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Covid-19 : les jeunes, eux aussi, victimes de l’épidémie

Le port du masque est obligatoire en Belgique à partir de 12 ans. ©Unsplash
Publié le 21-12-2020 par , et

Moins infectés que les adultes durant la première vague, les enfants subissent la deuxième. Une hausse de 428% de cas a été observée chez les 10-19 ans testés depuis septembre.

Article rédigé le 6 novembre dernier.

« Si nous regardons les statistiques de la Région wallonne, les foyers de contamination sont premièrement la famille et tout de suite après l’école. Il s’agit d’un vrai lieu de transmission », pointe d’emblée Yves Coppieters, épidémiologiste à l’ULB.

La pandémie de Covid-19 frappe une deuxième fois la Belgique, et le nombre de jeunes contaminés ne cesse d’augmenter. Selon certains experts, les jeunes seraient des moteurs de transmission, ils se contamineraient tous entre eux.

Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, la seconde vague se répand plus rapidement auprès des plus jeunes qu’auparavant. Les chiffres sont néanmoins à prendre avec du recul, car la capacité de « testing » en Belgique a largement augmenté par rapport au mois de mars. Alors que la résurgence permet davantage de tester les jeunes, les personnes âgées et adultes étaient prioritaires lors de la première vague. Les raisons qui pourraient expliquer cette hausse chez les adolescents sont nombreuses. Les chiffres du début de l’épidémie ont démontré qu’ils sont moins gravement atteints par le virus. Cela a amené certains médias à se concentrer sur le fait que la « génération Z » ne respecte pas les mesures sanitaires alors que les jeunes représentent une partie importante des cas positifs du pays.

« Les ados-adultes », vrai moteur de transmission

Alors que le gouvernement a pris la décision de reconfiner le pays, les écoles sont autorisées à rouvrir leurs portes à partir du 13 novembre. Si l’intérêt de cette décision est de limiter le décrochage scolaire, les experts semblent mitigés quant aux conséquences sur la population.

À l’inverse du premier pic de la pandémie, le second n’épargne pas les jeunes, qui représentent, pour les moins de 19 ans, 13% des cas positifs en Belgique. Pourquoi dès lors laisser les écoles ouvertes ? Pour Yves Coppieters, il est nécessaire de séparer les jeunes en deux catégories. D’une part, les moins de 15 ans qui « contribuent à la transmission, mais une fois malade, vont peu contaminer les autres en raison de la petite charge virale dans leur muqueuse ». D’autre part, les plus de 15 ans, « les ados-adultes » comme les surnomme l’épidémiologiste de l’ULB, seraient un vrai moteur de transmission. L’expert craint qu’un retour à l’école en présentiel signifierait « une augmentation forte de la contamination. » Il préconise pour cette tranche d’âge de trouver des solutions pédagogiques à distance.

Un épidémiologiste étudie les maladies à travers différentes données (lieu, population, facteurs de risque)

Afin de limiter la transmission du virus dans les établissements scolaires, une solution est envisagée par le gouvernement : rendre le masque obligatoire dès l’âge de 6 ans. Il s’agit d’une « mauvaise idée » pour l’épidémiologiste, qui déplore le manque de discipline des écoliers et « le port du masque, qui culturellement n’est pas un ancrage social chez nous ». L’expert souligne néanmoins qu’il est « évident que sur un plan sanitaire ça contribuerait à réduire les transmissions rapidement ». 

Plus de cas, plus d’hospitalisations… le Covid circule

Par rapport à la première vague, l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Huderf) compte plus de patients. Anne Tilmanne, infectiologue membre de la task force pédiatrique, nuance cependant ce constat : « Ce n’est parce que la Covid est plus virulente. C’est le reflet d’une circulation plus importante du virus dans la population. Les enfants hospitalisés maintenant ne sont pas plus malades qu’au mois de mars. »

Une infectiologue est une spécialiste des maladies infectieuses (sida, grippe, rhume)
Dans un rapport publié en août, Sciensano faisait état de 245 enfants hospitalisés entre le 15 mars et le 28 juin. Toutefois, ce chiffre ne peut être considéré comme exhaustif, indique l’Institut fédéral scientifique de santé publique, dès que l’ensemble des hôpitaux n’avaient pas forcément complété les questionnaires de surveillance hospitalière. A titre d’exemple, au 27 juin dernier, ceux-ci avaient été complétés pour 70% des cas hospitalisés.
Constat : l’hospitalisation ne concerne pas plus les patients ayant déjà des problèmes de santé que ceux sans troubles médicaux. 12,6% des cas présentaient une ou plusieurs comorbidités. Pour la médecin, les facteurs aggravants sont les mêmes que chez les adultes. « L’âge est le premier facteur. En général, ce sont les vieux adolescents qui sont les plus malades. Ensuite, nous retrouvons des comorbidités comme l’obésité, le diabète, etc. »

Plus de peur que de mal ?

Comme l’affirme la pédiatre Anne Tilmanne, les enfants développent des formes moins graves du virus que leurs aînés. « Les enfants sont moins malades. Les soins pédiatriques intensifs ne sont pas débordés. À l’Huderf, nous avons même des lits disponibles qui sont utilisés pour les adultes. » Selon Sciensano, sur 203 enfants hospitalisés, 199 ont pu rentrer chez eux et aucun décès n’a été à déplorer.

En comparaison avec les autres tranches d’âge, la mortalité des jeunes due au Covid-19 reste faible. Depuis le 1er mars, quatre personnes âgées de moins de 24 ans sont décédées en Belgique. Des chiffres auxquels Anne Tilmanne apporte quelques précisions. « Même dans les cas d’enfants décédés, au moins l’un d’entre eux était atteint de nombreuses comorbidités et d’une autre infection bactérienne. De là à dire que cet enfant est décédé du Covid, c’est beaucoup s’avancer. »

Plusieurs théories cherchent à expliquer ce différentiel de gravité du Covid-19. L’une d’entre elles étudie les récepteurs qu’utiliseraient le virus pour pouvoir pénétrer dans les cellules. La pédiatre nous explique que ces derniers « seraient en moindre quantité ou répartis différemment chez les enfants que chez les adultes ».

Pour l’heure, aucun consensus scientifique n’a été établi. Les recherches se poursuivent.

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