Toujours le même refrain
La devanture est discrète sur le Boulevard Anspach, une des seules grandes allées piétonnes de Bruxelles qui relie la gare du Midi à De Brouckère. L’Ancienne Belgique est une institution du monde musical belge et européen, et il n’est pas évident de le deviner derrière la sobriété des lieux.
Une atmosphère de tension positive règne sur le trottoir avant le concert de ce soir. Des groupes d’amis forment des cercles concentriques tels des cheminées recrachant la fumée de leur travail, c’est le fameux moment de la dernière cigarette avant d’entrer à l’intérieur. Quelques regards s’évadent de ces cercles, simplement rêveurs ou admiratifs de la beauté humaine de cette belle société qui nous entoure. Une fois à l’intérieur, l’excitation redouble. Il devient difficile de se déplacer. Le brouhaha est assourdissant de jovialité. Les bras tendus de ceux qui se dévouent pour prendre les bières au miel maison, brassées par l’Ancienne Belgique, jouent les équilibristes pour accéder au cercle protecteur de leurs camarades. L’heure a sonné et la majeure partie de la foule finit sa bière en vitesse pour rejoindre la grande salle. C’est enfin l’heure, les gladiateurs du rock sont prêts à en découdre face à cette foule de passion.
Un monstre culturel et économique
L’Ancienne Belgique est une grande maison du rock et de la pop. Edith Piaf, Charles Trenet, Jacques Brel, toutes les légendes du siècle dernier et d’aujourd’hui s’y sont produites. Chaque année, 300 dates sont retenues pour plus de 600 artistes au micro. Le chiffre d’affaire de l’entreprise est de de 10 millions d’euros chaque année. En plus de cela, L’Ancienne Belgique touche deux millions de subventions annuelles de la part de la Communauté flamande, qui leur concède gratuitement la location des lieux. La maison est donc une pointure de l’événementiel musical à l’échelle européenne, avec son poids économique et son rayonnement culturel.
Une démarche sociale
Mais l’Ancienne Belgique n’est pas que ça. Elle s’inscrit dans une démarche sociale à dimension locale en marge de son activité lucrative. Quelques fois par an, les lieux se transforment en Repair Café. Les salles de concerts s’ouvrent pour accueillir des ateliers de réparation d’objets en tous genres. Dans une démarche contre la surconsommation et l’obsolescence technologique, des habitants du quartier viennent apprendre auprès de mains expertes, à réparer leur objet défectueux plutôt que de les jeter. La principale activité sociale de l’AB est le prêt de ces salles à des associations de quartiers pour des évènements caritatifs. Ca ne parait pas grand-chose mais la fourniture de ces salles comprends les charges de fonctionnements, le coût du personnel et le prix de location de la salle. Ce qui représente une somme entre 15000 et 20000 euros par évènement. Des courses de vélo sont organisées pour récolter des fonds pour des associations de lutte contre le cancer, alliant l’utile à l’agréable. Chaque festivalier participe aussi un peu à sa manière, sans forcément le savoir, car le prix des places et des consommations contient une part reversée dans ces mêmes associations.
Tout beau tout bio
L’esprit artistique rime facilement avec fibre écologique. L’entreprise utilise des alternatives durables pour se moderniser. C’est déjà la première salle au monde à avoir investi dans des spots à LED à basse consommation. Elle a des ruches sur son toit, et fabrique du miel avec lequel elle fait ses bières maison. Pour la rénovation du matériel dans l’enceinte de l’établissement, l’Ancienne Belgique privilégie des matériaux recyclés. Le nouveau podium de la grande scène est symptomatique de cet esprit, à base d’anciens pneus et de câbles.
Coming up: something exclusive. For you?! Stay tuned. #abconcerts #bastilleforlife #MFL16 #UNICEF pic.twitter.com/MFNy6rMypw
— Ancienne Belgique (@ABconcerts) 28 septembre 2016
L’Ancienne Belgique n’est cependant pas une entreprise éco-solidaire. Elle diffère des associations ou entreprises à but non lucratif qui s’occupe des démunis. Cependant, il est bon de tenir compte des diverses activités sociales de l’entreprise et de l’effort d’intégration de son activité à l’échelle locale. Le monde du spectacle, de l’événementiel, ou de la nuit en général n’a pas pour habitude d’allier d’importantes rentrées financières à une démarche non lucrative à sa marge.
Crédits photos article : Pierre Chabert