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Di Rupo : « La protection sociale belge a atténué les effets de la crise ». Une réalité?

La crise économique de 2008 a eu de nombreuses conséquences néfastes pour les pays européens. Parmi eux, il semblerait pourtant que la Belgique y ait mieux résisté. C’était par ailleurs, en substance, les propos tenus par M. Di Rupo dans un communiqué de presse de réponse à Peter De Roover. Mais comment cela est-ce possible ? Décryptage avec Bruno Wattenbergh, professeur à la Solvay Brussels School en stratégie d’entreprise, éditorialiste économiste pour  BEL RTL.

«Si la Belgique a mieux traversé la crise économique que d’autres pays européens, c’est notamment en raison des protections sociales fortes dont elle s’est dotée et qui permettent d’amortir les chocs économiques».

VRAI

Cette déclaration d’Elio Di Rupo, ex-premier ministre belge et actuel président du PS, fait suite aux critiques du chef du groupe N-VA à la chambre Peter De Roover. Ce dernier critiquait le bilan, notamment du point de vue de la création d’emplois, de l’ancienne législature fédérale dont M. Di Rupo était Premier ministre. Le gouvernement Di Rupo aurait, selon Peter De Roover, gonflé son bilan en créant artificiellement des emplois dans la fonction publique et « a ainsi donné le sentiment d’être passé à travers la crise  en  renvoyant la facture à plus tard  (sous-entendu à la législature MR – N-VA) ».

La Belgique aurait mieux traversé la crise ? Analyse

La déclaration de M. Di Rupo se fonde sur deux études de l’université d’Oxford. Selon ces dernières, les effets néfastes de la crise auraient été contrebalancés par trois éléments-clés :

– Le salaire minimum

– La structuration du marché du travail

Et surtout

     – Le système de sécurité sociale et le chômage

Les études datent de 2014, le crédit et la fiabilité qui leur sont accordés ne sont pas remis en cause. Mais la réponse qu’elles apportent n’est en réalité pas tout à fait liée à l’affirmation de M. Di Rupo.

Pour savoir si ce dernier a raison d’affirmer que la sécurité sociale belge a amorti la crise économique, il faut cibler plus précisément à quoi répond la sécurité sociale dans ce cas-ci et en quoi cette réponse a-t-elle atténué ou non les effets de la crise.

En gros : A quelles conséquences de la crise répond la sécurité sociale belge et l’a-t-elle fait, comme l’affirme M. Di Rupo, de manière à les atténuer ?

Conséquences de la crise

On le sait la crise économique de 2008 a eu pour principale conséquence, un ralentissement global de la croissance économique pour les pays européens. Dans certains cas même, une récession économique (une croissance négative). Sur ce point-ci, la sécurité sociale d’un pays n’a que peu d’emprise c’est même plutôt l’inverse. Une croissance faible voire nulle peut aisément mettre à mal les systèmes de protection sociale nationaux. Grever les budgets, mener les hommes politiques à prendre des décisions qui auraient un impact négatif sur le système en lui-même, etc.

Si la crise a aussi entrainé, entre autres, une augmentation des dettes publiques, une augmentation du chômage et surtout, elle a aussi eu pour effet de provoquer une augmentation des inégalités sociales dans de nombreux pays européens.

Évolution de la dette publique en pourcentage du PIB de 2005 à 2013

Évolution du taux de chômage entre 2005 et 2015

(Les comparaisons sont faites avec la Grèce car c’est le pays européen qui est communément admis comme étant le plus victime de la crise. L’on constate alors que la Belgique, comme ses voisins Français et Allemand a plutôt bien réagi).

Bruno Wattenbergh, professeur à la Solvay Brussels School en stratégie d’entreprise, éditorialiste économiste pour la radio BEL RTL et : «A partir du moment où il y a une crise, il y a une baisse de croissance économique, il y a une baisse de revenus des gens. En règle générale ce sont ceux qui sont le moins armés qui pâtissent proportionnellement le plus de cette baisse. Et donc dans ce contexte-là l’ensemble des mécanismes de protection sociale, mais aussi tous les autres mécanismes qui permettent d’augmenter le salaire poche sont utiles. […] Ce qui est confirmé par les chiffres de l’OCDE et par la dernière étude ING c’est que la Belgique a bien particulièrement bien amorti la crise. Quand on a un filet de sécurité solide, automatiquement les inégalités se creusent moins ».

