Survie des musées : les observations du directeur de BOZAR passées au crible

Des seaux à côté de chefs d’œuvre, des pigeons dans les salles d’exposition des musées. Malgré le budget de 150 millions d’€ de la Régie des Bâtiments pour 2016, censé entretenir les propriétés de l’Etat – dont les Institutions Culturelles Fédérales (ICF) et les Etablissements Scientifiques Fédéraux (ESF) – nos musées tombent en ruines. Quelles solutions pour pallier à cette situation catastrophique ? Paul Dujardin, directeur de BOZAR, a évoqué hier ses observations et pistes sur les ondes de La Première. Décryptage.

1. « Le budget consacré aux musées ailleurs en Europe, notamment aux Pays-Bas, est plus bas qu’en Belgique »

FLOU

Tentons de comparer la situation belge et hollandaise. Pour Jean-Gilles Lowies, chercheur à l’ULB et à l’Observatoire des Politiques et des Institutions Culturelles, il est « très difficile de comparer les subventions entre pays dont l’organisation institutionnelle est différente ». La Belgique est fédérale, les Pays-Bas unitaires. Chez nos voisins du Nord, les subsides aux musées s’élevaient à 491 millions d’€ en 2013, soit 56% du revenu total des musées, le tout pour un pays de 16 millions d’habitants. En Belgique, l’analyse est plus complexe puisqu’il faut prendre en compte :

  • Une part du budget de la Régie des Bâtiments pour l’entretien et la rénovation des ESF et Institutions Culturelles Fédérales (101 millions € dans le budget 2015, 150 millions € dans le budget 2016[1]).
  • Une part, difficilement définissable, du budget du département des affaires étrangères pour les Institutions Culturelles Fédérales.
  • Une part du budget de la Politique scientifique pour les Etablissements Scientifiques Fédéraux (ESF) (environ 11 millions € en 2015).
  • Les subventions de la Fédération Wallonie-Bruxelles (17.147.475,88 € en 2014) et de la Communauté Flamande (8.122.000 € en 2013).

D’où la difficulté de comparer avec précision la situation belge avec l’étranger. Pour M. Lowies, il n’est cependant « pas impossible que l’organisation de trois politiques de musées (fédéral et communautés) entraîne davantage de dépenses que dans un pays unitaire tel que les
Pays-Bas. »

L’intervention de Paul Dujardin sur La Première, à partir de 4:00 (cliquez sur l’image pour voir la vidéo)

2. « Il faut rappeler l’effort très important que le privé a fait pour aider le public dans le projet du Musée Magritte […] par du mécénat. »

A NUANCER

Si Suez, via un « mécénat de compétences », a en effet contribué à hauteur de 4,5 millions d’€ à la mise en place du Musée Magritte, ce cas est très particulier. Suez n’a pas donné d’argent mais des compétences, un savoir-faire au service du Musée Magritte. En principe, la défiscalisation du mécénat pour les entreprises en Belgique ne se fait que jusqu’à hauteur de 5% du chiffre d’affaires, avec un plafond de 500.000 €. Ici, Suez a pu, en accord avec le gouvernement, faire passer ce « mécénat  de compétences » à titre de « charge et dépense professionnelle », qui ne comporte pas de plafond explicite.

Rien n’indique qu’un tel cas de figure puisse se reproduire pour d’autres musées tant que la législation belge sur le mécénat reste inchangée, ce que confirme Jean-Gilles Lowies : « Une législation prévoyant une réduction fiscale plus importante pour les dons et libéralités pourrait inciter davantage les pratiques de mécénat. »

Pour en savoir plus : « En Belgique, même les pigeons vont au Musée » (lesoir.be)

[1] « Déglingue générale aux Musées Royaux », Le Soir, 15/02/2016, p .27

Laurenne Makubikua & Robin Thomas