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« T’étais consentante, non? » : les cas de viols en Europe

Publié le 09-05-2018 par

flickr/[FR]Jio

 

Les affaires de viols sont de plus en plus médiatisées. Au niveau européen, la « convention d’Istanbul » contraint les pays signataires à punir les auteurs de violences envers les femmes.

« Ce n’est pas un abus sexuel, c’est un viol », « non veut dire non », « un string n’est pas une invitation au viol ». Les affaires de viol ne sont pas rare dans la presse quotidienne. Récemment, le scandale de la « meute » en Espagne a mis en lumière la législation espagnole sur le viol : le viol est reconnu si l’agresseur a eu recours à l’intimidation ou à la violence à l’encontre de la victime. Aucune mention de la « zone grise ». Le cas de l’Espagne n’est pourtant pas isolé. Des affaires de viol ont été médiatisées dernièrement en France, en Suisse et en Belgique. Mais alors, quelles mesures sont mises en place par les pays européens pour lutter contre les violences sexuelles? Quelles lois régissent les crimes de viol au sein des pays de l’Union européenne? Existe-t-il une législation européenne? Décryptage d’un phénomène qui se médiatise toujours davantage.

« Dans l’Union européenne, environ neuf millions de femmes âgées de 15 ou plus ont été violées »

—> pas tout à fait vrai

En 2014, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a mené une enquête sur les violences faites aux femmes au sein de l’Union européenne. Selon cette institution, « 5 % des femmes interrogées ont été violées ». L’enquête stipule que 62 millions de femmes vivent au sein de l’Union européenne. Si nous faisons le compte, le nombre de femmes ayant subi un viol au cours de leur vie s’élèverait à 3,1 millions. En 2015, selon Eurostat, 215 000 crimes sexuels ont été rapportés à la police dans l’Union européenne dont un tiers sont des viols. Pourtant, selon SOS Viol, tous les viols ou agressions sexuelles ne sont pas déclarés. La culpabilité de la victime, les questions gênantes lors des dépositions de plainte et la non-reconnaissance d’un viol par la victime elle-même sont des facteurs qui influencent le fait de porter plainte. Selon SOS Viol, il est donc impossible de comptabiliser le nombre de viols au sein d’un pays ou même au sein de l’Union européenne. Malheureusement, aucun chiffre pour les années 2016 et 2017. Au niveau européen, la dernière enquête officielle est donc celle d’Eurostat en 2015.

« En France, 12% des femmes sont victimes de viol dans leur vie, soit plus de 62 000 femmes chaque année ; moins de 10% de cas de viol conduisent à une sanction pénale »

—> FAUX

Le 22 février, les députés Marie Pierre Rixain (La République En Marche) et Sophie Auconie (Union des Démocrates et des Indépendants) ont rendus public un rapport sur le viol et les violences sexuelles faites aux femmes en France. Marie Pierre Rixain, également présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, a donné des détails sur ce rapport au micro de « C News »

« En 2017 ce sont en tout 250 000 victimes de viol ou de tentatives de viol : 93 000 victimes sont des femmes ». La député LREM ajoute également que « Ce ne sont pas nécessairement des plaintes déclarées parce que vous savez que 9% de l’ensemble de ces victimes seulement portent plainte. Sur ces 9%, ensuite, une plainte sur dix aboutit à une condamnation de l’agresseur ». L’article publié par le Parti de Gauche date d’avril 2018 et ne cite pas ses sources. On peut donc questionner la véracité de leurs statistiques.

 

  • Espagne : que s’est-il passé à Pampelune?

En juillet 2016, une jeune madrilène de 18 ans participe aux « fêtes de San Fermin » : elle fait la fête et boit de la sangria. Plus tard dans la soirée, cette jeune fille est violé par cinq hommes âgés de 27 à 29 ans qui se surnomment entre eux « La meute ». Cette « meute » filme le viol de la jeune fille. Le 24 avril 2018, après un procès douloureux et médiatisé, la justice espagnole condamne « la meute » à « 9 ans de prison et 5000 euros d’indemnité à la victime pour abus sexuel aggravé d’abus de faiblesse ». Malgré la vidéo du viol et le témoignage de la victime, la justice espagnole n’a donc pas reconnu le viol. La défense a plaidé que la jeune madrilène de 18 ans était, au moment des faits, passive et que la vidéo du viol était donc la preuve d’un rapport sexuel consentit par tous et également par la victime. Ce jugement a été le début des manifestations du week-end du 28 avril à Pampelune, dans le nord de l’Espagne. Les manifestants et manifestantes ont dénoncé les propos tenus par les magistrats : « il est indiscutable que la plaignante s’était soudain trouvée dans un lieu étroit et caché, entourée par cinq hommes plus âgés et de forte carrure qui l’avaient laissée impressionnée et sans capacité de réaction ».

Un nouveau procès devrait avoir lieu. De plus, une pétition a été lancée pour réclamer la révocation des juges ayant pris la décision. Cette pétition a déjà récolté 1,2 millions de signatures.

 

  • Quelle législation régit le viol en Espagne?

L’article 179 du code pénal espagnol stipule : « Si l’agression sexuelle consiste à l’entrée d’une partie du corps, ou d’un objet, par voie vaginale, anale ou orale, le délinquant doit être puni comme coupable de viol ». La code pénal espagnol stipule également qu’il doit y avoir des faits d’intimidation ou de violences pour reconnaître qu’un viol a eu lieu. Dans le cas de la jeune madrilène de 18 ans, les magistrats n’ont donc pas retenus les faits de violence ou d’intimidation de la « meute ». Une victime de viol peut-elle faire appel à la cours de justice européenne si le jugement national ne lui semble pas juste? Non. La cour compétente au niveau européen est la cour européenne des droits de l’homme. La Belgique a notamment été condamné le 2 mai 2017 par la cour européenne des droits de l’homme pour manquement à l’obligation d’enquête dans une affaire de viol et d’attentat à la pudeur à Bruxelles.

 

  • Une victime de viol peut-elle faire appel à la cours de justice européenne si le jugement national ne lui semble pas juste?

Non. La cour compétente au niveau européen est la cour européenne des droits de l’homme. La Belgique a notamment été condamné le 2 mai 2017 par la cour européenne des droits de l’homme pour manquement à l’obligation d’enquête dans une affaire de viol et d’attentat à la pudeur à Bruxelles. Les victimes de violences sexuelles sont également protégé par la « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », mieux connu sous le nom de la « convention d’Istanbul ».

Cette convention est contraignante, c’est-à-dire que les pays de l’Union européenne qui l’ont ratifiés sont tenus de mettre en application les quatre axes de la convention : la prévention, la protection, les poursuites et les politiques intégrées. Les lois doivent donc être modifiées pour correspondre aux normes édictées par la convention d’Istanbul afin de lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes. Si de nombreux pays de l’Union européenne l’ont ratifié, de nombreuses organisations se plaignent du manque de réactivité des institutions nationales. Par exemple, en Belgique, les campagnes de prévention seraient trop peu nombreuses.

 

  • Quelles sont les législations pour les autres pays européens?

À l’instar de la convention d’Istanbul, chaque pays européen a également sa propre législation sur les caractéristiques (ou non) d’un viol.

 

Laura Desmedt et Kelly Roland

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