C’est dans ce cadre-ci que l’affirmation de M. Di Rupo prend tout son sens. Là où les inégalités sociales ont évolué un peu partout en Europe, ce ne serait pas le cas en Belgique. Et si l’on compare avec des pays comme la Grèce, où les revenus des moins riches ont reculé deux fois plus rapidement que dans les autres pays, et où les inégalités entre riches et pauvres ont explosé l’image est saisissante. (D’après une étude de la fondation Hans-Böckler citée par le journal l’Humanité, entre 2009 et 2013 les 10% des foyers grecs les plus pauvres ont vu leurs revenus baissés de plus de 86% quand celui des 10% les plus riches n’a diminué que de 17%) !

Le constat est fondamentalement différent en Belgique. D’après une étude ING  de février 2016, analysée dernièrement sur les antennes de BEL RTL par Bruno Wattenbergh, les inégalités auraient même reculé en Belgique. Le pays fait donc office de bon élève en ces temps troubles.

La principale conclusion que l’on peut tirer des études présentées par M. Di Rupo, de l’étude ING ou encore des propos de Bruno Wattenbergh est donc que les pays possédant des systèmes de sécurité sociale forts ont globalement mieux traversé la crise économique (du point de vue social tout du moins). Les inégalités économiques ont été décroissantes ou maintenues à leur niveau d’avant la crise.

La Belgique n’a pas été « épargnée » par la crise, mais il est raisonnable de dire que son système de sécurité sociale a permis d’en amortir les effets du point de vues des inégalités sociales. L’affirmation de M. Di Rupo est ici justifiée.

Il y a malheureusement un revers à cette médaille, comme l’explique Bruno Wattenbergh : « Quand on a un bon amortisseur pour les effets de la crise, c’est tout à l’avantage des Belges. Mais quand la croissance revient, le pays redémarre moins vite, car le système est lourd et couteux. Mais oui on peut dire que notre système de sécurité sociale ont permis d’atténuer les effets de la crise, particulièrement auprès des personnes les plus démunies ou les plus faibles (Ndlr : les personnes âgées, les enfants dans des familles à bas revenus, etc). […] Oui très clairement, salaire minimum et système de redistribution a permis de pouvoir limité les dégâts. Ça a joué un rôle dans le non-creusement des inégalités ».

Mais alors, une nouvelle question cruciale se pose, où en est la protection sociale en Belgique et est-elle mise en danger par la crise, est-elle encore viable ?

Le PS, fer de lance du combat pour la sécurité sociale ?

La première affirmation de M. Di Rupo analysée, restait alors une petite phrase qu’il était bon de vérifier.

« Le PS a toujours plaidé pour la défense d’une sécurité sociale puissante et efficace. Ce choix s’est avéré payant une nouvelle fois lors de la crise économique de 2008 ».

VRAI

Même si l’affirmation semble relativement évidente pour qui connaît un tant soit peu l’histoire sociale de la Belgique, des preuves peuvent être apportées pour confirmer les propos de M. Di Rupo comme le démontre Bruno Wattenbergh : « Effectivement, la sécurité sociale est née véritablement des combats sociaux menés par les syndicats. Le PS s’est toujours inscrit dans cette logique-là. Par ailleurs, le PS a toujours défendu une sécurité sociale qui doit rester fédérale et solidaire ».

De plus, pour saisir la portée de cette déclaration, il est nécessaire de regarder en arrière afin de comprendre quelles grandes réformes ont été mise en place par le Parti Socialiste, les gouvernements dans lesquels le Parti a monté des coalitions ou les personnalités affiliées. Et effectivement, la thèse de l’ex-Premier ministre se vérifie au gré des multiples combats et réformes menés par le PS depuis 1885, comme le montre cette ligne du temps.

Pour les curieux, voici une ligne du temps encore bien plus complète de l’histoire de la sécurité sociale sur le site du Comité Alpha.

La sécurité sociale a été fortement mise sous pression lors de la crise économique, mais une chose reste sûre, sans elle, les effets néfastes de la crise auraient été bien plus présent en Belgique.

Thomas Bausier et Olivier Blondeau