Pour Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne et président de Debout la République, les emplois crées en France sont occupés par les travailleurs détachés. Mais est-ce vrai ?
Alors que la France publie le nombre de travailleurs détachés dans son bilan de lutte contre le travail illégal, Nicolas Dupont-Aignan invité des 4 vérités sur France 2, explique que le chômage stagne car les travailleurs détachés sont plus nombreux et qu’ils occupent des postes crées.
Ce qu’il dit : « Les travailleurs détachés, ces travailleurs étrangers de l’Union Européenne, qui ne payent pas de charges sociales en France (le gouvernement) n’a pas pris de mesures car il y a 160 000 travailleurs détachés de plus cette année (les emplois créés) sont occupés par des travailleurs détachés pour une partie ».
La #reprise économique revient, mais le #chômage perdure, pourquoi ?
↪️Pour @dupontaignan « ce sont les #TravailleursDétachés qui occupent les emplois crées en France » #Les4V @telematin pic.twitter.com/r8w0cQ0bTH
— Caroline Roux (@Caroline_Roux) 19 février 2018
Y a-t-il vraiment eu 160 000 travailleurs détachés de plus cette année ?
Selon le bilan de lutte contre le travail illégal, la France dénombre 516 000 travailleurs détachés alors qu’en 2016 ils étaient 354 151. Il y a donc eu 161 849 travailleurs détachés de plus cette année. En arrondissant, Nicolas Dupont-Aignan avance le bon chiffre.
C’est plus compliqué :
La lutte contre la fraude au détachement est devenue l’une des priorités du ministère. Muriel Pénicaud, ministre du travail, explique que la hausse des travailleurs détachés est principalement due à une augmentation des contrôles et à l’obligation des employeurs de déclarer en ligne leurs travailleurs détachés.
Les contraventions ont été multipliées par deux en 2017, ce qui a rapporté plus de 5 millions d’euros dans les caisses de l’Etat. La ministre a présenté 16 mesures afin de lutter contre la fraude au détachement. Elle prévoit d’augmenter le prix des contraventions, de multiplier les contrôles et d’appliquer une politique du « name and shame » en dénonçant les entreprises malhonnêtes.
Pas totalement vrai:
Selon l’Insee, 253 000 postes ont été créés dans le secteur privé. Plus précisément, 5700 postes ont été créés dans le secteur de l’agriculture, 21 300 dans celui de la construction, 223 600 dans le secteur marchand et -10 000 dans celui de l’industrie, seul secteur qui ne créer pas d’emploi.
Les travailleurs détachés occupent principalement des emplois dans le BTP (40%) et dans le service aux entreprises (17%). Ils sont 16% dans l’industrie, 15% dans le service à la personne et 6% dans le domaine agricole.
Le secteur marchand, celui qui compte le plus de création d’emploi, n’est pas occupé par les travailleurs détachés. Muriel Pénicaud souligne aussi le problème de la formation des salariés français. Les employeurs vont donc chercher des compétences spécifiques ailleurs. En se basant sur les chiffres du Pôle Emploi, les travailleurs détachés occupent des postes dans des secteurs en pénurie de main d’œuvre.
Emmanuel Macron est celui qui veut réformer l’Union Européenne sur la question des travailleurs détachés. En octobre 2017, les ministres de l’Emploi et des Affaires sociales des Etats membres ont trouvé un compromis : désormais, le travailleur détaché devra être payé comme un salarié local et les conventions collectives lui seront appliquées. Cet accord ne concerne cependant pas le secteur du transport. En 10 ans, 8 millions de travailleurs détachés ont circulé au sein de l’Union européenne. Ce statut favoriserait le dumping social et la concurrence déloyale. Paradoxalement, les travailleurs français figurent parmi le top 3 des pays qui envoie le plus de travailleurs détachés après la Pologne et l’Allemagne.
Selon le cabinet de Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’emploi, aux Affaires sociales, aux compétences et à la mobilité des travailleurs, une nouvelle autorité européenne du travail est en discussion. Cette nouvelle agence s’occuperait de mieux encadrer les travailleurs détachés en renforçant les coopérations administratives entre les Etats membres et en combattant les abus.
Article : Rahma Adjadj et Gloria Mukolo
Crédit photo : Pixabay/”Skeeze”