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L’impact de la pandémie sur les résultats universitaires en Belgique

La crise du covid-19 a impacté la réussite scolaire des étudiants belges (c) Unsplash
Publié le 12-01-2022 par , et
Le confinement a influencé les résultats des étudiants des universités belges. Les difficultés à s’adapter ont fait augmenter les décrochages scolaires. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres.

“Une majorité d’étudiants du supérieur en décrochage scolaire” : titrait le Soir, en novembre 2020. L’article s’appuie sur les résultats d’un sondage mené par la Fédération des étudiants francophones (FEF) en novembre 2020. D’après ces chiffres, 60% des étudiants se considèrent “totalement ou partiellement en décrochage scolaire”. De récentes statistiques du STEP (Statistiques et études prospectives à l’ULB) confirment que le taux de décrochage est passé de 9,35% en 2019-2020 à 11,34% en 2020-2021 parmi les étudiants de l’université bruxelloise.

Les étudiants ont été parmi les plus touchés par la pandémie. Certaines personnalités politiques et journalistes parlent même de génération sacrifiée. La crise sanitaire a enfermé, à plusieurs reprises, de nombreux étudiants dans leurs chambres. Ils ont été contraints de suivre leurs cours à distance, devant leurs ordinateurs. Cet éloignement des enseignements a affecté la qualité de leur apprentissage, comme en témoignent les données présentes dans les graphiques ci-dessous.

Inégalités sociales et scolaires

L'étude de la FEF montre que 48,2% des étudiants sondés estiment avoir eu de grandes difficultés à se concentrer sur leurs cours en ligne. Les raisons sont multiples : supports technologiques pas toujours pédagogiquement pertinents,  manque de communication avec l'enseignant, modification des ateliers pratiques, contenus théoriques et trop peu concrets.

 

A cela se sont ajoutées les inégalités sociales déjà présentes avant la crise. Disposer d’un lieu calme pour étudier, d’une bonne connexion internet et d’un ordinateur n’était pas à la portée de tous. Au sujet de la fracture numérique, la Fondation Roi Baudoin précise que "les personnes avec des faibles revenus (moins de 1.200 euros) et un niveau de diplôme peu élevé (au maximum un diplôme de l'enseignement secondaire inférieur) sont particulièrement à risque. Une situation qui les fragilise dans un monde toujours plus numérisé et qui renforce les inégalités sociales préexistantes".

Les étudiants les plus défavorisés sont ceux qui ont été le plus mis en difficulté durant les cours à distance, indique Juliette Paume, chercheuse à l’Observatoire de la Vie Étudiante de l’ULB. Les chiffres de l'OVE montrent toutefois que de manière générale, l'ensemble des étudiants trouvent que les cours à distance nuisent à la qualité de leur apprentissage. Près de la moitié des étudiants sondés, 44%, expliquaient avoir bien plus de mal que d'habitude à se mettre au travail. Ce sont donc des questions de motivation et non de matériel.

 

 

Des comparaisons difficiles

D'après les statistiques du STEP, le taux de décrochage scolaire, en diminution depuis 2017, a haussé en 2021 pour presque atteindre les chiffres de 2019. Pour Karim Lidouh, statisticien et directeur stratégique du STEP, il faut néanmoins garder un certain recul devant ces chiffres. Il est compliqué de comparer les résultats de l’année 2020 avec ceux des années précédentes. Les modalités de passage des examens varient par rapport aux autres années et selon les cursus.” Le statisticien déplore aussi le manque de statistiques précises sur ces problématiques : “La mentalité et la frilosité de la Belgique francophone à récolter des données privées limite les résultats”. Ainsi, le suivi statistique des étudiants durant leur scolarité est insuffisant. “Le Covid a indirectement influencé les résultats scolaires, c'est certain. Mais cela pourrait tout aussi bien être dû au changement du mode d’organisation” conclut Karim Lidouh.

Ce constat montre à quel point les chiffres sont malléables. De ce fait, des mesures ont été mises en place ces dernières décennies pour lutter contre le décrochage scolaire. Leur but : réduire l’interruption de scolarité des jeunes de 18 à 24 ans à moins de 9,5%. Selon une étude de Statbel, l’office belge de statistique, cet objectif est quasiment atteint en 2020, et les chiffres sont en baisse constante depuis deux décennies.

Néanmoins, la définition du décrochage scolaire de Statbel pose problème. Ce phénomène est défini comme le « pourcentage de personnes âgées de 18 à 24 ans n’ayant pas obtenu de diplôme de l’enseignement secondaire et ne suivant plus, sous quelque forme que ce soit, d’enseignement ou de formation ». Ainsi, l’office de statistique ne prend pas en compte le fait que certains jeunes commencent des études supérieures mais les arrêtent prématurément. Il n'existe en fait aucune donnée chiffrée concrète sur le sujet. 

Juliette Paume souligne la difficulté de définir la notion de décrochage scolaire.  “Une note de zéro ou de cinq aux examens ne signifie pas forcément que l’élève est en décrochage. On peut cependant se baser sur la variation du nombre d'inscriptions, de la réussite tout au long de l’année et aux examens. Il faut aussi procéder avec des enquêtes auprès des étudiants, en prenant en compte le fait qu’il y a un biais parce que les étudiants choisissent ou non de répondre au questionnaire.

A l’aube d’une nouvelle vague de contaminations, les décideurs politiques et établissements supérieurs ont fort à faire pour assurer la continuité pédagogique et les perspectives d’avenir de nos jeunes, pour leur éviter une nouvelle mise au ban.

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