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Interdire de fumer à la maison, le projet utopique de Roland Lemye

Publié le 11-02-2016 par
Roland Lemye, vice-président du principal syndicat de médecins de Belgique (ABSyM), a proposé dans les pages du journal Le Soir d’interdire aux fumeurs de consommer du tabac au sein de leur domicile en vue de protéger la santé des plus jeunes.

Le Dr. Lemye s’est exprimé dans une carte blanche publiée par Le Soir sur l’extension de l’interdiction de fumer dans la sphère du privé. Il évoque le respect au droit des enfants pour justifier le projet. L’idée est lancée. Réalité ou simple utopie?

« Le droit des enfants de vivre dans un environnement sans tabac justifie cette extension de l’interdiction de fumer jusque dans la sphère privée. »

 PAS TOUT A FAIT

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le Droit au respect de la vie privée et familiale, indique : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Comme l’explique Jean-Ferdinand Puyraimond, avocat notamment spécialisé dans le droit de la protection de la vie privée, la protection de la santé fait partie des objectifs permettant de limiter la vie privée. Il précise également que même si cette limitation était prévue par une loi à venir, elle pourrait ne pas être considérée comme « nécessaire » à la protection de la santé publique « dans une société démocratique », comme l’indique le deuxième paragraphe de l’article 8.

 « Je crois qu’il faut d’abord utiliser la persuasion, la pression et la pédagogie avant de sanctionner… Pour la maltraitance, c’est la même chose, si vous donnez une fessée à un enfant chez vous, il n’y aura peut-être personne pour le vérifier. Mais s’il y a des signes extérieures qui le démontrent, on peut juger bon d’avoir une visite de l’organisation nationale de l’enfance (l’Office de la Naissance et de l’Enfance, ndlr). »

POURQUOI C’EST IRREALISABLE

Si des contrôles sont déjà établis à domicile en ce qui concerne les châtiments corporels, l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) assure que si des actions accrues sont probablement à mener en vue de réduire le tabagisme passif, il n’entre ni dans ses compétences, ni dans ses droits et surtout ni dans ses intentions de s’immiscer dans la sphère privée pour y interdire le tabagisme. Une déclaration qui vient donc ébranler la proposition du Dr. Lemye.

Me Jean-Ferdinand Puyraimond s’interroge sur les moyens utilisés pour contrôler cette mesure si elle était adoptée : « Faudrait-il placer des caméras chez les gens ou encourager la délation des amis et des enfants contre les parents ? ». Les mesures de surveillance extrêmement étendues et la très grande limitation de la liberté de faire ce que l’on veut chez soi lui sembleraient disproportionnées par rapport à l’objectif, même si celui-ci est louable.

Une mesure sanitaire a priori bienveillante qui entend protéger les jeunes du tabagisme mais qui semble malgré tout difficile à appliquer.

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Aline Rodrigues et Mathilde Leflot

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