Une semaine. C’est le délai mis en place pour une cessation des hostilités ainsi qu’un accès humanitaire aux villes assiégées sur le territoire syrien. En effet, le 12 février dernier, les grandes puissances internationales ont signé un accord de trêve. Et pourtant, les bombardements russes ne cessent d’augmenter depuis. Les Russes seraient-ils en train de faire capoter l’accord ?
L’état actuel du conflit en Syrie Crédit : Joanna Marchi
1. En quoi consiste l’Accord de Munich ?
L’accord porte sur la cessation des hostilités en Syrie et a pour finalité de stopper les bombardements sur les civils. Didier Leroy, membre du conseil d’administration de Cercle des Chercheurs sur le Moyen-Orient, estime que la conférence « est avant tout un message politique qui n’aura sans doute pas un effet miraculeux sur le terrain ». La situation ne devrait en effet pas évoluer sur le plan politico-militaire puisque la cessation exclut d’emblée les frappes de la Russie et de la coalition internationale sur Al-Nostra et l’Etat islamique. Une partie du problème est ainsi occultée. D’autant plus que les puissances internationales justifient leurs bombardements par la lutte contre le terrorisme. Mais en pratique il y a des agendas propres et des logiques distinctes et respectables. La conférence essaye de « calmer le théâtre des opérations, terrain chaotique au vu du grand nombre d’acteurs », précise Didier Leroy. « En réalité, on n’y parvient pas spécialement », ajout-il.
John Kerry annonce l’accord pour une trêve après des heures de négociations. Source : The Guardian
A lire aussi : Accord pour une trêve humanitaire en Syrie
2. Pourquoi l’accord ne tient pas la route ?
La presse occidentale a tendance à reporter la faute sur la Russie et vice-versa, la presse russe fait de même envers les occidentaux. Plus clairement, personne ne se considère responsable, tout le monde rejette la faute sur les autres. Didier Leroy utilise une métaphore illustrant parfaitement la situation, « c’est le jeu du ping-pong habituel ». En réalité, tous les acteurs ont conscience qu’il ne peut y avoir qu’une solution diplomatique, que les stratégies militaires ne règleront rien. Mais tout le monde tente de gagner du temps pour infléchir l’équilibre des forces. « Tirer autant qu’on peut la couverture dans son sens avant de s’installer à la table des négociations », explique Didier Leroy. Bachar Al-Assad affirme croire aux négociations en cours mais déclare en même temps que « jusqu’à présent, ils (les grandes puissances) disent qu’ils veulent un cessez-le-feu d’ici une semaine. Qui est capable de réunir toutes ces conditions en une semaine? Personne ». En plus de l’absence des protagonistes du conflit à la conférence, le président syrien se contredit et rend l’accord plus instable qu’il ne l’était déjà.
A lire aussi : L’accord de Munich sur la Syrie laisse peu d’espoirs
3. La catastrophe humanitaire en Syrie a-t-elle été le déclencheur de l’Accord ?
Madaya, Deir ez-Zor et Mouadamiya Al-Cham font parties des villes particulièrement touchées par le manque de vivre et de soins. Les villes sont enclavées par l’armée syrienne qui empêchent l’arrivée d’aides humanitaires. Comme nous l’avons déjà écrit, l’accord de trêve de Munich n’a pas réuni les acteurs qui jouent un rôle capital sur le terrain, tel que le régime syrien, les opposants à ce régime, les pays limitrophes qui commencent à envoyer des troupes et, évidemment, DAESH. Depuis la conclusion de l’accord, les forces aériennes et terriennes poursuivent leurs combats. Didier Leroy évoque le fait « qu’il n’y a pas d’événement plus tragique qu’un autre, c’est juste une circonstance de notre temps. ». La collaboration entre les grandes puissance n’aura pas beaucoup d’effet sur le terrain selon lui mais il évoque une éventuelle « amélioration de la situation humanitaire » grâce à cette trêve. Espérons que Bachar Al-Assad, sous la pression de Moscou, autorise des convois humanitaires à acheminer leur aide aux régions particulièrement touchées par des famines et des manques de soins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, comme nous le montre le schéma ci-dessous. Les civils représentent pas moins d’un cinquième des victimes de cette guerre.
Par manque de données, les chiffres restent approximatifs. Les données datent d’août 2015, dernière mise à jour par l’OSDH.
4. L’accord de Munich permettra-t-il d’améliorer la situation des réfugiés syriens aux portes de la Turquie ?
C’est à la Turquie que revient la compétence de gérer la situation humanitaire à sa frontière. Elle accueille déjà un nombre considérable de réfugiés avec plus de deux millions de syriens sur son sol. Pour autant, sa priorité est de mettre un terme aux avancées du parti des travailleurs du Kurdistan (organisation armée et politique Kurde). Elle considère le PKK comme des terroristes, dangereux pour son unité territoriale. L’accord de Munich ne vient en rien traiter des conditions de vie des réfugiés à la frontière turco-syrienne. « Pour l’instant l’accord est juste une grande déclaration symbolique », défini Didier Leroy. A l’heure actuelle, la frontière reste fermée et 45 000 syriens se retrouvent bloqués aux portes du pays sans aucune aide.
La situation actuelle des réfugiés syriens à la frontière truque.
Source : Euronews
A lire pour tout comprendre sur le conflit en Syrie depuis le début : Arte
Article de Joanna Marchi et Arthur Drouart