’est pas toujours facile de comprendre toutes les subtilités de ce dossier qui évolue au fil du temps. En 6 questions, nous allons tenter de vous expliquer l’envers du décor …

De quoi est composé le parc nucléaire belge ? 

La Belgique compte deux centrales nucléaires. Toutes deux exploitées par Electrabel, elles produisent environ 55% de l’électricité belge. Ces deux centrales nucléaires sont composées de septs réacteurs nucléaire électrogènes: quatre à Doel, dans le nord, et trois à Tihange, dans l’Est.

Ces réacteurs ont été construit dans les années 70 et ont été mis en service entre 1975 et 1985.

Initialement prévu pour une durée de vie de 40 ans, le gouvernement belge a finalement décidé en novembre 2013 de prolonger de 10 ans l’activité de Tihange 1  pour garantir l’approvisionnement en électricité du pays.

En octobre 2014, le nouveau gouvernement prévoit également la prolongation pour 10 ans du fonctionnement des réacteurs de Doel 1 et 2.

Durée de vie des réacteurs belges
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Quels sont les problèmes rencontrés par les centrales ces dernières années ? 

Parallèlement aux soucis d’âge des Doel 1, Doel 2 et Tihange 1, deux autres réacteurs posent problème. Il s’agit de Doel 3 et de Tihange 2.  En 2012, une inspection relève des milliers de micro-fissures (ou flocons d’hydrogène)  au niveau des cuves extérieures et les centrales sont mises à l’arrêt. 

L’Agence Fédérale de Contrôle du Nucléaire (AFCN) décide alors de fermer les deux réacteurs. L’activité reprendra en mai 2013 avant que des tests avec des résultats « inattendus » mènent à un nouvel arrêt en mars 2014. 

Finalement en novembre 2015, l’AFCN affirme qu’il « ne subsiste aucun élément de nature à empêcher un redémarrage des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2. » La machine est à nouveau en route…mais pour combien de temps ? Les problèmes avec les centrales belges se multiplient entre décembre 2015 et janvier 2016. Ainsi, une fuite d’eau dans un générateur (Doel 3), un problème d’alternateur (Doel 1) et un incendie dans la partie non nucléaire (Tihange 1) ont réveillé les inquiétudes autour des centrales nucléaires belges.

Que reproche t-on aux centrales nucléaires belges ? 

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est les nombreux problèmes qu’ont rencontré Doel 3 et Tihange 2 fin 2015, alors que l’AFCN avait affirmé que tout irait bien. Depuis, le débat autour du redémarrage de ces deux réacteurs nucléaires est riche en rebondissement, et pas un jour ne passe sans qu’on en parle.

Le 28 janvier, le mouvement Avaaz propose une pétition intitulée “Quelques jours pour éviter un nouveau Tchernobyl ?, qui a rencontré un franc succés puisqu’elle a déjà récolté près de 900 000 signatures ce jeudi 11 février. L’objectif ? Atteindre le million, pour imposer au gouvernement belge une étude d’impact environnemental transfrontalier pour les centrales nucléaires.

Un autre mouvement anti-nucléaire, l’ASBL « Nucléaire Stop Kernenergie » s’oppose à Electrabel et plaide au tribunal l’arrêt des deux réacteurs qui comportent des micro-fissures. Elle conteste les conclusions de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN).

Les pays voisins sont aussi inquiets : en Allemagne, la région d’Aix-la-Chapelle a introduit un recours devant le Conseil d’Etat pour s’opposer au redémarrage de Tihange 2, situé à moins de 90 kilomètres.

Même son de cloche dans la ville de Maastricht (Pays-Bas), qui s’inquiète au sujet de Doel 3, située à 113 km à peine de sa frontière.

