L’Assemblée nationale française doit se prononcer en deuxième lecture sur le délit d’entrave à l’avortement. Si elle avait ciblé les sites internet, le Sénat a modifié le texte sans spécifiquement viser le numérique.
L’avortement est érigé comme droit fondamental en France. Certains estiment qu’il s’agit d’une exception et non d’un droit. Ces détracteurs s’opposent alors aux assouplissements de la loi Veil. Pourtant, sous le quinquennat de François Hollande, la tendance a été à étendre ce droit. Sous impulsion du Parti socialiste, le délit d’entrave est en passe d’être étendu à l’interruption volontaire de grossesses (IVG). Une preuve que le droit à l’avortement reste un droit discuté par certains et pas totalement immuable.
1. Pourquoi l’avortement fait-il l’objet d’une bataille juridique ?
L’Assemblée nationale a adopté jeudi 1er décembre, en première lecture, une proposition de loi socialiste qui étend le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Cela vise à pénaliser le fait « d’induire en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une IVG ». Ce sont principalement les sites internet qui « désinforment » les femmes qui sont visés. Ils encourent jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Le Sénat a examiné la proposition de loi mercredi, en procédure accélérée. La rapporteuse de la commission des affaires sociales au Sénat précise que le ciblage des sites internet a été supprimé. Le délit d’entrave peut désormais être constitué « par tout moyen ». La décision définitive sera tranchée par l’Assemblée nationale dès la fin février.
2. Ceux qui s’opposent
Les députés ont déposé 76 amendements lors de cette première lecture. Ils proviennent majoritairement des Républicains (LR) et de l’extrême-droite. Seulement deux d’entre eux ont été voté.
Le Front national (FN). Le parti affirme qu’il n’y aura aucune modification de la loi Veil. Une position qui tranche avec celle de Marion Maréchal-Le Pen. Pour la députée du Vaucluse, l’IVG reste une exception et non un droit. « C’est un acte de dernier recours posé dans un cadre de détresse », affirme-t-elle dans les colonnes du quotidien français catholique et traditionaliste Présent.
Les Républicains (LR). Même si certains sénateurs ont voté en faveur de la loi, la majorité estime que le délit d’entrave restreint la liberté d’expression et crée notamment un délit d’opinion. « Vous, majorité et Gouvernement, avez donc décidé de réduire au silence ceux qui ne pensent pas comme vous », s’exprime Jean-Frédéric Poisson durant la discussion à l’Assemblée.
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3. L’essence de la nouvelle loi
Le but de la loi, qui comporte un seul article, est de maîtriser les sites anti-IVG qui ne se revendiquent pas comme tels. Selon ces sites, ils ne font que prévenir les femmes sur les risques et les conséquences d’une IVG. Mais les récits subjectifs sont orientés, les chiffres ne sont pas vérifiés, certains sont même faux. Pour la gynécologue Catherine Blanpain, « on doit donner des chiffres pour informer les femmes sur les risques de l’IVG. Mais par contre, on ne peut pas faire de la désinformation pour les inquiéter ou les dissuader. Il y a en effet des risques, mais ils sont minimes. Et concernant le syndrome post-IVG, aucune étude sérieuse n’a été faite. »
Pour Marisol Touraine, ministre de la Santé, il faut condamner le « climat culturel qui tend à culpabiliser les femmes ». Dans Libération, elle assurait qu’elle ne souhaitait pas interdire les sites internet incriminés. « Ce qui pose problème, c’est de ne pas afficher ses intentions. »
4. Qu’en est-il ailleurs en Europe ?
Même si la France applique une politique libérale, d’autres pays européens ne sont pas d’accord sur la question. Dernièrement, plusieurs ont relancé le débat sur l’IVG.
En 2014, Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, comptait faire passer une loi anti-avortement. Elle limitait l’IVG à seulement deux situations : en cas de viol ou en présence d’un risque physique ou psychique pour la mère. Une loi qui n’est pas arrivée à terme face à une forte opposition. Mais depuis 2015, l’avortement est tout de même interdit pour les mineures sans consentement parental.
En septembre dernier, c’est au tour de la Pologne d’envisager l’interdiction totale de l’avortement. Leur politique est déjà l’une des plus dures en Europe. Mais c’est sans compter sur la solidarité des Polonaises. Des « manifestations noires » –référence à l’habit des protestataires – ont eu lieu durant plusieurs semaines. Une mobilisation qui a permis l’abandon de la loi.
Crédits photo : @openDemocracy & Orion 8
Busra Karaboga et Ophélie Maillot