« En prison, on fait tout à notre place », déplorait Marcus. Une fois libre, il n’est pas parvenu à gérer ses responsabilités seul. Pour beaucoup de détenus, liberté rime surtout avec solitude. À la sortie, il n’y a pas toujours quelqu’un pour les attendre ni un logement pour les accueillir. Dans le cas de Marcus, c’est une association qui a fini par le sortir du cercle vicieux dans lequel il était enfermé. Transit est une ASBL qui apporte ce type d’accompagnement. Ce centre d’hébergement de crise et d’urgence s’occupe des consommateurs de drogues et/ou d’alcool. Il y a quelques années, le centre a ouvert son activité aux détenus et ex-détenus pour leur proposer une aide. Cette aide intervient une première fois pendant leur détention et ensuite à leur sortie de la prison.
Raphaël Verschuren est assistant social depuis 8 ans chez Transit. Il se rend régulièrement dans les prisons de Bruxelles (Forest, St Gilles et Berkendael). La plupart des bénéficiaires de Transit sont en détention pour des faits mineurs. Une fois qu’ils parviennent à construire un environnement sain à l’extérieur (logement stable, accompagnement des proches), le juge les libère.
« En général, on visite le détenu une fois en prison pour un entretien d’accueil, on vérifie s’il est bien toxicomane ou alcoolique, si c’est le cas, on produit une attestation d’hébergement qui dit qu’à leur sortie on sera d’accord de les accueillir », explique Raphaël.
C’est après la sortie de prison que le travail de Transit commence à proprement parler. L’ex-détenu est accueilli, et accompagné sur la voie de la réinsertion. Comme l’explique Raphaël, bien souvent les personnes en détention préventive sortent de prison les mains vides et sont contraintes d’arrêter brusquement le traitement qui leur était fourni en prison. Ce sevrage soudain les pousse à commettre les mêmes faits qui les avaient conduits une première fois en prison. Sans aide, le toxicomane est condamné à reproduire les mêmes schémas, libération après libération.
Une fois que le processus de réinsertion débute, les anciens détenus se rendent à des entretiens avec des assistants sociaux. Débute alors un travail de longue haleine : « Souvent ils n’arrivent pas à se projeter parce qu’ils sont restés dans la dynamique carcérale », explique Raphaël. Ce qu’il appelle la « dynamique carcérale », c’est l’aspect figé de la vie en prison. « Ils limitent leur déplacement, leur sécurité est primordiale, ils ne font aucun projet, pas même pour la journée du lendemain. Quand ils arrivent ici, ils ne savent pas par où commencer. Ils ont voulu la liberté pendant des mois, mais quand ils la vivent, ils se rendent compte que c’est très angoissant de ne plus avoir de comptes à rendre », ajoute l’assistant social.
Tisser des liens nouveaux
Chez Dispositif Relais, c’est une autre approche qui est mise en place pour un autre public. L’ASBL a été créée en 2010 par la juge Anne Gruwez et Tahar El Hamdaoui, qui dirige aujourd’hui l’association. Ils accompagnent des jeunes de 18 à 25 ans en situation de réinsertion après un passage en prison.
Ici le retour dans la société se fait au travers d’activités sportives et culturelles comme l’escalade, l’hippothérapie, le théâtre et divers apprentissages comme l’apiculture ou les métiers du bâtiment. « Toutes ces activités ont trois fonctions : créer du lien avec le jeune, mettre en lumière ses compétences et lui apprendre à maîtriser le danger », explique Tahar le directeur de l’ASBL.
On retrouve dans le discours de Dispositif Relais un écho aux propos de William Sbrugnera. Pourtant, son directeur, Tahar, refuse d’apparenter l’action de son asbl à de la psychologie. Selon lui, cette pratique n’est pas adapté au public avec lequel il travaille.
Les notions de danger et d’adrénaline guident les activités proposées par le Dispositif Relais. « Si le jeune n’a pas le bon comportement avec le cheval, il tombe. C’est la même chose pour la voile ou l’escalade. Cette tension va solliciter des comportements responsables et une forme d’autonomie », renchérit Tahar. Grâce à ces activités, les sensations fortes que les jeunes ressentent ne sont plus associées aux délits. Cela permet de leur créer des centres d’intérêt nouveaux et solides.
Dans le cas de Marcus, les sensations fortes qu’il ressent sont toujours associées au milieu de la prison… L’adrénaline, il la ressent quand il décroche son téléphone en pleine nuit.
Pour les anciens détenus, assumer la liberté qui leur est rendue après leur passage en prison s’apparente au parcours du combattant. Et si la condamnation à être libre était plus difficile à vivre que la condamnation à être derrière les barreaux ? Si la justice exige un emploi stable et un toit, c’est souvent dans la tête que se trouvent les enjeux de la réinsertion. Ces interrogations, les acteurs du milieu carcéral tentent d’y apporter des solutions. Les associations et psychologues tiennent un discours similaire en se basant sur le développement de la confiance en soi, de l’autonomie et la création de nouveaux liens. Pourtant, ils peinent à agir de concert. Et à la fin, c’est l’objectif de réinsertion qui en pâtit.