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Marianne Streel a-t-elle raison de louer les efforts de l’agriculture wallonne ?

Publié le 14-02-2019 par Sophie Decaestecker et Mathilde Lefèvre

Marianne Streel, présidente de la Fédération Wallonne de l’Agriculture, était invitée pour parler de l’impact de l’agriculture sur le climat à la RTBF. Retour sur ses propos. 

Le thème de l’émission « À votre avis » du 6 février dernier était « Climat : l’heure de la révolution ». Marianne Streel y a parlé de l’état de l’agriculture en Wallonie et son impact sur l’environnement.

« L’agriculture a diminué de 20 % ses émissions [de gaz à effet de serre] en 30 ans. Par contre, celles des transports ont augmenté de 30 %. »

 

Selon les données de l’Agence wallonne de l’air et climat, les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture en Wallonie sont passée de 5736 kt en 1990 à 4774 kt en 2016. Elles ont diminué de 16,77 % en 26 ans. Marianne Streel a donc légèrement surestimé cette diminution pour mettre en valeur les efforts réalisées par la Wallonie.

Quant aux émissions des transports, elles sont passées de 7005 kt en 1990 à 9115 kt en 2016. Elles ont donc bien augmenté de 30,12 % environ.

Evolution des émissions de CO2 par l’agriculture wallonne
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« Nous avons une agriculture wallonne qui est une agriculture familiale, qui est de taille humaine. On a 56 hectares en moyenne par exploitation. Il n’y a pas plus de 2% des exploitations wallonnes qui ont plus de 200 hectares donc on n’est pas dans l’industrie non plus. »

Les chiffres donnés sont vrais mais choisis. Faire des moyennes ne reflète pas toujours la réalité. Cette phrase pourrait laisser penser que de très nombreuses exploitations en Wallonie ont une superficie qui avoisine les 56 hectares. Ce n’est pas ce que nous montre le graphique ci-dessous.

Répartition des exploitations agricoles en Wallonie (2016)
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Comme elle le dit justement, il n’y a pas plus de 2% des exploitations wallonnes qui font plus de 200 hectares et la superficie moyenne des exploitations agricoles tourne autour de 56 hectares. Marianne Streel choisit ces chiffres en cherchant à démontrer que les exploitations agricoles de Wallonie sont de petites tailles. Néanmoins, lorsqu’on observe attentivement les chiffres, on se rend compte qu’en proportion, plus de la moitié de la superficie occupée par des terres agricoles en Wallonie (59,38%) est consacrée aux exploitations de plus de 75 hectares (couleurs rougeâtres sur le graphique des superficies).

  • Pourquoi parler d’agriculture dans le débat climatique ?

Le débat sur l’agriculture a sa place dans les discussions sur le climat. En effet, la culture et l’élevage touchent aux questions environnementales par plusieurs aspects (voir infographie ci-dessous). En Wallonie, l’agriculture est le quatrième plus gros émetteur de gaz à effet de serre après l’industrie, le transport et le résidentiel.

Flow Light
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  • Les petites exploitations sont-elles vraiment moins polluantes que les grandes ?

Lorsque Marianne Streel évoque « l’agriculture familiale » en Wallonie, elle désigne les petits agriculteurs indépendants qui s’occupent de leurs exploitations avec leurs familles. Peu d’exploitations wallonnes sont en effet détenues par de grosses entreprises. Andrea Rossi, conseiller au Service d’Etudes de la Fédération Wallonne de l’Agriculture, explique qu’ils travaillent « sur des surfaces raisonnables, avec peu d’animaux », donc leur impact environnemental est moins important. Sébastien Snoeck, membre de Greenpeace, soutient aussi les petites fermes et appelle à réduire la taille des troupeaux. Il encourage les structures familiales avec « un rapport plus direct avec la terre » que les grandes entreprises.

  • Comment a-t-on réussi à diminuer les émissions de gaz à effet de serre en 30 ans ?

Andrea Rossi confirme d’autres propos de Marianne Streel en indiquant que l’agriculture wallonne est très contrôlée et que « près de 100 % des produits wallons respectent les normes environnementales européennes ». Les agriculteurs sont en effet obligés de respecter ces normes pour obtenir une aide financière de l’Europe. La réduction des émissions est aussi due à la diminution du cheptel bovin et à l’utilisation d’engrais organiques à la place des engrais minéraux.

Sébastien Snoeck nuance ces propos. Selon lui, certaines normes ne sont pas respectées et il n’y a pas assez de contrôles. De plus, « les réglementations ne sont pas suffisantes ». Par exemple, « la quantité de nitrate dans l’eau est limitée à 50mg/litre alors qu’elle est dangereuse pour les batraciens dès 10mg/L », explique-t-il.

  • Quels produits doit privilégier le consommateur ?

Consommer local a un impact environnemental moins important. Andrea Rossi insiste une nouvelle fois sur la qualité des produits wallons : « Consommer wallon est un geste éco-responsable », puisque leur production respecte les normes environnementales. Il encourage même la consommation de viande si elle est locale. De son côté, Sébastien Snoeck rappelle que « les protéines animales sont la première cause d’émissions de GES », rien de tel donc que les végétaux.

Les propos de Marianne Streel dans « À votre avis » visaient donc à mettre en valeur l’agriculture wallonne et les progrès qui ont été réalisés pour réduire son impact environnemental, mais elle a omis certains éléments. Les défenseurs de l’environnement saluent ces efforts mais pointent encore des failles.

Crédit photo : Flickr / Sarah L

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