Situé à 80 km à vol d’oiseau du Grand-Duché du Luxembourg, la centrale de Tihange alarme les Luxembourgeois. La visite à Bruxelles du secrétaire d’État luxembourgeois au Développement durable, Camille Gira, n’a pas suffi pour convaincre le Luxembourg de la sûreté du parc nucléaire belge

Est-ce qu’un accident nucléaire est possible en Belgique ?

Le risque d’accident nucléaire en Belgique est difficile à évaluer. Comme le précise Damien Ernst,  professeur d’électromécanique à l’ULG “Le Risque 0 n’existe pas. Il y a très peu de précédents de catastrophes nucléaires et les statistiques donc nous disposons ne permettent pas de faire des prévisions et des quantifications en cas de problème.”

Cependant, l’Agence de contrôle nucléaire (AFCN) a tout de même fait quelques recommandations en cas d’accidents nucléaire. Parmis celles-çi, l’élargissement des zones de distributions de pilules d’iode.

A quoi servent les pilules d’iodes ? Concrètement, en cas d’accident nucléaire, de l’iode radioactif flotterait dans l’air ambiant. S’il est respiré, cet iode radioactif viendrait se fixer sur la glande thyroïde, qui fabrique des hormones grâce à l’iode contenu dans les aliments que nous mangeons. Ces hormones sont indispensables au contrôle du métabolisme. Si la glande thyroïde contient de l’iode radioactif, il y a un grand risque de cancer de cette glande, indispensable au bon fonctionnement du corps humain.

Or, si l’on ingère des pilules d’iode “stable”, même dans les heures suivant l’exposition radiocative, la thyroïde est saturée et l’iode radioactif ne peut pas se fixer sur la glande thyroide.

Est-ce que le problème belge est un cas unique ? 

Doel et Tihange ne sont pas les deux seules centrales qui présentent des micro-fissures. Une dizaine de réacteurs en France sont dans le même cas.  La différence réside dans le nombre de ces micro-fissures qui est de loin plus élevé dans les centrales Belges. Selon Damien Ernst, “On peut supposer qu’il y a entre 5% et 10% de centrales dans le même cas” sur un total de 438 centrales actives dans le monde.
Mais les micro-fissures ne sont qu’un problème parmi d’autres. Ainsi, en Europe d’autres réacteurs inquiètent les citoyens. “La centrale française de Fessenheim par exemple est dans une situation tout aussi inquiétante”, souligne Damien Ernst. Cette centrale est en effet situé dans une zone sismique et sa proximité avec le Grand Canal d’Alzace fait craindre des risques d’inondation. Autre exemple qui suscite la préoccupation, la centrale suisse de Beznau qui possède le plus vieux réacteur en activité au monde et dont la sécurité du système de refroidissement est mise en cause.

Quel avenir pour les centrales nucléaires belges ? 

Si de nouveaux rebondissements ou accidents ne viennent pas perturber l’activité au sein des réacteurs, la Belgique abandonnera le nucléaire en 2025, suite à la décision de l’abandon du nucléaire civil. Et après ? Pour le moment, on ne sait toujours pas de quoi l’avenir énergétique de la Belgique sera fait. Aucune décision n’est encore sur la table. Damien Ernst expose l’hypothèse qu’il juge la plus probable. “Je ne crois pas à un arrêt de toutes les centrales belges en 2025. Je pense que la durée de vie de ces centrales sera encore prolongée.  Mais le monde est incertain et il est très difficile d’anticiper ce qu’il va se passer dans les prochaines années.”

La facture d’électricité risque d’augmenter les prochaines années comme le fait d’ailleurs remarquer l’émission de la RTBF Questions à la Une.

Ces dernières années, les fermetures temporaires des réacteurs belges ont fait augmenter les prix.  On pourrait assister au même scénario dans une dizaine d’années.  Avec la sortie du nucléaire de l’Allemagne en 2022 et avec la sortie programmée de la Belgique au même moment, l’offre sera fatalement plus basse. Les prix sont donc destinés à augmenter.

Lucy Dricot & Giovanni Zidda