Que reste-t-il de la Manif pour tous ?

Marion Maréchal-Le Pen a déclaré, dans le Journal du Dimanche de ce 11 décembre, que François Fillon « se faisait passer pour un conservateur, mais qu’il ne répondait pas aux critères de la Manif pour tous », en affirmant qu’il ne défendait pas, dans son programme pour l’élection présidentielle de 2017, les idées de ce mouvement. L’occasion d’analyser plus en profondeur ce qu’est exactement la Manif pour Tous et qui en fait partie. 

 

La Manif pour tous, c’est quoi ?

La Manif pour tous est un collectif d’associations qui s’est créé en 2012, en opposition au projet de la loi Taubira sur le mariage pour tous, qui permet aux couples homosexuels de se marier mais également d’adopter des enfants. Le projet de loi a été déposé au Parlement français en novembre 2012, et adopté en mai 2013. La Manif pour tous est avant tout un mouvement d’opposition au mariage homosexuel. Selon ses membres, la loi Taubira bouleverse le Code civil. La Manif pour tous regroupe plus de 50 responsables associatifs et reçoit le soutien de partis tels que les Républicains, et notamment de François Fillon qui a déclaré, à la veille de la dernière manifestation organisée par le mouvement en octobre dernier, qu’il apportait son « soutien à tous ceux qui seront mobilisés pour la famille ».

 

Quatre ans plus tard, où en est-on ?

Même si la Manif pour tous a réuni plus de 700 000 signatures lors de la pétition lancée contre la loi sur le mariage pour tous en 2012, le collectif a toutefois perdu des soutiens au fil des années, comme le montre une étude de l’Ifop, réalisée en octobre 2016.

 

Pourcentage des sympathisants de la « Manif pour tous »
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Selon Cécile Vanderpelen, membre du Centre interdisciplinaire d’études des religions et de la laïcité (CIERL) et professeur à l’ULB, il y a une baisse de soutien « parce que la loi Taubira sur le mariage pour tous est passée, pour les sympathisants il n’y a plus rien à faire, on ne peut pas revenir en arrière ». Le profil des sympathisants de la Manif pour tous est assez varié : « Il y a des catholiques très conservateurs, des conservateurs seulement et des gens qui ne sont pas conservateurs mais seulement attachés aux valeurs familiales. Ce sont plutôt des gens de droite. » Mais l’étude révèle également que 17% des Français de gauche et « sans religion »  sont favorables à la Manif pour tous. « Le bon sens et l’attachement aux valeurs, aux mœurs sur la famille expliquent ce chiffre. Ils ne veulent pas perdre les repères liés à la famille. C’est une peur d’une société qui ne ressemble plus à la société d’antan, avec un père et une mère », poursuit Cécile Vanderpelen.

 

La Manif dépasse les frontières

La Manif pour tous a connu un succès considérable en dehors de l’Hexagone. Le mouvement influence naturellement la Croatie, la Finlande, la Russie et l’Italie, qui créeront à leur tour un mouvement “dans le but de préserver la notion de la famille”. La Manif pour tous en Italie utilise le même nom et le même logo. Leur manifestation contre l’homoparentalité et la théorie du genre a réuni entre 500 000 et un million de personnes en 2015. En Croatie et en Finlande, c’est un autre mouvement qui s’est créé, influencé par les idées et le succès de La Manif pour tous en France. Vladimir Poutine n’a pas hésité à copier le drapeau de l’organisation pour fabriquer le nouveau “drapeau hétérosexuel” de la Russie en juillet 2015.

 

La Manif pour tous : synonyme d’un revirement au conservatisme “extrême” ? 

La mobilisation contre le mariage homosexuel et l’adoption par des couples de même sexe a donné naissance à un mouvement conservateur. Ce mouvement conservateur puise ses racines au sein de la France catholique pratiquante. La crise d’identité politique et la crainte d’un désordre social destructeur sont les raisons de l’émergence de ce pôle conservateur. Cependant, conservateur ne signifie pas forcément catholique. Selon Gaël Brustier, chercheur en sciences humaines, le succès de la Manif pour tous n’est pas uniquement dû au conservatisme catholique traditionnel mais également à “une panique morale en rapport avec un projet de loi gouvernemental instituant l’accès au mariage pour les personnes de même sexe », a-t-il déclaré au site Atlantico en novembre 2014. Pour le chercheur, la France est face à un conservatisme de nouvelle génération. Un conservatisme qui “doit beaucoup aux mutations internes au monde catholique”  et qui cherche à “préserver les traditions tout en s’adaptant à des nouvelles configurations sociales.” 

 

 

Marthe Kinkela et Mélodie Voué