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L’accord du MERCOSUR : une menace pour l’agriculture européenne ?

Publié le 22-02-2018 par

Toujours en négociation, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les états membres du MERCOSUR suscite à nouveau un vif débat dans la communauté agricole du vieux continent.  L’UE est en passe de donner son feu vert à un nouvel accord économique avec le marché commun du Sud, soit le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Accord qui favoriserait l’entrée des produits agricoles d’Amérique du Sud sur le territoire européen. Si ses défenseurs le présente comme l’archétype d’un accord commercial moderne, ses détracteurs s’alarment du coup qu’il pourrait porter aux agriculteurs européens et des possibles risque sanitaires. Qu’en est-il vraiment ?

D’ici 2022 vous trouverez dans vos assiettes du boeuf issu de vaches élevées en batteries et nourries aux OGM

Eric Andrieu,  eurodéputé de l’Occitanie

  • DÉJÀ VRAI

Comme l’indique le rapport de mission mené par l’Office Alimentaire Vétérinaire européen (OAV), à la suite du scandale sanitaire qui a frappé le Brésil en mars 2017, il existe des lacunes persistantes dans le contrôle des viandes destinées à l’exportation vers l’UE. De plus, comme le souligne le Comité des organisations professionnelles agricoles de l’UE (COPA) de nombreux produits tels que des hormones de croissance et des antibiotiques, illégaux en Europe, sont utilisés dans les pays du MERCOSUR. Il n’existe en général aucun système d’enregistrement ou de surveillance d’utilisation de ces produits dans les fermes. La citation d’Eric Andrieu n’est cependant pas tout à fait exact. L’accord de libre échange entre le MERCOSUR et l’UE renforcera la place de la viande bovine sud-américaine – grâce à la baisse des taxes – mais il ne faudra pas attendre 2022, leurs produits étant déjà présents sur le marché européen.

Le Mercosur, c’est 30 000 emplois qui pourrait disparaître, ils seraient sacrifiés par des échanges commerciaux qui nous dépassent

Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine de France

  • PROBABLE

S’il est possible de déceler une pointe de démagogie dans la déclaration du président de la Fédération nationale bovine de France, le scénario n’en reste pas moins réalisable : une étude de marché réalisés par plusieurs syndicats agricoles européens démontre que les produits agricoles issus du MERCOSUR sont bien plus compétitifs que les produits européens et tirent les prix vers le bas. D’après le Comité général de la coopération agricole de l’UE (COGECA), les pertes directes pour le secteur de la viande bovine s’élèveraient à 16 milliards d’euros. Conscient du risque pour son agriculture, le syndicat des Jeunes Agriculteurs de France estime que “le sacrifice de la filière bovine est une évidence”, les pays du MERCOSUR n’étant pas soumis aux mêmes normes sanitaires que les agriculteurs européens. Avec une qualité et un coût moindre, les produits sud-américains risque donc de prendre des parts de marchés supplémentaires et par conséquent réduire celles de la production européenne, déjà fragilisée.

  • De quoi parle-t-on ?

En négociation depuis 1999, l’objectif de cet accord est de réduire les droits de douanes entre les deux blocs commerciaux sur des produits variés de leur économie. Il permettrait notamment à ces pays d’Amérique du sud – déjà principaux fournisseurs de denrées alimentaires de l’UE – d’exporter plus de 70 000 tonnes de viande bovine sans être affectés par les droits de douanes de l’Union Européenne. D’après le COPA, près de 80% de la viande de boeuf introduite sur le sol européen provient du MERCOSUR, soit 185 000 tonnes par an. Dans le sens inverse, il supprimerait les droits de douanes particulièrement élevés sur les exportations européennes pour le secteur de l’automobile ou de la chimie.

  • Qui est pour, qui est contre ?

À ce stade, les États membres de l’UE n’ont pas tous donnés d’avis définitif mais deux camps ce sont clairement dessinés. D’un côté les pays favorables à la signature de cet accord : Allemagne, Danemark, Italie ou encore Espagne… Et de l’autre la Belgique, l’Irlande, ou encore la France, qui opère cependant un revirement de dernière minute. Alors qu’Emmanuel Macron défendait jusqu’à récemment une politique de « l’Europe qui protège”, le président français est désormais partisan d’une finalisation “rapide” de l’accord. Quant à la commission européenne, elle préfère profiter du vide laissé par le président des États-Unis sur le terrain commercial pour signer des traités économiques le plus rapidement possible.

 

Echanges de biens de l’UE-27 avec le Brésil par produit, matières première, janvier à juin 2011, en millions d’euros Infogram

Les réticences de certains pays s’expliquent sans doute par leur productions de viandes bovines, l’accord présentant donc un risque pour leur économie agricole. Signer le MERCOSUR serait en revanche positif pour l’Allemagne et l’Italie, deux nations avides d’exporter leurs automobiles.

  • Quelles conséquences ?

 

Conséquences de l’accord de libre échange entre les pays du Mercosur et l’UE sur le secteur de l’agriculture européen, en milliards d’euros Infogram
Adéola Desnoyers de Marbaix-Bordé & Baptiste Gerbal

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